Tout l’été, La Presse vous a fait parcourir le Québec en vous racontant la vie des rivières. Des histoires humaines, scientifiques ou historiques qui ont toutes une rivière pour attache. Cette semaine, dernier arrêt : la rivière du Nord.

Qui contamine la rivière du Nord ? Depuis plusieurs étés, des enquêteurs armés de flacons d’échantillonnage et de salopettes de caoutchouc mènent l’enquête pour débusquer les coupables.

Des municipalités traversées par cet important cours d’eau des Laurentides ont confié aux biologistes de la Fondation Rivières la tâche de multiplier les analyses de qualité de l’eau. Objectif : localiser précisément les endroits où elle se dégrade, afin d’identifier les sources de contamination.

Les limiers remontent la piste des coliformes fécaux, dont la prolifération empêche la baignade sur le plus gros de la rivière. Après des décennies d’activité industrielle sur cette rivière dans la foulée de la colonisation du curé Labelle, ce sont maintenant les toilettes des environs qui polluent.

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Le biologiste Philippe Maisonneuve

« Ce sont soit les rejets d’eaux municipales qui sont mal traités, des surverses après de fortes pluies ou des installations septiques non conformes », a expliqué le biologiste Philippe Maisonneuve en préparant son prochain échantillonnage.

Épinglés à son tableau de chasse des dernières années : à Saint-Jérôme, « un bureau commercial qui n’était pas raccordé au réseau d’égout. Chaque fois que quelqu’un tirait la chasse de la toilette, on voyait essentiellement les restants de son repas se déverser dans la rivière ».

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Portion de la rivière du Nord dans le Parc régional de la Rivière-du-Nord, à Saint-Jérôme

Dans la même municipalité, « on a remonté un ruisseau qu’on savait contaminé sans savoir d’où ça venait, relate le jeune expert. À un moment donné, on a vu une masse blanc brunâtre. » Il s’agissait d’« une bouche d’égout qui débordait à forte pression » directement dans un tributaire de la rivière, en raison d’un blocage causé par des lingettes humides mises aux toilettes par des citoyens.

Autre exemple : la station d’épuration de Sainte-Adèle dont l’eau sortait parfois encore contaminée. La « désinfection se faisait avec des lampes UV, mais il n’y avait pas de nettoyage qui était fait, explique Philippe Maisonneuve. Des fois quelque chose d’aussi simple que ça… »

Un ruisseau suspect

Debout dans l’eau de la rivière, à Val-David, le biologiste remonte une nouvelle piste. Un ruisseau provenant du lac Gold, juste en amont, « sort avec des seuils de contamination qui sont au-dessus du seuil de baignade de façon continue », explique-t-il. « Ça pourrait contribuer à la contamination qu’on voit jusqu’à Val-Morin. »

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Le biologiste Philippe Maisonneuve

Il y a déjà des travaux qui ont été faits par la municipalité de Val-David pour enquêter, sans succès. Donc on essaie de faire d’autres prélèvements pour trouver à partir de quel secteur la contamination commence.

Philippe Maisonneuve, biologiste

Lorsque l’analyse en laboratoire expose un problème à un point précis de la rivière du Nord, les biologistes multiplient les prélèvements dans ce secteur afin de tenter de localiser le plus précisément possible l’endroit où la qualité de l’eau chute.

La tâche n’est toutefois pas aisée : la concentration en coliformes fécaux peut grandement varier à travers le temps, notamment en raison de la météo. La pluie abondante de cet été a d’ailleurs singulièrement compliqué la tâche de la Fondation Rivières, puisqu’aucun échantillonnage n’est possible après des précipitations substantielles : les surverses d’égout – et donc les coliformes – sont si nombreuses que les biologistes ne peuvent plus localiser d’autres problèmes.

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Une conduite d’eau contaminée à proximité de l’usine d’épuration de Sainte-Agathe

Certaines sources de contamination sont toutefois bien connues, et depuis longtemps, mais les solutions tardent. C’est le cas à proximité de l’usine d’épuration de Sainte-Agathe, où une conduite d’eau contaminée provenant du réseau municipal se jette dans la rivière du Nord. Citoyens et milieu associatif tentent depuis des années de faire corriger la situation, sans succès.

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Le maire de Prévost, Paul Germain, rêve de ramener un jour la baignade dans la rivière du Nord.

« Il faut être responsable »

C’est le maire de Prévost qui a eu l’idée de mandater la Fondation Rivières pour ce projet. La région contribue au financement.

« Le rêve ultime ? », évoque Paul Germain. « Peut-être, un jour, ramener la baignade sur notre territoire. »

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Par endroits, la rivière du Nord est assez propre pour accueillir des activités nautiques excluant la baignade.

L’élu se dit satisfait du travail effectué jusqu’à maintenant, notamment parce que les solutions à plusieurs des problèmes identifiés se trouvent entre les mains des municipalités elles-mêmes. « Ça nous donne un portrait. À partir de ça, on peut commencer à travailler », a-t-il dit. Prévost a d’ailleurs ses propres défis : « un problème de surverse ponctuel ».

« Ce qui est un peu paradoxal dans ces dossiers-là, c’est que souvent les installations sont à la limite sud de la ville, donc quand tu travailles sur ta qualité de l’eau, c’est la municipalité plus basse qui en bénéficie, a dit M. Germain. Mais à un moment donné, il faut être responsable. »