« Nous avons combattu l’équivalent de 100 ans d’incendies en seulement une nuit », a fait valoir vendredi le chef des pompiers de West Kelowna, en Colombie-Britannique, où le premier ministre a décrété l’état d’urgence.

Jason Brolund estime que la nuit de jeudi à vendredi « a été l’une des plus dures de [sa] carrière ». Il a déclaré que des premiers répondants s’étaient retrouvés piégés en tentant de sauver des gens qui n’avaient pas tenu compte des avis d’évacuation, alors que l’incendie de forêt de McDougall Creek progressait rapidement vers la ville – le « pire cauchemar » d’un pompier, a affirmé M. Brolund en point de presse. « Nous avons dû prendre certains risques pour sauver des vies la nuit dernière. On ne devrait pas avoir à faire ça », a-t-il tranché.

Pis encore, la lutte pour contenir le brasier est selon lui tout sauf terminée, et les citoyens risquent de connaître une autre « nuit effrayante ». Les conditions, dit-il, étaient pires vendredi que celles qui avaient attisé les flammes la veille. En fin de soirée, M. Brolund, n’a pas mâché ses mots : le feu a été « exponentiellement pire » que prévu.

Un constat que partage Loyal Wooldridge, président du district régional de Central Okanagan.

Malheureusement, nous ne sommes pas tirés d’affaire. La nuit [de jeudi à vendredi] pourrait bien être un avant-goût de ce qui nous attend dans les jours à venir.

Loyal Wooldridge, président du district régional de Central Okanagan

Même si les pompiers étaient à l’œuvre pour contenir le brasier, « mère Nature a été trop forte », a-t-il dit, déclarant toutefois qu’aucun décès n’avait été porté à sa connaissance.

« Tout le monde est inquiet »

« Pour l’instant, [le centre-ville de Kelowna] n’a pas reçu l’ordre d’évacuer, explique Catherine Labelle, une résidante. Mais demain [ce samedi], ça va peut-être changer. Ça peut changer à tout moment. »

Mme Labelle s’est installée à Kelowna il y a deux ans. Et elle vit depuis deux jours rongée par un « stress comme [elle] n’en a jamais vécu ». Ainsi, même si le centre-ville, où elle demeure, lui paraît plus sûr en raison de son éloignement relatif des montagnes, elle ne tient rien pour acquis.

« Tout le monde est inquiet et prêt à évacuer. Mais si on doit évacuer, on va où ? Certaines routes ferment à cause des feux », s’inquiète-t-elle. C’est notamment le cas de la route 97, fermée entièrement entre West Kelowna et Kelowna en raison de la menace.

PHOTO DARREN HULL, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des résidants de la région regardent l’incendie de McDougall Creek progresser vers West Kelowna.

Si elle était forcée de partir, Mme Labelle espérait pouvoir regagner Montréal par avion. Or, l’aéroport a dû fermer au cours de la journée vendredi pour libérer l’espace aérien à l’intention des pompiers. Elle n’a donc « aucune idée » de l’endroit où elle ira si son chez-soi de Kelowna s’avère menacé.

Le campus de l’Université de la Colombie-Britannique Okanagan, à Kelowna, a reçu l’ordre d’évacuer vendredi après-midi, alors qu’un incendie de forêt a empiété sur certaines parties de la ville de plus de 150 000 habitants. Ce nouveau brasier pourrait avoir été déclenché par des braises volantes de l’incendie de West Kelowna.

État d’urgence

En raison de la situation « extrême » dans l’ensemble de la Colombie-Britannique, le premier ministre de la province, David Eby, a décrété l’état d’urgence vendredi soir.

Selon le service de lutte contre les incendies de la Colombie-Britannique, les brasiers ont connu une croissance « extrême » jeudi et vendredi en raison du passage d’un système météorologique qui s’est accompagné de vents violents et d’éclairs.

Environ 15 000 personnes à travers la Colombie-Britannique font actuellement l’objet d’un ordre d’évacuation, tandis que 20 000 autres doivent être prêtes à partir de chez elles rapidement. Le BC Wildfire Service a indiqué que l’incendie de McDougall Creek s’étendait vendredi sur 68 km⁠2, une superficie six fois supérieure à celle qu’il occupait jeudi.

Yellowknife poursuit son évacuation

L’évacuation de Yellowknife suit son cours, mais la mairesse de la capitale des Territoires du Nord-Ouest a avoué qu’elle aimerait que les choses aillent plus vite. Quelques retardataires devaient toujours faire leurs valises et se diriger vers le sud, vendredi.

« Il faut prendre la situation au sérieux. On n’a pas besoin de “justiciers” bénévoles qui restent sur place pour surveiller la ville pendant les incendies », a lancé Rebecca Alty en entrevue à La Presse Canadienne. Malgré cet avertissement, elle a reconnu qu’il ne restait que très peu de résidants dans la ville. « Nous avons besoin que les derniers résidants qui sont encore chez eux partent », a affirmé la mairesse.

L’ordre d’évacuation, donné mercredi, a pour objectif d’assurer une évacuation complète avant que les incendies de forêt, qui font rage à une quinzaine de kilomètres de Yellowknife, progressent et entravent l’accès aux routes de la région.

Une décision qu’a défendue Mme Alty vendredi : « Évacuer toute la capitale, ce n’est pas facile ni rapide. S’il faut le faire, il faut prendre une décision plus tôt que tard. »

PHOTO ANDREJ IVANOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des animaux pris en charge par la SPCA sont déchargés d’un avion en provenance des Territoires du Nord-Ouest au terminal North Cariboo Air, à Edmonton.

Malgré la présence de rares récalcitrants, Yellowknife avait des allures de ville fantôme vendredi. En plus des stations-service – si elles avaient du carburant –, seules une épicerie et une pharmacie étaient demeurées ouvertes, tout comme un bar, où les travailleurs épuisés se rassemblaient à la fin de longs quarts de travail.

Un certain nombre des évacués de Yellowknife sont arrivés dans le courant de la journée au Centre d’exposition d’Edmonton, en Alberta, où près de 1000 personnes et une soixantaine d’animaux de compagnie avaient été enregistrés au moment où on écrivait ces lignes. De passage dans la capitale albertaine, le premier ministre Justin Trudeau a rappelé que la saison 2023 des incendies était sans commune mesure d’un bout à l’autre du pays.

« J’ai eu des moments pour m’asseoir avec des familles de Yellowknife qui ont fait face à tout un défi pour venir jusqu’ici en sécurité, mais elles reconnaissent la générosité des gens d’Edmonton, du gouvernement de l’Alberta et de la communauté qui est là pour les aider », a-t-il dit.

Avec La Presse Canadienne