Le cannabis médical est de plus en plus populaire chez les anciens combattants canadiens, montrent de nouvelles données du gouvernement fédéral. Ce dernier prévoit dépenser plus de 195 millions en 2022-2023 dans un programme y étant consacré, une hausse d’environ 27 % par rapport à l’an dernier.

Selon Anciens Combattants Canada, « les dépenses du programme de cannabis à des fins médicales augmentent chaque année » depuis déjà un moment, mais la hausse serait de plus en plus marquée. « L’augmentation est principalement due au nombre croissant de vétérans qui demandent le remboursement une fois que l’utilisation du cannabis leur est autorisée par un professionnel de la santé et aussi par l’augmentation du nombre de grammes remboursés par vétéran », note le Ministère à ce sujet.

Il précise que pour l’exercice 2021-2022, les dépenses du programme se chiffraient à environ 153,8 millions de dollars. Et pour l’exercice 2022-2023, Ottawa prévoit déjà « des dépenses de programme de 195,2 millions », une hausse de près de 27 %.

En date du 31 mars dernier, les autorités fédérales avaient autorisé le remboursement « de plus de trois grammes par jour pour 3742 vétérans, ce qui représente environ 20 % de tous les vétérans qui avaient une autorisation pour le remboursement du cannabis à des fins médicales », apprend-on également.

« C’est un peu normal »

Pierre Jolicœur, professeur titulaire au département de science politique du Collège militaire royal du Canada, affirme qu’il « est un peu normal que ces coûts augmentent ». « Les besoins de ce genre des vétérans sont importants et ont été sous-financés pendant des années, sinon des décennies. C’était une plainte constante de nos vétérans, qui trouvaient que le gouvernement ne mettait pas assez de moyens pour s’occuper d’eux », dit-il.

Ce n’est pas non plus étonnant quand on sait que depuis les années 1990, il y a eu des opérations où les soldats ont été exposés à des risques plus élevés et des phénomènes beaucoup plus traumatisants. En Irak et en Afghanistan notamment, beaucoup d’entre eux ont été très perturbés, très troublés. On ressent les impacts de ça depuis quelques années.

Pierre Jolicœur, professeur titulaire au département de science politique du Collège militaire royal du Canada

Au Canada, c’est depuis 2016 que les vétérans peuvent obtenir l’approbation de leur demande de remboursement d’une quantité exceptionnelle, « à condition qu’ils répondent aux exigences énoncées dans la politique de remboursement du cannabis à des fins médicales ». Ottawa exige notamment que des documents soient fournis par un spécialiste médical « ayant une expertise dans le traitement de l’affection pour laquelle le cannabis est autorisé ».

Ottawa précise par ailleurs que le cannabis à des fins médicales « est un domaine de traitement en évolution ». Anciens Combattants Canada consulte donc « périodiquement les plus récentes données de recherche et adapte sa politique au besoin ». « Depuis sa mise en œuvre en novembre 2016, la politique de remboursement du cannabis à des fins médicales a été révisée plusieurs fois », avancent à ce sujet les autorités.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

La politique de remboursement du cannabis médical est en vigueur depuis 2016.

En octobre 2019, notamment, la politique avait été modifiée « pour inclure trois nouvelles catégories de produits à base de cannabis, soit le cannabis comestible, les extraits de cannabis et le cannabis pour usage topique, afin de refléter les modifications apportées à la Loi sur le cannabis ».

Évaluer les besoins psychosociaux

L’augmentation des remboursements aux anciens combattants pour du cannabis médical n’est pas un phénomène nouveau en soi. Déjà en 2017, La Presse rapportait que le fédéral avait déboursé l’année précédente près de 48 millions pour fournir en cannabis ses vétérans, une somme qui avait plus que doublé en un an.

« Vous allez voir que les coûts vont continuer d’exploser », avait d’ailleurs prévenu à l’époque Sylvain Chartrand, président du Groupe de défense des intérêts des anciens combattants canadiens. En 2017, cet ancien soldat ayant combattu en Bosnie consommait lui-même huit grammes de cannabis par jour pour traiter un syndrome de stress post-traumatique, ce qui représente une facture totale de près de 2000 $ par mois.

Selon Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, il faut toutefois que l’accès au cannabis médical soit idéalement accompagné d’un soutien psychosocial, surtout quand il est administré pour traiter des cas de stress post-traumatique.

« Il faut toujours se demander si on a réfléchi à la globalité des soins pour ces personnes-là. Ce n’est pas tout blanc ou noir : il faut regarder chaque cas, finalement. Pour certains cas, peut-être que des séances de psychothérapie régleraient l’affaire, alors que pour d’autres, le cannabis médical est nécessaire », explique-t-elle, en rappelant que le système « ne prend souvent pas le temps d’évaluer complètement les besoins d’une personne avant de la traiter ».

Avec William Leclerc, La Presse

En savoir plus
  • 50 %
    D’après une étude parue en 2020, le cannabis « réduit de manière aiguë les symptômes » du syndrome de stress post-traumatique, « de plus de 50 % » en moyenne. Toutefois, « le cannabis ne procure qu’un soulagement temporaire des symptômes », préviennent les experts à ce sujet.
    Source : Journal of Affective Disorders