(Ottawa) Les élus fédéraux doivent plier bagage ce jeudi. En fait, plusieurs n’auront pas besoin de faire leur valise, le format hybride implanté à l’automne 2020, en contexte pandémique, leur ayant permis de travailler à distance — un format que les libéraux devraient parvenir à prolonger d’encore un an, au grand dam des conservateurs et des bloquistes.

Tout indique que les libéraux feront adopter ce jeudi, en soirée, une motion reconduisant ce format, grâce à l’appui des néo-démocrates.

Le leader du gouvernement en Chambre, Mark Holland, y voit une manière d’assurer de la « prévisibilité » et de la « stabilité », puisqu’il est difficile de prévoir « la direction [que prendra] la pandémie de COVID-19 ».

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Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, avec sa fille de 5 mois, Anhad Kaur, à la Chambre des communes, mercredi

Le Nouveau Parti démocratique, dont 13 des 25 députés représentent des circonscriptions de la Colombie-Britannique, y souscrit, brandissant les arguments de la conciliation travail-famille et de l’économie d’émissions de gaz à effet de serre en transport.

Dans le camp conservateur, où on aura un nouveau chef aux commandes peu avant la rentrée automnale à la Chambre des communes, c’est une autre histoire : on y voit une tactique de la part du gouvernement Trudeau pour éviter de « rendre des comptes », comme « il le fait depuis le début de la pandémie », soutient le député Alain Rayes.

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Le député conservateur Alain Rayes

« Il n’y a plus rien, à nos yeux, qui justifie que l’on prolonge ce système-là, qui avait été mis en place de façon exceptionnelle. Dans les moments les plus difficiles, ça a pu aider, mais aujourd’hui, tout le monde tente de retourner à un rythme de vie normal. Rien ne remplace le travail au parlement », fait-il valoir en entrevue.

Au Bloc québécois, on compte également s’opposer à la motion.

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Le chef parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien

Car il n’y a aucune urgence à se prononcer dès maintenant, et il serait donc « davantage avisé de prendre la décision à l’automne, au regard des derniers développements de la situation sanitaire », estime Alain Therrien, chef parlementaire du parti à la Chambre des communes.

Des députés d’arrière-ban absents

Le député insiste par ailleurs sur le fait qu’il est « primordial que le format hybride ne devienne pas la norme et s’ancre dans nos habitudes ».

Depuis le 23 septembre 2020, il est la norme.

Pendant ces 21 mois, des « M. le député de la circonscription X, vous êtes en sourdine », il y en a eu à la pelletée. Il y a eu cet élu surpris à la caméra dans sa tenue d’Adam, et cet autre dans une toilette du parlement où il avait traîné son téléphone.

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Le député Adam van Koeverden et le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, votent au parlement en utilisant une application sur leur téléphone lors d’une conférence de presse à l’hôpital d’Ottawa, mercredi.

Règle générale, les ministres étaient toutefois présents aux Communes. Les banquettes libérales, elles, étaient souvent clairsemées. Plusieurs députés d’arrière-ban préféraient rester à la maison.

Ce n’est pas idéal, estime la politologue Stéphanie Chouinard.

« Quand les élus sont dans leur circonscription, c’est plus rare qu’ils se fassent poser des questions comparativement à quand ils sont sur la colline à Ottawa, d’autant que le journalisme en région est en difficulté », analyse-t-elle.

Ainsi, « si le système hybride continue, il faudrait qu’il y ait des balises pour que certains députés n’abusent pas de la flexibilité », dit la professeure adjointe de science politique au Collège militaire royal du Canada, à Kingston, qui voit néanmoins des vertus à ce format.

Sa collègue professeure à l’Université d’Ottawa Geneviève Tellier est également d’avis que ce système comporte « beaucoup d’avantages et peu d’inconvénients ». Mais pour avoir une réelle discussion, il faudrait laisser la partisanerie de côté, plaide-t-elle.

La pandémie, croit-elle, a le dos large : « Tant les conservateurs que les libéraux ne jouent pas franc jeu. L’enjeu, c’est la réorganisation du travail au parlement, et il faut tirer des leçons de la pandémie pour faire les choses autrement. »

Vote le soir du 23 juin

Les travaux parlementaires à Ottawa seront donc ajournés ce jeudi soir, avec le vote sur la motion libérale qui est prévu vers 20 h 30 — le soir où se tiennent plusieurs festivités de la fête nationale du Québec.

« Justin Trudeau pousse l’odieux en imposant un vote le 23 juin, pour nous forcer à être là parce qu’on est cohérents avec notre position [d’être présents en Chambre], pour un vote qu’il aurait pu déclencher [bien avant] », s’insurge le conservateur Alain Rayes.

Cette année, cependant, il n’y a pas d’élections fédérales. Place au Québec.