Dans la foulée d’une stratégie annoncée mardi par Ottawa, Passeport Canada a distribué mercredi matin des coupons de rendez-vous devant le bureau du Complexe Guy-Favreau. Mais contre toute attente, ces billets ont simplement été remis aux voyageurs dans l’ordre de leur arrivée dans la queue, sans égard pour leur date de départ. Des centaines de personnes sont ainsi restées sur place, désespérées devant l’idée ne pas obtenir leur passeport à temps.

Fareh Mady était le 76e dans la file. Il attendait depuis trois nuits, sur sa chaise de camping, de mettre la main sur le document qui lui permettrait de prendre son avion mercredi soir à 17 h, en direction de Cancún.

« Ils ont refermé la porte juste devant nous en disant qu’ils ne donnaient que 73 billets », raconte le jeune homme qui a d’abord fait une demande de passeport au mois d’avril, par la poste.

« Je suis vraiment triste. Ça fait trois nuits qu’on est ici, on est fatigués. On n’a pas dormi », explique-t-il à côté de son ami avec qui il devait voyager.

Nombre limité de coupons

Mardi soir, vers 23 h, les employés du Complexe Guy-Favreau ont déplacé la longue file d’attente à l’extérieur du bâtiment. Des personnes qui avaient noté le nom de chaque individu se sont assurées que les rangs soient conservés. À 7 h mercredi matin, la distribution des coupons tant attendus s’est amorcée. Des policiers du Service de police de la Ville de Montréal ont assisté à l’opération.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Des gens amassés devant les portes du Complexe Guy-Favreau, mercredi

Les 73 premières personnes dans la file ont été invitées à entrer dans l’édifice, sans prêter attention à la date de leur départ, contrairement à ce qui avait été annoncé par la ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Karina Gould, la veille.

Ils disent au monde de venir 24 heures à l’avance, mais ils ne donnent que 73 billets. Ils n’ont pas priorisé les gens aujourd’hui.

Fareh Mady

Le jeune homme affirme qu’il s’est fait offrir 700 $ par une femme pour qu’il lui cède sa place de choix dans la file. Fareh Mady a refusé.

« Aucune information »

Les personnes qui se présentent, parce qu’elles ont un rendez-vous ou parce qu’elles doivent récupérer un passeport prêt, sont quant à elles décontenancées devant le manque d’information. Elles s’agglutinent devant la porte d’entrée principale dans l’espoir de parler à un gardien de sécurité. D’autres collent des messages dans les fenêtres pour tenter d’obtenir des réponses à leurs questions, en vain.

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Le manque d’information a été dénoncé par bon nombre de personnes.

« Il n’y a aucune information nulle part. Il n’y a pas de panneau qui indique les priorités. Personne ne nous a demandé si on partait aujourd’hui », raconte pour sa part Patricia Baehr, qui s’est présentée au bureau de passeports dans la nuit de mardi à mercredi, à 3 h 45.

Si on ne peut pas passer la nuit ici, on n’a aucune chance d’avoir notre passeport.

Patricia Baehr

« Moi, je suis monoparentale, j’ai des responsabilités, j’ai un travail et j’ai zéro chance d’avoir le passeport pour mon fils qui doit partir ce soir [mercredi] en France pour aller voir sa grand-mère malade », s’attriste Mme Baehr.

Bon nombre de personnes ont dit que le système de coupons, implanté pour la première fois mercredi, n’a pas changé grand-chose aux longues files d’attente. « La seule différence, c’est qu’on doit maintenant attendre dehors », a souligné Nathalie. Pendant la nuit, les gens ont utilisé une ruelle pour faire leurs besoins puisqu’ils n’ont plus accès aux toilettes de l’édifice fédéral. Beaucoup ont été trempés par les fortes pluies nocturnes.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a d’ailleurs dénoncé la situation en marge d’une conférence de presse, mercredi. « C’est inacceptable de voir des personnes qui ont fait une demande en bonne et due forme et qui se retrouvent à camper, sans toilette, sans eau, il n’y a rien à manger, ça n’a aucun sens », a-t-elle déploré. Elle a révélé être elle-même en attente d’un passeport pour l’un de ses fils, demandé au mois d’avril.

73 heureux

Steve Mathieu, lui, est sorti avec un large sourire du Complexe Guy-Favreau. Il était le quatrième de l’interminable file lorsque les coupons ont été distribués en matinée. Il attendait depuis lundi, 18 h 30.

« Les coupons, est-ce que c’est une bonne solution ? Pour moi, ç’a été bon parce que j’étais parmi les premiers. Mais si j’avais été 100e ou 150e, je n’aurais pas trouvé ça drôle », dit-il.

L’homme ne part que le 4 juillet, mais en plus de son passeport, il avait une demande de visa à effectuer pour entrer au Cameroun.

« C’est la première fois que mes enfants vont visiter le Cameroun, c’est la première fois qu’ils vont rencontrer leur grand-père, a expliqué le père de trois enfants de 3, 5 et 7 ans. C’est important pour moi ! »

Avec la collaboration d’Isabelle Ducas, La Presse