La patience des centaines de personnes qui attendent de recevoir leur passeport a été mise à rude épreuve encore mardi au Complexe Guy-Favreau. Peu après l’ouverture des bureaux, une employée a exigé que tout le monde quitte les lieux : les imprimantes à passeports ne fonctionnaient plus. Jeudi et vendredi derniers, c’est dans Saint-Laurent que les gens se sont fait dire qu’une seule imprimante était fonctionnelle.

« À 8 h 20, on nous a annoncé que les imprimantes ne fonctionnent pas et qu’on devait tous quitter. Mais personne ne voulait partir », raconte Marik Audet, qui faisait la file depuis 4 h du matin la veille.

La tension a monté d’un cran. Des personnes ont poussé des cris de protestation, d’autres ont argumenté plus calmement avec la représentante de Service Canada. C’est finalement une autre employée qui a demandé aux gens de conserver leur rang dans la file en attendant qu’on trouve une solution.

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Des gens devant le Complexe Guy-Favreau, mardi

« Les gens étaient fâchés, mais personne ne s’est frappé et il n’y a pas eu de bousculades », relate Mme Audet. « Ils ont finalement appelé les 40 premières personnes et j’étais la 38», poursuit-elle dans un mélange de rires et de pleurs. En milieu d’après-midi, elle a mis la main sur son passeport et celui de ses deux enfants. Ils ont pu prendre leur vol, à 22 h 35, vers la France.

La ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Karina Gould, a confirmé en soirée mardi que le problème des imprimantes défectueuses a été réglé pendant la journée. « Ce que je comprends, c’est que c’est déjà réglé. Il y a aussi des systèmes en place pour assurer que les passeports pourraient être imprimés dans les autres endroits », a-t-elle expliqué.

Quatre jours et… nuits

Dans l’arrondissement de Saint-Laurent, Yndira Parra Malave a fait le pied de grue pendant quatre jours et demi – à l’extérieur – pour obtenir le précieux document lui permettant de voyager avec son mari et ses enfants. À force d’attendre, elle a tissé des liens avec quatre familles qui ont décidé de garder la place chacune à leur tour pendant deux heures.

« Vendredi vers 16 h, ils [des employés] nous ont dit : “C’est fini, personne ne va rentrer parce que l’imprimante est brisée. On ne peut rien faire, vous attendez ici pour rien, revenez demain” », raconte Mme Parra Malave.

Ses comparses et elle ont quand même décidé de rester. Ils n’ont reçu leurs passeports que lundi, en après-midi.

Une vague « prévisible »

Pour Francis Côté, directeur général de l’agence Voyages Objectif Terre qui travaille dans l’industrie depuis plus de 24 ans, cette crise des passeports était « complètement prévisible ».

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Francis Côté, directeur général de l’agence Voyages Objectif Terre

Pendant la pandémie, quelqu’un qui voulait renouveler son passeport, s’il n’avait pas un billet d’avion pour prouver qu’il partait, ce n’était pas possible d’obtenir un rendez-vous. C’était écrit noir sur blanc sur le site de Passeport Canada.

Francis Côté, directeur général de l’agence Voyages Objectif Terre

Un décret gouvernemental, publié le 26 mai 2021, confirme en effet que Passeport Canada a limité la délivrance de documents pendant plus de 15 mois. « Depuis le 18 mars 2020, pour appuyer les efforts de confinement et protéger le personnel, le Programme de passeport a réduit les opérations de traitement des demandes au Canada pour ne traiter que les raisons justifiant un voyage urgent », lit-on dans le décret.

« C’était assez clair que le jour où les restrictions allaient être levées, les demandes allaient exploser », note M. Côté.

« Ils ont fait exprès de restreindre l’émission de passeports pour décourager les gens de voyager et c’est correct parce que la pandémie l’exigeait. Mais s’il y a eu moins de renouvellements en 2020 et 2021, les hauts fonctionnaires auraient dû voir venir la vague. Sinon, c’est un peu de l’incompétence », ajoute celui qui a pris l’avion vers le Costa Rica, mardi soir, avec 23 élèves du secondaire. L’un d’eux a reçu son passeport lundi seulement.

Emploi et Développement social Canada (EDSC) confirme que 363 000 passeports ont été délivrés entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2021. En comparaison, 1 273 000 passeports ont été produits pour la même période de 2021 à 2022.

Avec la collaboration de Mylène Crête, La Presse

Se faire indemniser ? Bonne chance !

Ni Ottawa ni le Fonds d’indemnisation des clients des agents de voyages (FICAV) n’ont l’intention d’indemniser les personnes qui ne reçoivent pas leur passeport à temps pour leur voyage. « Les Canadiens doivent vérifier la validité de leur passeport bien avant de réserver leur voyage », insiste Saskia Rodenburg, du bureau des relations avec les médias d’EDSC. « En principe, la responsabilité de disposer de tous les documents requis pour voyager (passeport, visa, preuves vaccinales, etc.) incombe au voyageur, même dans le contexte actuel où les délais d’émission des passeports sont exceptionnellement longs, affirme pour sa part Charles Tanguay, porte-parole de l’Office de la protection du consommateur. Ainsi, le client d’une agence de voyages qui voit son voyage compromis parce qu’il n’a pas son passeport ne serait pas admissible à un remboursement par le FICAV. »