(Ottawa) L’entreprise en charge de l’administration du règlement de 900 millions conclu entre le gouvernement fédéral et les militaires victimes d’inconduites sexuelles dans les rangs des Forces armées canadiennes reconnaît d’autres bris de confidentialité malgré sa promesse d’avoir réglé le problème.

Epiq Class Action Services Canada (Epiq) confirme que d’autres erreurs ont été commises après qu’une troisième victime se soit manifestée auprès de La Presse Canadienne pour rapporter avoir reçu un courriel contenant les informations personnelles d’une autre personne plaignante plus tôt ce mois-ci.

Cette ancienne combattante, qui a demandé de taire son identité puisqu’elle travaille toujours au sein du gouvernement fédéral, a révélé que les informations confidentielles reçues se trouvaient dans une pièce jointe. Elle a reçu ce courriel alors qu’elle talonnait Epiq pour mettre la main sur son indemnité après que son chèque eut été envoyé à la mauvaise adresse.

La Cour fédérale a mandaté Epiq afin de gérer le processus d’indemnisation quand le gouvernement a conclu une entente avec les victimes regroupées au sein de trois actions collectives, en novembre 2019.

« Je me sens trahie et inquiète que mes informations personnelles aient été envoyées à d’autres personnes, a confié l’ancienne combattante. J’ai soumis plus de 180 pages de documents et ça me rend malade de penser que quelqu’un puisse avoir accès à ces informations. C’est encore de la victimisation. »

Epiq avait précédemment assuré que les bris de confidentialité accidentels n’incluaient pas les témoignages et autres documents du genre, mais plutôt des noms, des coordonnées, ainsi que les numéros de plaignants générés aléatoirement.

La firme a offert ses excuses pour les erreurs commises depuis le premier cas rapporté en mars. Elle a promis à plusieurs reprises que des mesures disciplinaires seraient imposées et que de nouvelles procédures seraient instaurées pour s’assurer de protéger les victimes.

Ces fuites d’informations personnelles ont aussi incité un comité de plaignants, d’avocats et de représentants du gouvernement, chargé de superviser le processus de règlement, à ordonner un audit des pratiques d’Epiq afin de prévenir d’autres problèmes.

Depuis, la firme a engagé des vérificateurs externes afin qu’ils révisent ses procédures et puissent formuler des recommandations, a confirmé par courriel la vice-présidente d’Epiq Angela Hoidas. Elle a ajouté à l’intention des victimes : « Nous regrettons sincèrement ces fuites supplémentaires. »

« Bien que des erreurs humaines aient affecté une petite fraction des plaintes que nous avons administrées dans cette action collective, nous estimons que toute erreur est inacceptable et nous avons déjà pris des mesures considérables afin d’améliorer nos politiques et nos procédures », a-t-elle promis à nouveau.

L’avocat Jonathan Ptak, qui représente certains des anciens combattants et membres actifs des Forces armées canadiennes impliqués dans les poursuites en cause, confirme que l’audit a débuté.

Malgré tout cela, ni les promesses d’Epiq, ni le déclenchement de l’audit n’ont pu empêcher ce nouveau bris de confidentialité qui porte désormais le total de victimes ayant vu leurs informations compromises à 109 selon une compilation disponible sur le portail web d’Epiq.

Si Epiq n’a pas révélé le nombre d’incidents ayant mené à des fuites de données, le ministère de la Défense a confirmé que ce sont 20 évènements distincts qui ont été recensés depuis le 8 février. Cette liste inclut 15 incidents non rapportés, mais repérés par la firme lors d’une révision interne effectuée à la fin février.

« La Défense nationale prend les enjeux de confidentialité très au sérieux, a réagi la porte-parole Jessica Lamirande dans un courriel. Nous avons demandé à Epiq de mener une enquête et de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que la situation est sous contrôle, réglée et que cela ne se reproduise plus. »

Près de 20 000 plaignants ont soumis une demande d’indemnisation dans le cadre de ce règlement.

La caporale-chef à la retraite, Amy Green, et sa collègue ancienne combattante France Menard disent n’avoir eu aucune nouvelles de la firme, du gouvernement ou d’avocats impliqués dans le règlement depuis qu’elles ont révélé avoir reçu par erreur les informations personnelles d’autres plaignantes dans des communications d’Epiq plus tôt cette année.

« C’est décevant, c’est sûr, partage Mme Menard. Ils essaient de tout mettre sous le tapis. »

L’ancienne combattante qui a récemment reçu d’autres informations confidentielles d’une autre plaignante souligne que plusieurs membres inscrits ainsi qu’elle-même avaient déjà des problèmes avec Epiq bien avant les fuites de données. Elle cite des erreurs dans les informations personnelles ainsi que l’envoi d’indemnités à de mauvaises adresses.