L’homme d'origine marocaine affirme avoir subi des menaces et une agression en France après avoir critiqué le roi de son pays natal.

Un citoyen français vient d’obtenir exceptionnellement l’asile au Canada, parce que le tribunal de l’immigration estime que les autorités françaises n’ont pas démontré une volonté suffisante à le protéger contre les menaces et agressions liées à ses positions politiques.

Le demandeur d’asile a obtenu le statut de réfugié par une décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié rendue à Montréal et datée du 26 mai dernier. Son identité est protégée en vertu des règles de la Commission.

Il est rare, voire inédit, qu’une personne soit accueillie au Canada à titre de réfugié après avoir fui la France, où l’État est présumé être capable d’assumer la protection de ses citoyens contre toute persécution.

« À ma connaissance, c’est une première. Je n’ai pas souvenir d’un citoyen français reconnu réfugié au Canada », affirme l’avocat du demandeur, MStéphane Handfield.

Forcé à crier « Vive le roi ! »

Selon la décision de la Commission, le demandeur dans cette affaire est né au Maroc et s’est fait connaître dans son pays comme sportif de haut niveau. Il est toutefois parti vivre en France et aujourd’hui possède uniquement la citoyenneté française.

En France, il a manifesté publiquement contre le roi du Maroc, Mohammed VI. Il affirme avoir ensuite été torturé lors d’un voyage dans son pays natal. Une fois revenu en France, il a dénoncé sur plusieurs tribunes les services de renseignement marocains, qu’il rendait responsables de ses malheurs.

Selon la preuve soumise au tribunal, le demandeur aurait ensuite été inondé de menaces et de messages intimidants, sur son téléphone et sur les réseaux sociaux. Un interlocuteur anonyme lui aurait envoyé un montage de photos pornographiques le mettant en scène avec sa femme, en menaçant de tout rendre public.

Il affirme qu’en 2016, un groupe d’individus armés l’a attaqué. Alors que l’un pointait une arme à feu sur lui, un autre l’aurait blessé au cou avec une arme blanche, pour le forcer à crier « Vive le roi ! »

Des plaintes ont été déposées à la police française pour l’agression et les menaces, mais la Commission note que « rien n’a été fait pour retrouver ses agresseurs ».

« Le demandeur dit que ses agresseurs étaient tous d’ethnicité marocaine et il a insisté pour donner leur description à la police, mais celle-ci ne s’y intéressait pas », écrit le commissaire dans sa décision.

« Ses nombreuses plaintes contre les autorités corroborent ses allégations de persécution en France », ajoute-t-il.

Crainte pour l’avenir

La récurrence des menaces, la capacité des agresseurs à le repérer chez lui et à l’attaquer, la continuation de cette situation sur plusieurs années « amènent le Tribunal à conclure que le demandeur a été victime de persécution politique en France », précise la décision.

« Il y a aussi une possibilité sérieuse que cette persécution subsiste et s’accentue », lit-on plus loin dans le document.

L’avocat Stéphane Handfield a plaidé que même si la France avait la capacité de protéger son client, les autorités françaises auraient rechigné à le faire pour préserver leurs relations diplomatiques avec le Maroc et ses puissants services de renseignement. Il a déposé plusieurs articles de presse pour appuyer sa thèse.

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L’avocat Stéphane Handfield

Les plaintes portées à la police française n’ont rien donné, a-t-il démontré.

« En tenant compte de l’ensemble des menaces et l’attaque dont il a été victime […], il en ressort que les autorités françaises n’ont pas démontré un minimum de volonté à le protéger », décrète la Commission dans sa décision.

« Mon client est soulagé, d’autant que ça fait quand même plusieurs années que ce dossier traîne », affirme MHandfield.