(Halifax) Une officière de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a fondu en larmes, mercredi, à l’enquête publique, lorsqu’elle a déclaré que les procédures de communication peu claires qu’elle avait utilisées pour alerter la population de la présence d’un « tireur actif » en Nouvelle-Écosse avaient entraîné un retard crucial, pendant que le tueur poursuivait sa cavale meurtrière.

« Sachez simplement que je ferais n’importe quoi, si je pouvais revenir en arrière, pour faire disparaître ces minutes-là, a déclaré Lia Scanlan, en sanglotant, lorsqu’on lui a demandé si quelque chose devait être changé pour éviter de tels retards. J’ai juste besoin que les gens le sachent. Et nous ferons mieux. »

Le témoignage de Mme Scanlan contraste fortement avec ce qu’elle avait déclaré aux enquêteurs de la commission, en septembre dernier. Elle soutenait à l’époque que si c’était à refaire, elle n’agirait pas autrement en ce dimanche matin du 19 avril 2020, deuxième jour d’une tragédie qui coûtera finalement la vie à 22 personnes. À l’époque, elle était directrice des communications stratégiques pour la GRC de la Nouvelle-Écosse.

Mme Scanlan a déclaré mercredi que les procédures de communication devaient changer au sein de la police fédérale. C’est ce qu’elle a répondu lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait fallu quelque trois heures à la GRC, le dimanche matin, pour avertir la population de la Nouvelle-Écosse que le tueur conduisait une voiture qui ressemblait en tous points à une autopatrouille de la GRC.

L’enquête a appris que le soir précédent, le suspect avait tué 13 personnes à Portapique, mais la population n’a été informée que par Twitter que la police enquêtait sur une plainte relative aux armes à feu.

La réplique d’autopatrouille

Ce n’est que tôt le lendemain matin que la GRC a réalisé que le suspect avait recommencé à tuer des gens dans le nord et le centre de la Nouvelle-Écosse, où neuf autres personnes sont mortes ce dimanche-là.

Bien que la GRC ait obtenu une photo de l’autopatrouille à 7 h 27 le dimanche matin, un message sur Twitter avertissant la population d’un faux véhicule de police n’a été envoyé qu’à 10 h 17. Ce retard a fait l’objet de nombreuses spéculations et soulevé l’indignation du public, étant donné que quatre personnes étaient mortes pendant ces trois heures.

Mme Scanlan a confirmé qu’elle avait publié le deuxième message sur Twitter à 8 h 02 — un message qui indiquait pour la première fois que la GRC enquêtait sur une « fusillade active ».

À ce moment-là, le sergent d’état-major Steve Halliday a conclu que le tueur était toujours en liberté et conduisait une réplique d’autopatrouille de la GRC, sur la base des preuves qu’il avait reçues ce matin-là. Il a déclaré à l’enquête que c’est à ce moment-là qu’il a décidé que la population devait être mise au courant de la présence du véhicule.

M. Halliday a soutenu qu’il avait demandé à Mme Scanlan et au sergent d’état-major Addie MacCallum de rédiger « dès que possible » un message, avec des photos, révélant l’identité du tueur et des détails sur sa voiture. Mme Scanlan a indiqué qu’elle ne se souvenait pas de cette conversation, mais elle a confirmé qu’elle avait peut-être eu la photo de la voiture à 8 h 10.

« On ne m’a pas dit à ce moment-là de publier la photo de la voiture, a-t-elle soutenu. J’attendais la directive (d’en haut) pour envoyer la photo […] Elle n’était pas publiée pour protéger les policiers. »

On ne voulait pas alerter la population

Mme Scanlan a nié avoir reçu des instructions au sujet de la photo de la part d’officiers supérieurs, y compris du surintendant en chef Chris Leather, qui fait l’objet d’une enquête pour son rôle dans le contrôle du flux d’informations vers la population.

Des preuves publiées précédemment ont confirmé qu’il y avait eu des discussions entre des officiers supérieurs de la GRC qui estimaient que la divulgation d’informations sur le véhicule aurait pu semer la panique au sein de la population et mettre la vie de policiers en danger.

À 8 h 54, la GRC a publié sur Twitter un message qui comprenait une description et une photo du tueur, ainsi que la confirmation que le suspect était armé et dangereux. Il n’y avait toujours aucune mention du véhicule.

À 8 h 59, la caporale Jennifer Clarke a envoyé un courriel à Mme Scanlan pour lui dire qu’elle avait une copie de la photo de la réplique d’autopatrouille. Selon Mme Scanlan, la caporale Clarke a été invitée à rédiger un message, pour approbation par le sergent MacCallum.

Peu après 9 h 30, la GRC a appris que le suspect avait recommencé à tuer des gens dans la région de Wentworth.

Le message préparé par la caporale Clarke a reçu l’approbation du sergent Halliday à 9 h 49. Mme Clarke a ensuite demandé par courriel l’approbation de Mme Scanlan aux communications, mais il y a eu un retard.

Trop occupée

Mme Scanlan a témoigné qu’elle n’avait pas vu ce courriel — et deux autres demandant une réponse — parce qu’elle était occupée au téléphone à informer d’autres collègues. « J’avais les deux téléphones dans les oreilles et je faisais beaucoup de choses à la fois », a-t-elle déclaré.

En conséquence, le message sur Twitter avec la photo de la réplique de la voiture n’a été envoyé qu’à 10 h 17.

Mme Scanlan a souligné qu’elle ne s’attendait pas à ce que la caporale Clarke lui demande son approbation. Elle a confirmé que les procédures suivies ce jour-là n’avaient pas été écrites.

« Je n’avais pas besoin de voir (le tweet), mais je n’ai pas été clair là-dessus, a déclaré Mme Scanlan. L’explication, c’est une mauvaise communication ou un manque de communication […] Absolument : un goulot d’étranglement. »