(Ottawa) La Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) affirme que le Canada a besoin d’une enquête publique indépendante pour régler les graves problèmes de violence sexuelle et de coercition dans les prisons fédérales pour femmes.

La commission a joint sa voix à l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry qui avait lancé la demande d’une telle enquête il y a un an.

La présidente de la Commission canadienne des droits de la personne, Marie-Claude Landry, a dit que la CCDP est « profondément préoccupée » par les informations faisant état de coercition et de violence sexuelles dans les établissements correctionnels fédéraux et par le manque d’action pour régler le problème.

Mme Landry a souligné « qu’une peine de prison prive une personne de son droit à la liberté, mais pas de ses droits à la sécurité ». Elle a fait valoir que la violence sexuelle dans les milieux carcéraux est inacceptable et criminelle, ajoutant que le Service correctionnel du Canada est tenu de protéger et soutenir les victimes de ces crimes.

Sa déclaration a fait surface 10 jours après qu’un ancien gardien de prison de l’Établissement Nova pour femmes, à Truro, en Nouvelle-Écosse, a plaidé coupable à six chefs d’accusation liés à l’agression sexuelle de trois détenues.

« Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les victimes signalent des incidents de coercition et de violence sexuelles sans les soutiens et les mécanismes appropriés en place pour les protéger contre les représailles », a déclaré Mme Landry.

La coercition sexuelle fait référence à tout acte sexuel sans consentement. Cela peut aller des baisers non désirés aux attouchements sexuels et aux rapports sexuels forcés, selon une définition de l’organisme de surveillance des prisons du Canada.

Selon le dernier rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel, il existe des « lacunes considérables » dans la façon dont les Services correctionnels enquêtent et préviennent les comportements sexuellement problématiques derrière les barreaux.

L’enquêteur correctionnel Ivan Zinger a recommandé au ministre de la Sécurité publique de financer une étude nationale sur la prévalence de la coercition et de la violence sexuelles, menée par des experts indépendants.

En janvier, Sécurité publique Canada a publié une demande de propositions pour qu’un entrepreneur explore précisément cela, dans le but d’identifier la « nature et l’étendue » du problème chez les détenues autochtones, racialisées ou autrement à risque, et de suggérer des moyens d’intervenir et de prévenir ces crimes. Cette demande a été close en février.

La prochaine étape est une étude pilote, qui devrait être planifiée au plus tard en décembre, a déclaré Alexander Cohen, attaché de presse du ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino.

Une étude nationale devrait commencer au début de 2023 et sera achevée d’ici un an, a déclaré M. Cohen dans un communiqué mercredi.

M. Zinger a également recommandé au gouvernement d’introduire une législation similaire à la loi américaine sur l’élimination du viol en prison, qui oblige les prisons à appliquer une politique de tolérance zéro à l’égard des agressions sexuelles et à collecter des données sur les incidents qui se produisent.

Malgré ces recommandations, le dernier rapport indiquait que le bureau « n’a observé aucune différence appréciable » dans la manière dont les services correctionnels préviennent, suivent ou gèrent ces incidents, et continue de recevoir des plaintes de détenues qui ont été témoins ou victimes de coercition et de violence sexuelles.

« Nous continuons d’entendre des cas où les auteurs présumés sont simplement déplacés au sein des institutions et entre elles, ce qui constitue la méthode privilégiée pour « résoudre » les plaintes formelles de comportements sexuellement problématiques », a déclaré le bureau.

« Le Service correctionnel du Canada a une tolérance zéro pour la violence dans ses établissements et nous prenons très au sérieux toutes les allégations de coercition et de violence sexuelles », a indiqué la porte-parole Esme Bailey.

Les victimes ou les témoins de comportements inappropriés ont de nombreuses façons de le signaler, notamment par le système de plaintes et de griefs des délinquants, a indiqué Mme Bailey.

Elle a déclaré que les allégations de coercition et de violence sexuelles doivent faire l’objet d’une enquête et que les employés doivent contacter la police immédiatement au sujet de tout incident ou allégation d’inconduite qui pourrait constituer une infraction pénale.

Dans sa réponse au rapport de l’enquêteur, le Service correctionnel du Canada a affirmé qu’il élaborait en mai une politique sur la coercition et la violence sexuelles dans ses établissements, qui fournira des directives claires au personnel sur la façon dont il doit réagir.

Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière des Bourses de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.