(Ottawa) Des interprètes afghans qui ont assisté les militaires canadiens affirment que le gouvernement fédéral leur a menti en leur disant qu’ils pourraient faire venir rapidement des membres de leur famille au Canada — et ils soutiennent que certains sont morts en attendant.

Lors d’une conférence de presse organisée mercredi à Ottawa par le Nouveau Parti démocratique (NPD), des interprètes ont déclaré qu’ils prévoyaient amorcer une grève de la faim, jeudi.

Ils disent que leurs proches fuient de maison en maison pour échapper aux fouilles des talibans et qu’ils brûlent des documents suggérant des liens avec le Canada, par crainte de représailles des intégristes qui ont repris le pouvoir à Kaboul en août dernier.

Ghulam Faizi, un ancien interprète afghan qui est maintenant citoyen canadien, a soutenu mercredi à Ottawa que les Afghans qui ont demandé des passeports pour quitter le pays, comme le recommandait le gouvernement canadien, avaient été ensuite interrogés par les talibans.

« La première chose que les talibans demandent, c’est : pourquoi avez-vous besoin d’un passeport familial ? Pour qui avez-vous travaillé et pour qui votre famille a-t-elle travaillé ? », a expliqué M. Faizi.

D’autres Afghans ont attendu si longtemps que le Canada traite leur dossier dans les pays voisins, comme le Pakistan, que leur visa a entretemps expiré et qu’ils risquent d’être retournés vers l’Afghanistan, où ils pourraient être persécutés par les talibans.

Safiullah Mohammad Zahed, qui fait partie de ceux qui envisagent d’amorcer une grève de la faim, a accusé le gouvernement canadien d’avoir trompé les interprètes afghans en leur disant qu’il allait faire venir rapidement leur famille au Canada. « Nous avons l’impression qu’on nous a menti dès le premier jour », a-t-il soutenu mercredi.

Comme les Ukrainiens

La députée néo-démocrate Jenny Kwan a déclaré de son côté que le gouvernement devrait traiter les Afghans de la même manière que les Ukrainiens qui fuient l’invasion russe, et accélérer leur venue au pays en traitant leurs documents et leurs données biométriques une fois qu’ils sont arrivés au Canada.

La porte-parole néo-démocrate en matière d’immigration a soutenu mercredi qu’aucune famille afghane n’avait jusqu’ici rejoint un parent interprète au Canada dans le cadre des « mesures spéciales » d’immigration mises en place l’année dernière pour les faire venir.

Elle a déclaré que les interprètes avaient rencontré notamment des responsables de l’Immigration, et le ministre, à 25 reprises au sujet des retards et des problèmes logistiques.

« On leur avait promis qu’ils amèneraient les membres de leur famille ici au Canada d’ici quelques semaines, a déclaré Mme Kwan. Ça fait maintenant près de trois mois qu’ils ont soumis leur demande, conformément aux instructions du gouvernement ; 300 familles ont soumis leur demande, et pas un seul membre de leur famille n’est arrivé au Canada. »

Accueil de 10 000 réfugiés afghans & logistique

Aidan Strickland, porte-parole du ministre de l’Immigration, Sean Fraser, a déclaré que le gouvernement restait fermement déterminé à faire venir ces familles afghanes. Elle assure que les responsables font « tout ce qu’ils peuvent » et « utilisent toutes les voies disponibles », mais elle soutient que le processus est embourbé dans des obstacles, y compris l’accès aux documents de voyage.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre fédéral de l’Immigration, Sean Fraser

Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Sean Fraser, était d’ailleurs à Toronto pour souhaiter la bienvenue à près de 300 ressortissants afghans arrivés à bord d’un vol nolisé mercredi.

Dans un communiqué publié en soirée, il est indiqué que le Canada a accueilli plus de 10 000 réfugiés afghans depuis août 2021.

« Malgré les nombreux défis uniques, ces nouveaux venus afghans commencent maintenant leur nouvelle vie au Canada », peut-on lire notamment dans le communiqué.

« Le gouvernement du Canada demeure ferme dans son engagement à réinstaller au moins 40 000 ressortissants afghans et s’efforce de mettre en sécurité le plus grand nombre possible d’Afghans vulnérables au Canada le plus rapidement possible », a ajouté la porte-parole du ministre.

Mme Strickland a aussi expliqué que les délais sont soumis à des défis différents selon l’endroit où les Afghans se trouvent, si le Canada peut effectuer un contrôle de sécurité et s’ils ont les bons documents pour voyager et accéder à un aéroport ouvert.

Des interprètes afghans ont déclaré qu’en attendant que leurs demandes soient traitées, plusieurs membres des familles étaient morts avant de pouvoir embarquer dans un avion pour le Canada. D’autres perdent leur emploi, achètent des papiers au marché noir pour se rendre au Pakistan ou vivent terrés en Afghanistan.