(Montréal) Les Forces armées canadiennes (FAC) instaureront le 20 juin prochain des mesures pour soutenir les victimes d’inconduite sexuelle dans leurs démarches en cour martiale, ont-elles annoncé mercredi lors d’une séance d’information technique.

Le projet de loi C-77, adopté en juin 2019, a imposé à l’armée de mettre en place la Déclaration des droits des victimes, dans la foulée d’une série de scandales d’inconduite sexuelle qui ont secoué les FAC et déclenché plusieurs enquêtes officielles.

La Déclaration garantit le droit à l’information, pour que les victimes comprennent bien comment le système de justice militaire fonctionne et quelles sont leurs options. Pour ce faire, les plaignants auront « le droit de demander l’assistance d’un officier de liaison » chargé de les accompagner, a expliqué le colonel Robin Holman, juge-avocat général par intérim.

Un autre droit des victimes est qu’elles soient « protégées contre l’intimidation et les représailles » et qu’elles aient la possibilité de protéger leur identité.

Le colonel Holman n’a pu fournir beaucoup de détails quant aux mesures qui seront mises en place à ce sujet, mais a mentionné que « les juges pourront donner des ordres de non-contact » entre le plaignant et l’accusé.

En vertu du projet de loi C-77, les victimes auront aussi le droit à la participation dans le processus judiciaire et le droit au dédommagement.

Protéger les victimes

« Cette implémentation est basée sur les nombreuses consultations que nous avons faites et les recommandations que nous avons reçues, pour nous assurer que les victimes sont soutenues et protégées », a déclaré la lieutenante-générale Frances Allen.

La Déclaration des droits des victimes était l’une des nombreuses recommandations du rapport du troisième examen indépendant de la Loi sur la Défense nationale, déposé en avril 2021 par l’ancien juge de la Cour suprême du Canada Morris Fish. Celui-ci voulait ainsi « assurer que les victimes d’infractions faisant l’objet d’une enquête ou de procédures sous le régime de la Loi sur la défense nationale aient essentiellement droit aux mêmes protections que celles offertes par la Charte canadienne des droits des victimes ».

Une autre enquête indépendante, celle-ci dirigée par l’ancienne juge de la Cour suprême Louise Arbour, est présentement en cours pour « jeter une lumière sur les causes qui expliquent la présence continue d’incidents de harcèlement et d’inconduite sexuelle malgré les efforts déployés pour éliminer de tels comportements, de cerner les obstacles au signalement de comportements inappropriés ».

En attendant que des changements s’opèrent dans les cours martiales, la juge Arbour a demandé à ce que tous les dossiers concernant des accusations de nature sexuelle soient gérés par les tribunaux civils.

Depuis, la police militaire travaille pour créer « un processus de transfert des dossiers éligibles au système de justice civile », a dit la lieutenante-générale.

Indépendance nécessaire

Le rapport Fish avait consacré une section complète au besoin d’indépendance des juges militaires. Il a entre autres recommandé que ceux-ci cessent d’être des membres des FAC pour devenir des civils.

En ce moment, les cours martiales ne sont formées qu’à la convocation d’un responsable. Le juge Fish a souligné que cela pouvait entraîner un manque d’indépendance et d’efficacité, et recommandé de créer une cour permanente.

Interrogé à ce sujet, presque un an après la publication du rapport, le Colonel Holman a répondu que « le travail ne vient que de commencer ». « Les avancées de type légal prennent du temps » et doivent passer par de nombreuses étapes administratives, a-t-il dit, assurant que l’armée ne tentait pas de mettre des bâtons dans les roues du projet.

« Nous essayons de nous assurer de le faire d’une façon qui est résiliente à long terme, pour ne pas devoir tout recommencer à zéro dans le futur. »

Centraliser l’information

Les FAC comptent aussi lancer l’hiver prochain un « logiciel en cours de développement pour permettre le suivi des dossiers de justice militaire », a indiqué le colonel Holman.

Cela permettra, selon lui, de « s’assurer que les causes progressent comme elles le devraient et que les échéances soient respectées », tout en recueillant des données générales sur la performance.

Une première version du logiciel avait été créée après un rapport de 2018 du vérificateur général du Canada, qui décriait que différents services avaient chacun de leur côté leurs propres bases de données, souvent incomplètes.

La version 2.0 devrait être adaptée pour respecter le projet de loi C-77.