(Ottawa) Le gouvernement fédéral s’engage à verser 321 millions en nouveau financement pour des programmes visant à aider les communautés autochtones à retrouver des lieux de sépulture non marqués près d’anciens pensionnats et à soutenir les survivants.

Cette importante annonce survient alors que le premier ministre Justin Trudeau pourrait déclencher bientôt des élections, où le bilan de son gouvernement en matière de réconciliation avec les Autochtones devrait être un enjeu majeur de la campagne.

Le ministre de la Justice, David Lametti, a aussi annoncé mardi qu’il nommerait un « interlocuteur spécial » pour travailler avec les communautés autochtones et les gouvernements afin de proposer des modifications aux lois, politiques et pratiques fédérales liées aux tombes non marquées. En conférence de presse virtuelle, mardi, le ministre Lametti a déclaré que le Canada ne disposait actuellement pas des outils juridiques nécessaires pour faire face aux problèmes complexes posés par la découverte de ces lieux de sépulture non marqués.

« J’admets qu’il y a eu des moments pendant cette période, où j’aurais aimé avoir les pouvoirs que certains m’ont attribués à moi et à mon bureau », a-t-il déclaré mardi.

La ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, a précisé de son côté que 83 millions seraient ajoutés à un programme existant de 27 millions pour financer les recherches de lieux de sépulture et commémorer la mémoire de ces enfants morts dans les pensionnats fédéraux pour Autochtones.

Mme Bennett a aussi annoncé que le gouvernement créera un comité consultatif national, composé de gardiens du savoir autochtones et d’experts dans des domaines tels que l’archéologie, les sciences judiciaires, la pathologie et la santé mentale. Ce comité devra conseiller les communautés autochtones et le gouvernement sur le délicat travail de localisation des lieux de sépulture.

De son côté, le ministre des Services aux Autochtones, Marc Miller, a annoncé que le gouvernement consacrerait 107 millions pour des programmes visant à fournir des services essentiels « en matière de santé mentale, de culture et d’émotions » pour soutenir la guérison des traumatismes intergénérationnels.

M. Miller a aussi annoncé que le gouvernement fournira 100 millions sur deux ans pour aider les communautés autochtones à gérer les bâtiments des anciens pensionnats, que ces plans prévoient la démolition, la remise en état ou la construction de nouvelles installations dans les réserves « afin que les activités qui se déroulent actuellement puissent se poursuivre ».

Enfin, le ministre du Patrimoine, Steven Guilbeault, a annoncé que le gouvernement mettait de côté 20 millions pour construire un monument national à Ottawa afin de rendre hommage aux survivants des pensionnats « et à tous les enfants qui ont été enlevés à leurs familles et leurs communautés ».

Une initiative « tardive »

Natan Obed, président d’Inuit Tapiriit Kanatami, l’organisation nationale inuite du Canada, a déclaré que le comité pouvait jouer un « rôle très important » en ordonnant au gouvernement et aux communautés autochtones de faire le travail nécessaire pour obtenir « le respect et la dignité de toutes les personnes touchées par cette terrible tragédie canadienne ».

La cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations, RoseAnne Archibald, a salué l’annonce du gouvernement, même si elle est tardive. « C’est une étape attendue depuis longtemps pour reconnaître les dommages dévastateurs que ces institutions ont eus et continuent d’avoir sur de nombreuses générations de notre peuple », a-t-elle déclaré lors de la conférence de presse.

Elle a déclaré que les pensionnats étaient des « institutions d’assimilation et de génocide » et que le gouvernement canadien ainsi que les Églises ont commis des crimes contre l’humanité dans ces établissements.

David Chartrand, du Ralliement national des Métis, a estimé que ces annonces envoient le message que les questions autochtones sont « une priorité pour le premier ministre, une priorité pour son gouvernement ». Il a également salué l’intention du gouvernement de désigner un interlocuteur spécial.

Au tour d’un pensionnat à Vancouver

Plusieurs communautés autochtones ont annoncé depuis le printemps qu’elles avaient localisé des centaines de tombes non marquées autour d’anciens pensionnats fédéraux.

En juin, la communauté de Lower Kootenay, en Colombie-Britannique, a déclaré qu’une recherche utilisant un radar à pénétration de sol avait trouvé ce que l’on croit être 182 restes humains sur un site proche d’un ancien pensionnat à Cranbrook.

La première nation de Cowessess avait déclaré plus tôt qu’un radar avait détecté 751 tombes non marquées près de l’ancien pensionnat de Marieval, à l’est de Regina, en Saskatchewan. Et quelques semaines plus tôt, on avait découvert ce que l’on croit être les restes de 215 enfants à Kamloops, en Colombie-Britannique.

Et mardi, peu après l’annonce fédérale, trois communautés autochtones de la région de Vancouver ont lancé une initiative pour trouver des réponses sur les enfants qui ont déjà fréquenté le pensionnat St. Paul, à North Vancouver, mais qui ne sont jamais rentrés chez eux.

Les communautés des Premières Nations Squamish, Tsleil-Waututh et Musqueam ont annoncé mardi un plan dirigé par des Autochtones pour confirmer les histoires orales racontées par les survivants du pensionnat St. Paul sur ces enfants disparus.

En conférence de presse mardi, le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, a demandé justice pour les survivants des pensionnats. « Les gens demandent des actions concrètes. Les communautés autochtones demandent des actions concrètes. On demande la justice et la justice exige des poursuites contre les responsables de ce qui s’est passé dans ces pensionnats », a-t-il déclaré.

À la fin du mois dernier, M. Singh a rencontré des dirigeants autochtones sur le site de l’ancien pensionnat de Kamloops. Il avait alors demandé à M. Trudeau de tenir sa promesse, faite il y a six ans, de répondre aux 94 « appels à l’action » du rapport de la Commission de vérité et réconciliation.

Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière des Bourses de Facebook et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.