(Ottawa) La Marine royale canadienne lance sa campagne tant attendue pour remplacer la flotte de sous-marins du Canada, ouvrant la voie à ce qui sera presque certainement un débat extrêmement controversé sur la nécessité de tels navires.

Des responsables de la Défense ont révélé à La Presse Canadienne ce mois-ci qu’une équipe dédiée est en cours de création pour déterminer ce dont le Canada a besoin en matière de sous-marins, au moment où le retrait de la flotte militaire actuelle se rapproche de plus en plus.

Cette décision répond à un sentiment d’urgence croissant au sein de la défense et de l’industrie quant à la nécessité de commencer à travailler sur un tel projet étant donné l’âge des sous-marins canadiens existants et le temps nécessaire pour concevoir et construire de tels navires.

« Les Forces armées canadiennes (FAC) mettent en place un projet de sous-marin de patrouille canadien pour éclairer la prise de décision gouvernementale en temps opportun au sujet d’une classe potentielle de sous-marins de remplacement et éviter toute lacune dans la capacité des sous-marins », a déclaré le porte-parole de la Marine, le lieutenant-commandant Jordan Holder.

« Afin de permettre une prise de décision rapide à un moment donné concernant une classe de sous-marins de remplacement et d’éviter une lacune dans la capacité des sous-marins, les FAC ont demandé qu’un projet de remplacement soit lancé cette année. »

Mais la décision d’aller de l’avant donne également le coup d’envoi à ce qui devrait être une conversation difficile pour la marine sur le besoin de nouveaux sous-marins étant donné le coût élevé de construction et d’exploitation de ces navires, et les nombreux problèmes qui ont affligé sa flotte actuelle.

Des questions sur les coûts et les avantages des sous-marins circulent depuis que le Canada a acheté quatre navires d’occasion à la Grande-Bretagne en 1998. Le gouvernement de l’époque soutenait qu’il faisait une bonne affaire en ne payant que 750 millions pour les quatre navires de la classe Victoria.

Pourtant, les navires ont depuis passé plus de temps à quai pour des réparations et l’entretien qu’en mer, Ottawa ayant coulé des milliards de dollars dans la flotte au cours des 20 dernières années et plus pour régler une série de problèmes et d’incidents, notamment des incendies et des soudures défectueuses.

L’incident le plus récent a vu le NCSM Corner Brook subir ce qui aurait pu être des dommages permanents l’année dernière après qu’un essai eut endommagé le ballast principal du sous-marin. Corner Brook s’était déjà échoué en 2011, tandis qu’un incendie s’était déclaré à bord en 2019.

Le ministère de la Défense a également fixé le coût d’entretien et d’exploitation des sous-marins de la classe Victoria à environ 300 millions par an.

Une nouvelle flotte de sous-marins pourrait résoudre bon nombre de ces problèmes, mais l’expérience récente de l’Australie suggère que la construction d’une nouvelle flotte ne sera pas une opération fluide… ou bon marché.

Le gouvernement australien, qui travaille depuis plus d’une décennie pour acheter 12 sous-marins de conception française, a révélé l’année dernière que les navires diesels-électriques coûteraient plus de 80 milliards, soit plus de 6 milliards chacun.

Ce nouveau coût était presque le double de l’estimation initiale de Canberra, et plus que les 60 milliards que le Canada prévoit payer pour une toute nouvelle flotte de 15 frégates à la pointe de la technologie pour remplacer sa flotte de navires de guerre de classe Halifax au cours des deux prochaines décennies.

Les responsables australiens ont maintenant du mal à savoir quoi faire du projet face aux critiques sévères du public et des experts.

La politique de défense du gouvernement libéral s’est engagée en 2017 à prolonger la vie des quatre sous-marins canadiens de la classe Victoria, des sources évaluant le coût à plus de 2 milliards pour les maintenir en activité jusqu’au milieu des années 2030.

Et la politique de défense n’a pas prévu d’argent pour les remplacements.

La Marine continue de soutenir que les sous-marins sont essentiels à la défense du Canada, d’autant plus que des rivaux comme la Russie et la Chine deviennent plus agressifs et que les eaux arctiques du pays deviennent plus accessibles en raison des changements climatiques.

« La force sous-marine du Canada fournit un atout stratégique clé avec de formidables capacités de surveillance et de collecte de renseignements, ainsi que la possibilité de contrôler ou de refuser l’accès à une zone océanique ou littorale importante », a déclaré le lieutenant-commandant Holder.

« Les sous-marins sont un élément clé d’une flotte équilibrée qui permet à la Marine royale canadienne de projeter sa puissance de manière réactive et efficace loin des côtes du Canada, avec la flexibilité inhérente et la puissance de maintien nécessaire pour réussir dans un vaste ensemble de missions. »

M. Holder s’est néanmoins empressé d’ajouter que la décision de commencer à travailler sur un éventuel remplacement « n’engage le gouvernement à aucune action spécifique, mais préserve plutôt le temps de prendre une décision éclairée en cas de besoin ».

L’analyste de la défense David Perry de l’Institut canadien des affaires mondiales affirme qu’il y a un argument solide à faire valoir sur la nécessité pour le Canada d’avoir des sous-marins étant donné que la Russie et la Chine ont toutes deux augmenté leurs capacités sous-marines respectives ces dernières années.

Mais il suggère qu’il y a de la nervosité dans la marine, car les nouveaux sous-marins coûteront très cher à un moment où le gouvernement cherchera à mettre de côté des milliards pour moderniser le réseau défensif de l’Amérique du Nord et où d’autres projets d’approvisionnement dépassent le budget.

« Je serais nerveux », a-t-il déclaré. « Nous parlons de faire un investissement financier assez important. Et à travers la défense, il y a tout un tas de pressions budgétaires qui sont apparues sur toutes sortes de projets. »