(Ottawa) La nomination de la première personnalité autochtone au poste de gouverneur général du Canada pourrait donner au gouvernement fédéral une occasion d’adopter une recommandation clé de la Commission de vérité et réconciliation (CVR) impliquant la Couronne, selon un expert.

L’un des 94 appels à l’action de la CVR exhortait le gouvernement fédéral à « élaborer, en son nom et au nom de tous les Canadiens, et de concert avec les peuples autochtones, une proclamation royale de réconciliation qui sera publiée par l’État ».

C’est la seule recommandation de la liste qui impliquerait spécifiquement la participation de la Couronne, représentée par la gouverneure générale.

Michael Jackson, président de l’Institut pour l’étude de la Couronne au Canada, croit qu’une telle proclamation serait une étape positive vers la réconciliation et dans l’établissement d’une nouvelle relation.

Selon lui, l’arrivée de Mary Simon, une dirigeante inuite et ancienne diplomate, au poste de gouverneure générale du Canada offre une occasion unique de rassembler les dirigeants autochtones et de faire de la Couronne un lieu de discussions franches en coulisses.

Questionné à ce sujet mercredi à Calgary, le premier ministre Justin Trudeau ne s’est pas directement engagé à procéder avec la proclamation royale, mais a indiqué que son gouvernement allait de l’avant avec les 94 appels à l’action.

Il a affirmé que le travail doit inclure toutes les institutions. Sa formation continuerait de travailler avec tous les partenaires, y compris la gouverneure générale, si nécessaire pour créer une meilleure relation avec les peuples autochtones du Canada, a ajouté M. Trudeau.

« La désignation de Mary Simon et son arrivée prochaine au poste de gouverneure générale marqueront une nouvelle étape sur la voie de la réconciliation, mais le travail reste à faire », a affirmé M. Trudeau.

Reconnaissance et protection

La Proclamation royale de 1763, publiée par le roi George III, a jeté les bases d’une reconnaissance et d’une protection constitutionnelles du titre, des droits et des libertés autochtones au Canada et a servi de base au processus de conclusion de traités dans tout le pays.

Cette proclamation stipulait notamment que « les différentes nations ou tribus d’Indiens […] ne devraient pas être molestées ou dérangées dans la possession des parties de nos dominions et territoires qui, n’ayant pas été cédées ou achetées par nous, leur sont réservées ».

L’appel à l’action numéro 45 de la CVR indique qu’une nouvelle Proclamation royale de réconciliation, s’appuyant sur le décret de 1763, devrait répudier les doctrines de la découverte et de la « terra nullius » (n’appartenant à personne). Les responsables européens ont utilisé ces doctrines pour déplacer et contrôler la vie des peuples autochtones vivant déjà à l’endroit maintenant connu sous le nom de Canada, sur la base de la notion qu’ils avaient une supériorité raciale et religieuse.

Il indique également que la proclamation devrait adopter et mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et devrait viser à renouveler ou à établir de nouvelles relations conventionnelles avec les Premières Nations sur la base des principes de reconnaissance mutuelle, de respect mutuel et de responsabilité partagée pour le maintien de ces relations.

La CVR souhaiterait également qu’une telle proclamation prenne l’engagement de concilier les affaires juridiques qui existent entre les peuples autochtones et la Couronne afin les peuples autochtones soient « des partenaires à part entière dans la Confédération ».

Symbolique

Une nouvelle proclamation pourrait être principalement symbolique. Mais selon M. Jackson, elle démontrerait que la Couronne est une institution qui a toujours fortement soutenu les droits autochtones.

« Ces principes et idéaux perdurent, même si des erreurs ont été commises en cours de route. Et ils restent valables, c’est pourquoi j’espère que les peuples autochtones continueront de voir la Couronne comme un soutien et un lieu de rencontre pour eux et les principes de leur statut dans notre pays », a fait valoir M « Jackson.

Il y a trois ans, le président fondateur de l’Institut d’étude de la Couronne au Canada, John Fraser, et le vice-président de l’époque, Nathan Tidridge, ont soumis une série de recommandations à plusieurs ministères fédéraux, dont Relations Couronne-Autochtones et Patrimoine canadien, et à l’ancienne gouverneure générale Julie Payette. Ils ont recommandé des idées sur la façon dont son bureau pourrait mieux refléter les relations traditionnelles qui sont liées à la Couronne au Canada.

« Ils ont soumis un mémoire à Rideau Hall décrivant ce que le bureau du gouverneur général pourrait faire pour la réconciliation avec les peuples autochtones en tant que lieu de rencontre, en tant qu’influence sur la réconciliation. Et ils n’ont même pas répondu », a mentionné Michael Jackson.

L’absence de leadership d’Ottawa ou du gouverneur général est toutefois comblée par les démarches de plusieurs lieutenants-gouverneurs et commissaires territoriaux, qui sont les représentants de la Reine dans les provinces et les territoires, a-t-il évoqué.

M. Jackson a cité en exemple le lieutenante-gouverneure de l’Ontario, Elizabeth Dowdeswell, et le lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan, Russ Mirasty, qui tentent discrètement de rassembler les dirigeants autochtones et de faire avancer la réconciliation.