(Ottawa) Justin Trudeau a déclaré mercredi que des membres de sa garde rapprochée savaient dès 2018 que le chef d’état-major de l’époque, le général Jonathan Vance, était visé par une allégation d’inconduite sexuelle, mais qu’ils n’en ont appris les détails qu’à la suite d’un reportage le mois dernier.

Le premier ministre a fait ces commentaires en Chambre, mercredi, après des semaines de questions et de critiques de l’opposition sur la façon dont le gouvernement libéral a traité les allégations contre l’ancien commandant des Forces armées canadiennes.

C’était la première fois que M. Trudeau confirmait que son propre bureau avait été mis au courant d’une allégation. L’ombudsman militaire de l’époque, Gary Walbourne, a indiqué la semaine dernière qu’il avait signalé pour la première fois une allégation il y a trois ans, lors d’une réunion avec le ministre de la Défense, Harjit Sajjan.

M. Sajjan a jusqu’ici refusé de confirmer la discussion avec M. Walbourne, invoquant la confidentialité.

« Lorsque l’ombudsman s’est présenté au ministre pour lui dire qu’il avait entendu des allégations, le ministre l’a dirigé vers les autorités indépendantes qui pourraient ouvrir une enquête », a déclaré M. Trudeau mercredi. « Mon bureau était au courant de la directive du ministre à l’ombudsman, mais mon bureau et moi avons appris les détails des allégations au cours des derniers mois. »

Global News a rapporté pour la première fois le mois dernier les allégations selon lesquelles M. Vance avait entretenu une liaison continue avec une subalterne, qui a commencé il y a plus de dix ans et s’est poursuivie même après qu’il est devenu chef d’état-major en 2015.

Global a également rapporté que M. Vance aurait envoyé un courriel obscène à une militaire beaucoup plus jeune que lui en 2012, avant de devenir chef d’état-major, lui suggérant de partir en vacances avec lui dans une destination naturiste. Selon Global, c’est cette allégation que M. Walbourne a soulevée avec le ministre Sajjan.

M. Vance a refusé de répondre aux demandes répétées de commentaires de La Presse Canadienne, et les allégations n’ont pas été vérifiées de manière indépendante. Global a toutefois signalé que M. Vance nie tout acte répréhensible.

Le Bureau du Conseil privé

L’ex-ombudsman Walbourne a déclaré au Comité de la défense des Communes, la semaine dernière, qu’il avait porté l’allégation à l’attention du ministre Sajjan, en toute confidentialité, pour lui demander des conseils sur la façon de procéder. Selon lui, le ministre a renvoyé, contre son gré, le dossier au Bureau du Conseil privé — le « ministère du premier ministre », qui appuie son personnel politique.

M. Trudeau soutient que c’était la bonne décision : « Ce sont les gens qui doivent mener des enquêtes indépendantes et rigoureuses ». Par contre, a-t-il dit, « dans ce cas-ci, il n’y avait pas suffisamment d’informations pour poursuivre l’enquête indépendante ».

Le chef conservateur, Erin O’Toole, a exigé de savoir pourquoi le gouvernement avait choisi de maintenir M. Vance à son poste, alors qu’il était au courant d’une allégation d’inconduite sexuelle. « Tout le monde autour de ce premier ministre était au courant des allégations de harcèlement sexuel en 2018 : pourquoi, en 2019, le premier ministre a-t-il prolongé le contrat du chef d’état-major ? », a demandé M. O’Toole.

La police militaire a confirmé qu’elle avait ouvert une enquête en 2015 sur la conduite de M. Vance lorsqu’il était en poste en Italie l’année précédente, mais elle a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour porter des accusations.

M. O’Toole était un ministre dans le gouvernement conservateur qui a nommé M. Vance chef d’état-major en 2015, mais il a assuré mardi qu’il n’était pas impliqué dans cette nomination.

M. Vance a annoncé son intention de démissionner de ses fonctions de chef d’état-major en juillet dernier, après plus de cinq ans à la tête des armées, période pendant laquelle il a supervisé les efforts de l’institution pour éliminer les inconduites sexuelles.

Il a officiellement remis le commandement à l’amiral Art McDonald en janvier, des semaines avant que Global ne rende compte des allégations qui le visent.

La police militaire a depuis ouvert des enquêtes sur M. Vance et l’amiral McDonald, qui s’est temporairement retiré le mois dernier à la suite d’une allégation non spécifiée d’inconduite.