(Ottawa) Le gouvernement Trudeau cherche des façons de mieux sécuriser les chambres fortes du pays et créera possiblement un centre pour déclassifier des documents historiques, selon une nouvelle note de service.

Toutefois, demander à des ministères fédéraux de desceller une grande quantité de documents secrets « sera un défi sans une importante politique et plus de ressources », concède la note interne rédigée plus tôt cette année pour le sous-ministre du ministère de la Sécurité publique.

La Presse Canadienne a obtenu une copie de la note de service grâce à la Loi sur l’accès à l’information.

Les services de renseignement des pays alliés du Canada ont tous des politiques et pratiques leur permettant de déclassifier des documents historiques relatifs à la sécurité et de les rendre publics dans les archives nationales, les bibliothèques présidentielles ou les institutions académiques, selon la note.

Celle-ci précise aussi que l’absence d’une approche standardisée pour les documents secrets crée un « défi de gestion de l’information » qui se répercute sur tout le gouvernement.

Les demandes d’accès à l’information sont présentement la façon principale de rendre publics des documents relatifs à la sécurité.

Toutefois, le Commissariat fédéral à l’information a affirmé que près de 20 % des plaintes à son bureau, l’an dernier, concernaient des documents relatifs à la sécurité.

Le professeur d’histoire à l’Université de Toronto Timothy Andrews Sayle a fait des demandes d’accès à l’information concernant des documents datant des années 1940, dont certains vieux de plus de 75 ans.

M. Sayle a avancé qu’il serait déraisonnable de permettre à un de ses étudiants de cycle supérieur de choisir un sujet relié au renseignement pour une thèse ou une dissertation. « Les documents arriveraient peut-être sept, huit ou neuf ans après leur demande, se désole-t-il. Parfois, ils n’arrivent jamais. »

Le Canada « bien en retard »

Le Canada a une histoire riche et importante en ce qui a trait à la sécurité nationale, mais la majorité des informations sur le sujet sont toujours inconnues puisque l’accès aux documents archivés n’est pas systématique, a écrit cette année l’expert en renseignement Wesley Mark dans un document de travail pour le Commissariat fédéral à l’information.

La littérature canadienne sur le sujet est donc « bien en retard » par rapport à ses alliés principaux, a souligné M. Mark, un professeur invité à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa.

Depuis la fin de 2018, le gouvernement développe un cadre de déclassification pour la sécurité nationale et le renseignement pour assurer une approche cohérente dans la divulgation des documents, selon la note de service de la Sécurité publique.

Le porte-parole du ministère de la Sécurité publique, Zarah Malik a affirmé que le ministère travaille avec d’autres organismes fédéraux pour finaliser le plan, mais il n’était pas en mesure « d’en partager une copie pour l’instant, puisqu’il est encore au stade de la consultation ».

La note de service du sous-ministre suggère que les représentants fédéraux envisagent aussi des politiques à long terme qui pourraient impliquer des modifications législatives, des requêtes budgétaires pour des ressources ou l’inauguration d’un centre national de déclassification.

Scepticisme des experts

Cette note de service est encourageante, selon M. Mark, mais manque de précision par rapport à des actions ou des échéances précises. Sans avoir accès à des documents sur la sécurité nationale et le renseignement, le Canada n’a simplement aucune preuve de son histoire en matière de sécurité, a-t-il ajouté.

Comme résultante, un outil important pour améliorer le rendement des agences canadiennes et pour « améliorer la sensibilisation des Canadiens à la pratique, l’importance et les défis de la sécurité nationale est perdu », affirme M. Mark.

M. Sayle, qui a été invité à proposer des idées au ministère de la Sécurité publique sur le sujet l’an dernier, affirme être peu optimiste à l’idée qu’une politique de déclassification permette la divulgation de documents utiles ou d’améliorer la situation.

« Je ne suis pas sûr que cela pourrait être pire, constate-t-il. Est-ce que ça va s’améliorer ? Malheureusement, je n’ai pas beaucoup d’espoir. »

« Si l’on parle de divulgation, nous avons le cadre législatif qui le permet, analyse M. Sayle. Il ne nous manque pas de règles ou de politiques, mais bien la volonté du gouvernement de partager son histoire. »