(Ottawa) L’armée canadienne veut poser un regard critique sur ce qui constitue au fond la fameuse « culture militaire », dans le cadre de sa plus récente stratégie pour éliminer le « problème pernicieux » de l’inconduite sexuelle dans ses rangs.

Ce plan a été dévoilé mercredi, plus de cinq ans après le lancement de l’opération Honour, première initiative globale pour mettre fin aux comportements sexuels inappropriés et illégaux au sein de l’armée. Alors que l’état-major affirme que l’opération Honour a connu certains succès, le nouveau plan reconnaît que les progrès ont été insuffisants et qu’un réel changement à long terme est encore nécessaire.

On ne veut plus se contenter de soutenir les victimes et de punir les auteurs, mais modifier des éléments de la culture militaire « responsables de cette permissivité qui favorisait les incidents d’inconduite sexuelle ». En somme : « réaligner la culture » au sein des Forces armées canadiennes (FAC).

Première étape : identifier les divers aspects de cette culture, y compris les éléments qui doivent être modifiés pour aider à prévenir un tel comportement. « L’éthos militaire des FAC se fonde sur le respect de la dignité de toutes les personnes, un principe auquel donne corps la culture des FAC », lit-on dans la nouvelle stratégie, intitulée « La voie vers la dignité et le respect ».

« Alors que la majorité des femmes et des hommes des FAC exécutent leurs fonctions avec honneur, la prévalence de l’inconduite sexuelle dans les FAC montre clairement qu’il y a un fossé entre la culture désirée pour les FAC et la réalité que vivent bon nombre des militaires dans leur travail quotidien. »

Ce fossé a été mis en évidence dans un certain nombre de rapports publiés depuis que l’armée s’est retrouvée sous le feu des critiques en 2014 pour sa gestion des plaintes d’agression sexuelle et d’autres comportements inappropriés. Un rapport de Statistique Canada publié l’année dernière concluait à des progrès minimes dans l’élimination de l’inconduite sexuelle au sein de l’armée. L’année précédente, le vérificateur général avait conclu que l’armée ne soutenait pas correctement les victimes et ne réglait pas rapidement les cas.

Devenir « proactifs »

Réfléchissant à ces critiques, notamment, l’armée a admis « que les efforts précédemment déployés par les FAC pour contrer l’inconduite sexuelle n’avaient pas eu l’effet escompté, et qu’une approche plus globale et soutenue était requise ». En même temps, la stratégie décrit l’inconduite sexuelle comme un « problème pernicieux nécessitant une approche holistique et à long terme, qui aborde de multiples aspects de la culture existante des FAC ».

L’armée promet de redoubler d’efforts pour soutenir les victimes d’inconduites sexuelles et poursuivre les auteurs. Le lieutenant-général Mike Rouleau, vice-chef d’état-major de la Défense, estime qu’il faut aller plus loin pour assurer un réel changement au sein de l’armée. « Beaucoup de choses ont été faites depuis 2015 », soutient-il en entrevue avec La Presse Canadienne. « Mais c’était surtout un travail « réactif » : on s’attaquait aux choses immédiates et urgentes face à ce très gros problème auquel nous devions faire face. »

« Au cours de cette période, nous avons en quelque sorte maîtrisé certaines de ces questions fondamentales. Nous avons fait quelques recherches. Nous avons consulté des experts externes et aujourd’hui, la publication de la stratégie, qui nous réaligne culturellement, marque un passage du réactif au proactif. »

D’où l’accent mis sur la culture militaire, qui, selon le commandant en second de l’armée, comprend le fait de souligner qu’il n’y a « aucune contradiction » entre le fait d’être un « soldat exemplaire » et de bien traiter les gens autour de soi. « C’est le nœud du problème : il n’existe pas de culture de machisme et de conflit qui permette de traiter les gens de manière inappropriée. Quiconque vit encore dans cet univers étrange doit quitter l’armée. »