(Ottawa) Des employés du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) trouvent que le travail nécessaire pour obtenir un mandat auprès d’un juge constitue « un mal nécessaire », qui nuit toutefois à des activités qui seraient plus utiles sur le terrain.

Ce constat se trouve dans un examen indépendant du processus d’obtention des mandats, qui appelle à un changement de culture au sein du service d’espionnage. Le rapport, obtenu par La Presse Canadienne, conclut qu’une formation inefficace, un secret excessif et une compréhension généralement médiocre des responsabilités de chacun ont contribué à ce que le SCRS ne s’acquitte pas de son obligation de divulgation complète et franche à la Cour fédérale lorsqu’il sollicite des mandats d’enquête.

Ces problèmes ont incité les juges à critiquer le SCRS pour avoir manqué à son « devoir de franchise » envers le tribunal, y compris dans une affaire récente. Le service aurait alors négligé de divulguer son niveau de confiance dans des renseignements qui avaient probablement été recueillis illégalement dans une enquête sur le radicalisme.

Dans le but de remédier aux difficultés persistantes soulevées par les juges, le directeur du SCRS, David Vigneault, avait donc demandé il y a un an à Morris Rosenberg, un ancien sous-ministre fédéral de la Justice, de mener un examen indépendant.

« Alors que ces mandats sont considérés comme un outil d’enquête essentiel, le travail d’appui au processus d’acquisition est considéré [par les agents] comme un fardeau et n’a pas été valorisé dans la culture du SCRS », conclut M. Rosenberg dans son rapport.

« Les postes de soutien sont difficiles à doter, car ce rôle est perçu comme limitant la carrière, dans une culture où le statut et l’avancement sont généralement associés à des rôles sur le terrain. »

L’examen indique aussi que la tâche de celui qui dépose la requête « est considérée comme un mal nécessaire, faite sur le coin d’une table », et gruge du temps de travail sur le terrain.

La Presse Canadienne a récemment obtenu une version expurgée de l’examen secret, achevé au début de cette année, grâce à la Loi sur l’accès à l’information.

M. Rosenberg a aussi conclu que :

•la compréhension qu’ont les employés du « devoir de franchise » envers le juge varie, même chez les superviseurs — certains cadres supérieurs ignorent même la procédure exacte ;

•le temps et les ressources alloués à la formation sont insuffisants ;

•le rôle de la Cour fédérale n’est ni valorisé ni pleinement compris, et les employés ne saisissent pas toujours les motifs des décisions ;

•des déchirements surviennent entre le devoir d’être franc et le « besoin de connaître la culture » au SCRS, qui met l’accent sur la protection des renseignements « sensibles » ;

•les constatations d’un juge suite à un manquement au « devoir de franchise » ont été suivies d’une mise en œuvre incohérente des mesures correctives.

M. Rosenberg recommande une meilleure formation et une clarification des rôles de chacun, mais ces améliorations ne réussiront pas, selon lui, sans aborder les « problèmes de culture » au sein du SCRS.

À la suite du dépôt du rapport, le directeur Vigneault a lancé un projet qui s’appuiera sur l’examen de M. Rosenberg, sur les préoccupations soulevées dans les récentes décisions de la Cour fédérale et sur d’autres initiatives déjà en cours, selon une note du SCRS en annexe.