En s’entourant d’une équipe de conseillers francophones, le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, tente de récupérer les électeurs francophones qui lui permettraient de diriger un gouvernement majoritaire. Un pari difficile à gagner.

L’actuel premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, jouit d’une forte remontée dans les sondages, alors que les élections provinciales se tiennent ce lundi.

Au Nouveau-Brunswick, les intentions de vote sont divisées selon le facteur linguistique, confirme Roger Ouellette, professeur en sciences politiques à l’Université de Moncton. « Les sondages nous montrent encore que la division linguistique est plus présente que jamais. »

Alors que les anglophones choisissent les progressistes-conservateurs, les libéraux ont traditionnellement le soutien des Néo-Brunswickois francophones, qui représentent le tiers de la population. Ainsi, beaucoup de votes francophones risquent d’aller au candidat libéral Kevin Vickers.

Le territoire compte 49 circonscriptions électorales, et 16 sont majoritairement francophones. Au dernier scrutin, les libéraux ont remporté 14 de ces 16 circonscriptions.

À la tête d’un gouvernement minoritaire, le chef du Parti progressiste-conservateur du Nouveau-Brunswick espère toutefois avoir l’appui de certaines circonscriptions à majorité francophone. Higgs ne mise pas sur les châteaux forts libéraux, mais sur certaines circonscriptions susceptibles de changer d’allégeance.

Opération de séduction

Les électeurs francophones ont snobé Higgs au dernier scrutin en 2018. Il s’est depuis entouré de plusieurs conseillers francophones.

Le passé politique de M. Higgs pourrait ne pas jouer en sa faveur : les francophones se souviennent de son appui au Confederation of Regions Party il y a 30 ans. Le parti faisait alors campagne contre les services gouvernementaux offerts dans les deux langues officielles. Il a depuis affirmé que son opinion sur le français avait évolué. « Dans les années 1990, il était associé à ce parti, et ça lui colle à la peau depuis ce temps », précise l’expert.

En 2016, durant sa course à la chefferie, l’essentiel des militants étaient anglophones. Les francophones n’y ont pas participé.

Roger Ouellette, professeur en sciences politiques à l’Université de Moncton

Pour permettre cette percée dans le nord de la province, où vivent majoritairement les électeurs qui parlent français, le politicien s’est doté d’une équipe francophone. Cela inclut son chef de cabinet et plusieurs autres conseillers.

« Ils ont réussi à dénicher dans des circonscriptions francophones des candidats progressistes-conservateurs qui sont bien implantés dans leur communauté. On parle de swing ridings, soit des circonscriptions qui pourraient pencher d’un bord comme de l’autre », poursuit Roger Ouellette. C’est le cas des circonscriptions de Madawaska-les-Lacs – Edmundston, Tracadie-Sheila et Shippagan-Lamèque-Miscou.

Selon M. Ouellette, Blaine Higgs envoie un message aux francophones. « Alors que plusieurs sondages l’affichent comme gagnant, il indique qu’il veut avoir des francophones autour de la table. Donc certains, stratégiquement, pourraient voter pour le parti au pouvoir afin d’avoir des représentants. »

Les électeurs ne seront peut-être pas dupes, pense toutefois M. Ouellette. Certains d’entre eux y verront une simple stratégie pour gagner des sièges.

Tenter de redorer son image auprès des électeurs qui parlent français en vaut la peine. « Si Higgs n’avait pas eu des difficultés avec ces électeurs francophones en 2018, il aurait eu la majorité », affirme M. Ouellette.

Ingénieur de formation, Blaine Higgs a été ministre des Finances. Il mise sur la reprise économique de la province alors que la crise sanitaire secoue le pays.

Le vote de lundi est d’ailleurs le premier de cette envergure au pays à se dérouler en pleine pandémie. Plus de 133 000 citoyens ont opté pour le vote par anticipation, soit 50 % de plus qu’aux dernières élections.