(Ottawa) Le porte-parole de familles et de proches de victimes de la tragédie aérienne du 8 janvier, quand un avion commercial ukrainien a été abattu, accuse le régime iranien de mener une guerre psychologique contre eux en refusant de dévoiler les enregistrements de vol.

Hamed Esmaeilion, dont la femme et la fille de 9 ans sont mortes dans l’écrasement, demande au gouvernement du Canada de traîner l’Iran devant la Cour internationale de justice pour forcer le régime à contribuer à une véritable enquête sur la tragédie.

La femme de M. Esmaeilion, Parisa Eghbalian, et sa fille, Reera Esmaeilion, font partie des 176 victimes tuées à bord du vol 752 exploité par Ukraine International Airlines. L’appareil a été frappé par deux missiles iraniens peu après son décollage depuis l’aéroport de Téhéran.

La liste de victimes compte 55 citoyens canadiens et 30 résidents permanents du Canada. Des dizaines d’autres passagers détenaient également des liens avec le Canada alors que de nombreux étudiants et chercheurs rentraient au pays après avoir profité de la pause hivernale.

Le Royaume-Uni, l’Ukraine, l’Afghanistan et la Suède ont aussi perdu des ressortissants dans cette tragédie. Ces États ont formé une alliance dans le but de négocier avec l’Iran pour favoriser le déroulement de l’enquête.

L’Iran n’a toutefois pas encore tenu sa promesse formulée le 11 mars auprès de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), dont le siège se trouve à Montréal. L’Iran s’était engagé à remettre les boîtes noires aux autorités ukrainiennes au plus tard le 25 mars.

« On ne voit aucun progrès dans cette enquête. La frustration est en train de détruire les familles, pas juste moi », a ragé M. Esmaeilion en entrevue mardi.

« C’est comme une guerre psychologique que l’Iran mène contre nous. Ils veulent diviser pour régner. Ils tentent très fort de diviser l’Ukraine et ils essaient simplement d’éviter de respecter toutes les normes et les obligations internationales », dénonce-t-il.

Hamed Esmaeilion dit être en accord avec l’ex-ministre de la Justice Irwin Cotler selon qui le Canada et l’alliance des quatre autres États allaient avoir bien des difficultés à obtenir des réponses du régime iranien en raison de l’identité de la personne chargée de l’enquête.

L’Iran a confié le mandat à son juge en chef, Ebrahim Raisi. D’après Irwin Cotler, qui défende des prisonniers politiques en Iran et qui milite depuis longtemps pour les droits de la personne, le juge Raisi devrait lui-même être en prison pour sa complicité dans l’exécution de masse de milliers de prisonniers politiques en 1988.

Si le gouvernement canadien s’est montré très attentif et collaboratif envers les familles des victimes en janvier et en février, la crise de la COVID-19 a changé la donne et Ottawa se montre plus lent à répondre. Par ailleurs, l’Iran a été sévèrement touché par la pandémie ce qui a également pu compliquer l’évolution de l’enquête.

La situation se serait toutefois améliorée depuis le 31 mars avec la nomination de Ralph Goodale, ex-ministre de la Sécurité publique, à titre de conseiller spécial du gouvernement dans le dossier de la tragédie aérienne en Iran.

Ralph Goodale a rencontré des représentants des familles il y a deux semaines et ces rencontres auraient permis d’établir une bonne communication, selon M. Esmaeilion.

Il faut cependant en faire plus, insiste le représentant des familles endeuillées. L’homme dit observer une campagne de relations publiques agressive échafaudée par le régime iranien dans le but de se laver de toute responsabilité dans l’explosion. Le gouvernement s’était d’ailleurs empressé de nettoyer le lieu de l’écrasement en l’espace de quelques jours après le drame.

Plus tôt cette semaine, un haut responsable du gouvernement iranien aurait déclaré que l’enquête tirait à sa fin et qu’il n’y avait, semble-t-il, rien de pertinent dans les données des boîtes noires.

« Cela fait maintenant 152 jours et les boîtes noires sont encore en Iran. Ces mensonges, cette désinformation, ces tromperies de l’Iran envers le public, c’est incroyable », dénonce Hamed Esmaeilion.

L’Iran a tenté dès le départ d’étouffer l’affaire, mais a rapidement été forcé d’admettre que ses Gardiens de la révolution avaient effectivement tiré deux missiles sur l’avion commercial.

Cette tragédie s’inscrivait dans une escalade de violence après que l’Iran eut tiré des missiles sur des bases américaines en Irak en représailles à l’assassinat de son plus haut général par les États-Unis.

Une rencontre est prévue entre les familles des victimes et le ministre des Affaires étrangères François-Philippe Champagne dans les prochaines semaines.

Le ministre Champagne a réitéré mardi son intention de forcer l’Iran à collaborer avec l’alliance des États affectés par la tragédie. Le ministre des Transports, Marc Garneau, doit également s’adresser à l’OACI mercredi.