Mamadou Tanou Barry. Ibrahima Barry. Khaled Belkacemi. Abdelkrim Hassane. Azzeddine Soufiane. Aboubaker Thabti. Deux ans, jour pour jour, après l'attentat à la mosquée de Québec, le souvenir des six victimes tombées sous les balles et des 19 blessés a été souligné dans la capitale.

Des centaines de personnes s'étaient rassemblées mardi soir au pavillon Alphonse-Desjardins de l'Université Laval afin de leur rendre hommage. Moment fort de la soirée, d'immenses bannières à l'effigie de chaque victime ont été déployées, alors que sur scène, on prononçait l'adjectif qui les décrivait le mieux.

Souriant Mamadou, intelligent Ibrahima, dévoué Khaled, pieux Abdelkrim, courageux Azzeddine, généreux Aboubaker. « J'ai de la difficulté à imaginer le sentiment d'horreur qui a dû vous submerger devant toute cette violence », a déclaré le premier ministre François Legault, en s'adressant aux familles endeuillées. « J'espère que vous sentez ce souffle, ce vent de solidarité, j'espère qu'il vous apporte un peu de réconfort. C'est ça, le vrai visage du Québec : un peuple uni qui sait se montrer solidaire. »

« Vous n'êtes pas seuls, le Québec tout entier se souvient, nous sommes à vos côtés et on va le rester pour toujours. Jamais la haine de personne va arriver à nous séparer », a-t-il ajouté, dans un discours bien senti.

Les enfants de Khaled Belkacemi, Megda et Amir, ont remercié les premiers répondants qui étaient sur place le soir du 29 janvier 2017, ainsi que « tous ceux qui tiennent un discours d'acceptation et de paix ».

Lors de cette soirée émouvante, les discours, sur le thème de l'harmonie entre les peuples, étaient entrelacés de musique et de prières. La chorale « La scène et moi » a notamment interprété « Quand les hommes vivront d'amour » qui se fondait dans One Love de Bob Marley.

Les politiciens des ordres municipal, provincial et fédéral ont ainsi côtoyé des représentants des églises anglicane, musulmane, catholique et juive, ainsi que des militantes contre l'exclusion et l'islamophobie et des survivantes de la Polytechnique.

Vivre ensemble

Plus tôt, le maire de Québec, Régis Labeaume, a dévoilé la maquette du mémorial qui doit rendre hommage aux victimes de l'attentat.

Intitulée « Vivre ensemble », l'oeuvre conçue par l'artiste Luce Pelletier sera installée de part et d'autre de la route de l'Église, au coeur de Sainte-Foy : à l'entrée de la grande mosquée de Québec et en face, au site patrimonial de la Visitation.

Elle doit faire le pont, symboliquement, entre la mosquée et l'église, entre la communauté musulmane et la société québécoise.

À l'ouest, près de la mosquée, les noms des six victimes seront gravés sur trois pavés de pierre à base carrée, au-dessus desquels flotteront six feuilles d'arbres surdimensionnées.

Chaque feuille en aluminium sera ajourée d'après un motif rappelant l'ornementation traditionnelle des pays d'origine des victimes, soit le Maroc, la Guinée, la Tunisie et l'Algérie.

Côté est, au site patrimonial de la Visitation, l'aménagement sera composé d'un dallage circulaire avec un motif d'inspiration fléché, rappelant les traditions québécoises.

On y retrouvera un arbre et trois bancs cubiques en pierre sur lesquels seront encastrées des feuilles d'érable et d'orme.

Selon l'artiste, l'arbre s'est vite imposé comme thème, car il représente « le cycle de la vie et la force de la nature résiliente ».

Elle a rappelé qu'au lendemain de l'attentat, des offrandes avaient été déposées spontanément au pied de l'orme du côté de l'ancienne église.

L'oeuvre, qui sera officiellement inaugurée le 29 janvier 2020, se veut apaisante, a-t-elle indiqué.

« À défaut de pouvoir effacer cette terrible journée, si seulement c'était possible, nous pouvons tout de même rendre hommage à ces victimes pour montrer que nous pensons encore à elles et que nous savons, à Québec, vivre ensemble », a déclaré le maire Labeaume.

« La violence peut et doit se convertir en amitié, en bonté et en reconnaissance », a ajouté Boufeldja Benabdallah, président du Centre culturel islamique de Québec, qui était visiblement ému. « C'est la signification de ce mémorial. »

« Comme si ça c'était passé cette semaine »

Appelé à commenter l'oeuvre, Saïd Akjour, un des blessés dans l'attentat, a dit aimer les feuilles aux motifs variés, inspirés des pays d'origine des victimes.

« Ça rappelle tout ce qu'ils ont porté de positif, c'est un hommage à eux », a-t-il déclaré.

Philosophe, il croit que la composition artistique invite à se tourner vers l'avenir, même si cela demeure difficile.

Le deuil n'est pas « une ligne droite », a-t-il confié. « Il y a des hauts et des bas, mais dans des rassemblements comme ça avec les gens, c'est rassurant, c'est réconfortant. »

« C'est un sentiment mitigé », résume celui qui a reçu une balle à l'épaule le soir de la tuerie.

« Même si ça fait deux ans, c'est comme si ça c'était passé cette semaine », confie-t-il. « Tout est là, la perte est là. »

Le tireur, Alexandre Bissonnette, a plaidé coupable aux six accusations de meurtre au premier degré et aux six chefs de tentatives de meurtre avec une arme à feu à autorisation restreinte qui pesaient contre lui. Il pourrait faire face à 150 ans de prison.

Sa peine sera prononcée le 8 février.