(Montréal) Les policiers suivent une piste selon laquelle les deux fugitifs qui sont suspectés de meurtres commis en Colombie-Britannique ont été aperçus au sud-ouest de Gillam, la communauté du nord du Manitoba qui est au cœur des recherches depuis la semaine dernière.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a publié une mise à jour sur le réseau social Twitter dimanche en fin d’après-midi, indiquant qu’elle dépêchait des effectifs à York Landing, à environ 90 kilomètres à vol d’oiseau de Gillam, afin d’enquêter sur une information à l’effet que les deux suspects pourraient se trouver dans la communauté ou à proximité de celle-ci.

Le message indique qu’une forte présence policière est à prévoir dans la région et que la police continuera à tenir au courant la population à mesure que des informations sont disponibles.

James Favel de la Bear Clan Patrol, un groupe de surveillance de quartier dirigé par des autochtones, a déclaré que ce sont quelques bénévoles de son groupe qui ont rapporté à la police avoir vu deux hommes suspects alors qu’ils patrouillaient dans York Landing dimanche après-midi.

« Ces deux hommes correspondaient à la description des fugitifs alors ils ont immédiatement appelé la GRC pour les avertir de cette présence et il se passe maintenant toutes sortes de choses », a soutenu M. Favel, le directeur exécutif du groupe, en entrevue avec La Presse canadienne depuis Winnipeg.

« Ces deux gars sortaient définitivement du lot », a-t-il ajouté.

M. Favel a déclaré que les deux hommes s’étaient enfuis dès qu’ils ont été repérés.

Les policiers n’ont pas encore confirmé qu’il s’agit de Bryer Schmegelsky et Kam McLeod, âgés respectivement de 18 et de 19 ans. Les deux jeunes hommes originaires de Port Alberni, en Colombie-Britannique, sont accusés de meurtre au deuxième degré, à la suite de la mort de Leonard Dyck, un professeur de l’Université de la Colombie-Britannique.

Ils sont également soupçonnés d’avoir assassiné l’Australien Lucas Fowler et sa petite amie américaine Chynna Deese.

Une Toyota RAV4 incendiée dans laquelle les jeunes adultes voyageaient a été découverte près de Gillam la semaine dernière.

Leroy Constant, le chef de la Première Nation York Factory, a écrit sur Facebook que la GRC se dirigeait vers York Landing.

« Restez tous à l’intérieur avec les portes verrouillées s’il vous plaît. Tous les véhicules devraient être stationnés », a-t-il lancé, en demandant aux internautes de partager le message avec les membres de la communauté qui ne sont pas présents sur les réseaux sociaux.

La GRC a publié un tweet demandant aux citoyens de ne pas révéler l’emplacement des policiers en publiant sur les médias sociaux des photos de ceux qui sont dans la communauté.

200 informations

Les policiers ont indiqué plus tôt dimanche qu’ils avaient reçu plus de 200 informations au cours des cinq derniers jours, mais qu’aucune n’a convaincu les enquêteurs de croire que le duo avait quitté le secteur infesté d’insectes et jonché de marais entourant la minuscule communauté de Gillam dans le nord du Manitoba.

La police a appelé tous les Canadiens de faire preuve de vigilance jusqu’à la capture des deux jeunes hommes.

Les policiers, aidés par des chiens et des drones, ont fait du porte-à-porte, vérifié chaque résidence et fouillé tous les immeubles abandonnés de Gillam et des environs. Des citoyens ont même organisé leur propre vigile.

Les recherches aériennes se sont intensifiées samedi à la suite de l’arrivée d’un avion CC-130H Hercules de la Force aérienne du Canada muni d’un équipement de détection thermique de haute technologie.

La GRC a publié sur Twitter des photos de policiers armés cognant aux portes, éclairant dans garages à la lampe de poche et se préparant à entrer dans un hangar avec prudence.

Même si les policiers ont dit ne pas croire que les deux fugitifs ont quitté le secteur, la GRC a affirmé qu’il était toujours possible qu’ils aient réussi à fuir ou changé d’apparence.

Gillam et plusieurs communautés autochtones avoisinantes subissent les effets néfastes de cette situation, selon un membre de la Bear Clan Patrol, un groupe de surveillance de quartier dirigé par des autochtones qui a été invité par l’Assemblée des chefs du Manitoba à contribuer à apaiser les craintes des résidents.

Wade Taylor a comparé la communauté à une « ville fantôme » en raison du haut « niveau de stress, d’anxiété et de peur ». Certains résidents ont même quitté la région en attendant cette situation prenne fin, a-t-il ajouté.

Le père d’un des suspects révèle son propre passé

Le père d’un des deux suspects recherchés dans le nord du Manitoba a écrit un livre qui apporte un nouvel éclairage sur sa propre santé mentale tout en tentant d’expliquer ses propres condamnations pour harcèlement.

Alan Schmegelsky, le père de Bryer Schmegelsky, a remis cette semaine un livre intitulé Red Flagged aux journalistes. Selon lui, il s’agit d’une version fictive du passé familial.

Le livre de 132 pages que compte auto-éditer Alan Schmegelsky sans autant le proposer pour la vente prétend révéler de nouveaux détails sur la vie troublée de la famille et des nombreux démêlés judiciaires du père avec la police et les tribunaux.

Son intention est de souligner comme un « système cassé » avait forgé le caractère de son fils.

« Mon fils et moi avons été traités comme des ballons de football. Il est temps de dire la vérité », a-t-il dit.

Dans ce livre, l’auteur reconnaît avoir été arrêté et condamné plusieurs fois pour désobéissance à une ordonnance du tribunal, pour harcèlement criminel et pour non-respect des conditions de probation de 2008 à 2018.

On ne sait pas si c’est la mère de Bryer qui était la victime du harcèlement. M. Schmegelsky s’est déjà défendu en déclarant que celle-ci avait porté plainte parce qu’elle craignait d’être assassinée. Elle a aussi dit que l’homme était atteint de schizophrénie et qu’il ne prenait pas ses médicaments. Il a nié ces allégations.

L’auteur ajoute dans le livre qu’un psychologue lui avait dit qu’il souffrait de délire, un diagnostic qu’il ne partageait pas. Son avocat, qui l’a déjà décrit comme « autiste », lui a conseillé de s’inscrire dans un centre de crise, mais il n’y est pas resté bien longtemps, car il n’en avait pas les moyens financiers.

Son fils n’a jamais assisté à aucun de ses passages devant un tribunal, assure-t-il.

La mère du suspect n’a pas répondu immédiatement à une demande de commentaire. Quant à la GRC et à la police de Victoria, elles disent ne pas être en mesure de dévoiler immédiatement le contexte dans lequel se sont déroulés ces procès.