Plus de 100 plaintes fondées ont été déposées l'an dernier contre l'Agence des services frontaliers du Canada, démontrent des données obtenues par La Presse canadienne en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Ces plaintes comprennent des allégations de racisme et de grossièreté. Une femme prétend également avoir été enguirlandée pendant qu'elle souffrait de problèmes médicaux.

Les 105 plaintes «fondées» recensées en 2017-2018 représentent environ 12 % des 875 plaintes pour inconduite déposées au cours de cette période.

Le nombre total de plaintes inscrites dans la section «Compliments, commentaires et plaintes» du site internet de l'ASFC concerne une portion infime des 95 millions de voyageurs que les agents ont rencontrés au cours de la dernière année.

Néanmoins, les groupes de défense des libertés civiles estiment que la dernière série d'incidents montre que le Canada a besoin d'un organisme indépendant de traitement des plaintes similaire à ceux qui supervisent les forces policières et qui peuvent publier des rapports publics et formuler des recommandations contraignantes.

À l'heure actuelle, la définition de «fondée» fournie par l'agence indique que «les aspects des allégations formulées dans la plainte étaient valables».

Tim McSorley, le coordinateur national du International Civil Liberties Monitoring Group, basé à Toronto, estime que la définition est trop vague pour permettre des changements dans la culture de l'agence ou pour que le public soit correctement informé.

Néanmoins, il croit que les informations limitées dont on dispose suscitent des inquiétudes, en particulier les allégations de racisme, de remise en cause de la nationalité des voyageurs et d'insultes.

«Cela montre que la majorité des plaintes concernent le respect ou le manque de respect envers les voyageurs. Pour nous, en particulier, les incidents de racisme (de la part des agents des services frontaliers) font partie de notre travail et nous en entendons parler de la part de Canadiens ou des voyageurs qui arrivent de l'étranger», a-t-il déclaré lors d'une entrevue.

Les descriptions des allégations dans les documents fournis sont brèves.

Le 6 novembre de l'année dernière, l'un des rapports indique qu'une «cliente déclare que l'agent des services frontaliers était impoli et lui a crié après jusqu'à ce qu'elle perde connaissance».

Un porte-parole de l'ASFC a déclaré dans un courriel que la détresse médicale n'avait pas été directement causée par l'agent.

«Lors de l'examen secondaire, il a été constaté que le voyageur était en détresse médicale. L'agent des services frontaliers a suivi les protocoles de premiers secours appropriés, conformément à la formation dispensée à tout le personnel de première ligne. L'enquête a conclu que (l'agent) n'a joué aucun rôle dans la détresse médicale du voyageur», a écrit le porte-parole Nicholas Dorion.

Bon nombre des incidents d'inconduite sont semblables à ceux décrits le 22 mai dernier, lorsqu'un voyageur a déclaré qu'un agent des services frontaliers «criait et insultait les voyageurs, les injuriait, manquait de respect».

Dans un autre rapport, un agent «criait et insultait les voyageurs, injuriait les clients, manquait de respect».

Dans une allégation datant du 17 avril, un officier «était raciste, a dit au client qu'il était laid, a abusé de son autorité».

L'ASFC n'a pas fourni plus de détails dans ces cas.

«Dans ces trois cas, l'ASFC a examiné les détails des incidents et pris les mesures appropriées pour tenir compte de la conduite des employés concernés afin de s'assurer de l'intégrité des programmes de l'ASFC et de faire preuve de professionnalisme dans leurs activités quotidiennes», a écrit M. Dorion.

Il y a également eu des incidents fondés où une traduction n'était pas disponible, avec une affaire le 11 novembre l'année dernière lors de laquelle «des clients ont été ciblés (...) maltraités, et on leur a refusé l'accès à un traducteur».

L'ASFC n'a pas commenté les détails de cette affaire, mais a déclaré que, dans certains cas, une traduction n'est pas disponible à court préavis. Si un agent détient un voyageur, des services de traduction sont recherchés, a dit par courriel Jayden Robertson, un responsable des communications.

Un porte-parole du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a déclaré que l'ASFC sera incluse dans un examen plus vaste des systèmes de surveillance auxquels travaille le gouvernement libéral.

Scott Bardsley a dit que le ministère de la Sécurité publique «fait avancer la législation pour créer un nouvel organisme d'examen, l'Agence nationale de contrôle de la sécurité et du renseignement», ajoutant que «sa création constituerait un changement historique qui améliorera grandement la façon dont les agences canadiennes de sécurité nationale, dont l'ASFC, sont tenues de rendre compte.»

M. McSorley a déclaré que son groupe ne sait toujours pas si le projet de loi ira assez loin ou va s'appliquer au genre de situations décrites dans le processus de plaintes de l'ASFC.

«Compte tenu de la gravité de certaines de ces plaintes, tous les Canadiens et tous les voyageurs au Canada méritent de savoir qu'ils peuvent exprimer leurs préoccupations et qu'ils recevront un examen et une résolution appropriés», a-t-il estimé.

Toutefois, le représentant syndical des agents frontaliers, Jean-Pierre Fortin, souligne que les résultats du système de plaintes montrent que seule une infime minorité de cas présentent des problèmes d'inconduite d'agents.

Certaines des affaires sont ensuite soumises à une procédure de réclamation et rejetées, a-t-il rappelé, bien qu'il ne puisse pas fournir de chiffres précis.

«Globalement, le pourcentage de cas fondés et qui retient notre attention est très faible», a-t-il dit.

Néanmoins, un organisme de surveillance indépendant serait acceptable pour le syndicat, ajoute-t-il, à condition que le syndicat ait une chance de défendre ses agents et de participer à l'examen de la conduite.

Le dirigeant syndical, qui a passé 18 ans en tant qu'agent des services frontaliers, a déclaré que depuis 2012, il y avait eu une diminution de plus de 1000 agents en raison de l'attrition et que les agents devaient travailler plus longtemps en première ligne, souvent dans des conditions difficiles, face à des passagers déjà fatigués en raison de longues files d'attente.

Il a affirmé que les agents qui devraient être en première ligne pour interroger les voyageurs pendant une heure avant d'être relevés sont là pendant trois heures, ce qui accroît la fatigue.

«Nous avons affaire à un environnement de travail différent qui est parfois très difficile, et vous pouvez faire 16 heures d'affilée. C'est le manque de personnel qu'on constate en ce moment», a-t-il expliqué lors d'une entrevue.

Au cours de l'exercice 2017-2018, l'ASFC a reçu 302 compliments dans son système de rétroaction.

L'ASFC compte environ 14 000 employés, y compris plus de 6500 agents en uniforme qui fournissent des services dans environ 1200 points d'entrée au Canada et dans 39 pays.

D'avril 2017 à mars 2018, les agents des services frontaliers ont rencontré plus de 96 millions de voyageurs et plus de 5 millions de véhicules commerciaux.