Jusqu'à 1200 demandeurs d'asile pourront être hébergés à Saint-Bernard-de-Lacolle lorsque l'armée canadienne aura fini d'y ériger son campement temporaire.

Déjà, une bonne partie des tentes érigées à la fin de la semaine dernière est occupée. Des enfants jouent à l'ombre des arbres, une mère fait manger son bébé. Des employés s'affairent à nettoyer les tentes kaki.

À ce premier campement situé à deux pas du poste-frontière s'ajoute maintenant un second. Une vingtaine de nouvelles tentes viennent d'être montées et à terme, ce sont jusqu'à 75 d'entre elles qui pourront héberger 1200 migrants, précise l'armée canadienne.

Devant les bureaux de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), des valises s'entassent dans de grands conteneurs. Impossible pour les journalistes de parler à ceux venus demander l'asile au Canada. «Ils sont détenus, vous n'avez pas le droit de leur parler», averti un gardien d'une firme de sécurité privée.

C'est la Croix-Rouge canadienne qui est responsable d'assurer les besoins des demandeurs d'asile. «Dans chacune des tentes, on fournit les lits, les couvertures. On offre trois repas par jour et les soins médicaux de base» précise Carl Boisvert, porte-parole de la Croix-Rouge. L'organisme fournit également les produits d'hygiène corporelle, de même que le lait et les couches pour les bébés.

Des installations sanitaires, dont des douches, ont également été installées. Les tentes, dont plusieurs sont installés en plein soleil, ne sont toutefois pas climatisées.

Faux espoirs



À Ottawa, le Parti conservateur a soutenu que le premier ministre Justin Trudeau a nourri de faux espoirs chez les demandeurs d'asile que l'on voit arriver en masse à la frontière canado-américaine en laissant entendre au début de l'année que le Canada sera toujours prêt à accueillir les bras ouverts les immigrants fuyant la guerre et la persécution.

Devant l'augmentation quotidienne du nombre de demandeurs d'asile en provenance des États-Unis, le premier ministre doit corriger le tir en rappelant à quiconque souhaite s'installer au Canada qu'il y a des règles à respecter en matière d'immigration, selon le député conservateur Alain Rayes, qui est aussi le lieutenant politique au Québec du chef conservateur Andrew Scheer.

« Il est temps que le premier ministre arrête de jouer pour son image internationale en disant qu'on accepte tout le monde. Il faut faire respecter nos lois et faire en sorte que les gens passent par les corridors légaux. Je pense que c'est cela qui choque beaucoup de citoyens et citoyennes au Québec et au Canada en ce moment. Le premier ministre doit envoyer un message clair à l'ensemble des personnes qui veulent intégrer notre société en leur disant que ceux qui veulent le faire doivent respecter les lois », a affirmé M. Rayes.

« Il a laissé sous-entendre qu'on pouvait accueillir tout le monde au Canada. Nous sommes une terre d'accueil. Personne ne dit le contraire. Mais on doit le faire suivant les règles. Tous les députés peuvent le confirmer. Nous avons tous les jours des gens qui font des demandes d'immigration qui veulent rentrer dans le système correctement. Ils n'attendent pas des jours, des semaines ou des mois, mais des années avant d'être acceptés », a-t-il ajouté.

En entrevue, M. Rayes a affirmé que le premier ministre agit de manière « irresponsable » en n'insistant pas davantage sur l'obligation de respecter les règles en matière d'immigration.  

« Parmi ceux qui arrivent en ce moment, il y en a une bonne partie qui va être renvoyée. Mais le premier ministre a créé de faux espoirs parmi ces gens-là en donnant l'impression qu'on accueille tout le monde. Mais ce n'est pas cela la réalité », a-t-il encore dit.

Les consulats canadiens mobilisés

Le gouvernement fédéral a mobilisé tous ses consulats aux États-Unis afin de rétablir les faits sur le processus d'immigration au Canada.

C'est ce qu'a révélé le ministre Marc Garneau en entrevue lundi au lendemain de son passage au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle.

«Nous les avons mobilisés pour qu'ils entrent en contact avec les différentes populations aux États-Unis qui pourraient songer à venir au Canada afin qu'on leur explique clairement les règles qui sont en place et les critères qui doivent être satisfaits avant qu'une personne puisse être acceptée au Canada», a-t-il dit.

Environ 3000 demandeurs d'asile, dont une majorité d'Haïtiens, ont traversé la frontière à pied à Saint-Bernard-de-Lacolle au cours des dernières semaines en espérant obtenir rapidement le statut de réfugié.

Les Forces armées canadiennes sont sur place pour poursuivre l'installation des camps. Deux camps avec électricité et chauffage ont déjà été aménagés et un troisième est prévu. En tout, ces sites d'hébergement temporaires pourront accueillir 1200 personnes.

M. Garneau a rappelé que les demandeurs d'asile doivent prouver qu'ils courent un risque s'ils retournaient dans leur pays d'origine pour être reconnus comme réfugiés.

«Le processus est très clair: il n'y a pas de garantie quand quelqu'un fait une demande d'asile qu'il sera accepté au Canada, a-t-il répété. Il doit prouver qu'il serait à risque si on le retournait dans son pays en raison de ses vues politiques, de son orientation sexuelle ou d'autres facteurs.»

Les 13 consulats canadiens aux États-Unis s'affairent donc à contacter certaines communautés afin d'expliquer le système d'immigration canadien aux gens qui seraient tentés de traverser la frontière à pied pour demander l'asile au Canada.

M. Garneau a également souligné avoir accordé une entrevue au Miami Herald dimanche pour lancer ce même message à l'importante diaspora haïtienne vivant dans cette ville de la Floride.

La ministre québécoise de l'Immigration, Kathleen Weil, a salué cette coordination du message dans une entrevue accordée à RDI lundi après-midi.

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, avait affirmé samedi que les gens qui seraient tentés de faire le voyage jusqu'au Canada pour demander l'asile doivent avoir un portrait réel de la situation.

Le gouvernement du Québec doit offrir des services pour l'accueil de ces demandeurs d'asile sur son territoire.

«C'est déjà prévu que chaque province reçoive un certain nombre de demandeurs d'asile bon an, mal an, mais est-ce que la cadence fait que les coûts seront encore plus importants, c'est ce que l'on regardera à la fin», a expliqué Mme Weil.

Sans aller jusqu'à promettre une compensation financière, le ministre Garneau a dit que le gouvernement fédéral était conscient que cette situation «imposait des besoins additionnels au gouvernement du Québec».

Denis Coderre se défend

«Je ne m'excuserai jamais d'avoir été accueillant pour des gens qui sont dans le désarroi», a pour sa part lancé le maire de Montréal, Denis Coderre, lundi en répondant à la question d'un journaliste sur la situation à Montréal.

Bon nombre de demandeurs d'asile sont déplacés dans la métropole après un séjour d'une ou deux journées à Saint-Bernard-de-Lacolle durant lequel ils sont interrogés par la GRC.

«Chaque cas est différent», a dit le maire Coderre en prenant soin de rappeler qu'il a déjà été ministre fédéral de l'Immigration.

«Il y a des gens qui souffrent, il y a des gens qui ont tout perdu, il y a des gens qui ne se sont pas remis encore soit du tremblement de terre (en Haïti), soit qu'ils sont passés par le Brésil, soit qu'ils sont passés par le Yémen et ils arrivent ici. Il y a une réalité. On ne parle pas de statistiques, on parle d'êtres humains, ici», a-t-il dit.

Il a réitéré son désir de collaborer avec le gouvernement fédéral et celui du Québec pour trouver des solutions à l'afflux de demandeurs d'asile en provenance des États-Unis.

Le maire Coderre a également rappelé que le Canada est signataire de la Convention de Genève qui définit ce qu'est un réfugié, décrit ses droits et les obligations légales de l'État envers lui.

- Avec La Presse Canadienne