Le gouvernement Trudeau a attendu le jour de la publication du rapport du vérificateur général, mardi, pour lui donner accès à l'information dont il avait besoin sur les subventions aux énergies fossiles.

Résultat: le vérificateur n'a pas été en mesure de faire son travail correctement.

«Je suis très préoccupé que le ministère des Finances ne nous ait pas donné toute l'information dont nous avions besoin», a affirmé le vérificateur général, Michael Ferguson.

«L'accès à l'information est fondamental à notre indépendance et au travail que nous effectuons», a-t-il ajouté.

Michael Ferguson a souligné qu'il était dans l'impossibilité d'évaluer si le gouvernement respecte son engagement d'éliminer les subventions jugées inefficaces pour les industries du pétrole, du gaz et du charbon d'ici 2025.

Le vérificateur général voulait obtenir les analyses du ministère des Finances sur cet engagement pris lors du sommet du G20 en 2009.

Le ministère a refusé de lui fournir 243 pages de notes, prétextant qu'il s'agissait de documents confidentiels du cabinet. D'autres documents contenant des évaluations environnementales stratégiques sur les subventions aux énergies fossiles ont été caviardés avant d'être remis au vérificateur général pour la même raison.

«Nous ne demandons pas d'avoir accès aux recommandations qui sont faites au ministre ni aux discussions qui les entourent, mais nous devrions avoir accès à l'analyse qui mène à ces recommandations», a précisé Michael Ferguson.

Le Nouveau Parti démocratique y voit une situation digne d'une république de banane.

«Qu'est-ce qu'on a à cacher? Pourquoi on remet des documents caviardés au vérificateur général?», a demandé la députée néo-démocrate Brigitte Sansoucy, soulignant au passage les promesses d'ouverture et de transparence du gouvernement Trudeau et son engagement à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

«Pourquoi le gouvernement a-t-il attendu à 9h30 ce matin, 30 minutes avant le dépôt du rapport du vérificateur général, pour rendre l'information accessible?», a renchéri son collègue David Christopherson.

Le ministre des Finances, Bill Morneau, s'est défendu en disant que le gouvernement avait signé un décret mardi matin pour changer les règles et permettre l'accès à une partie des documents. Un geste «sans précédent», selon lui.

«C'était très important pour nous de faire ce que nous pouvions faire avec les règles et après nous avons décidé que c'était important de changer les règles», a-t-il expliqué.

«C'est exactement ce que nous avons fait, a-t-il poursuivi. Ce sera plus transparent, plus ouvert à l'avenir.»

Lors de son point de presse, le ministre Morneau n'a jamais expliqué pourquoi il n'avait pas signé ce décret plus tôt pour permettre au vérificateur général de faire son évaluation.

Le vérificateur général avait demandé d'avoir accès aux analyses fournies par le ministère des Finances au cabinet depuis 2010, mais il n'aura accès qu'aux documents depuis l'assermentation du gouvernement Trudeau en novembre 2015.

Le vérificateur s'est dit encouragé par le décret, mais demande une solution à long terme pour éviter d'autres fins de non-recevoir.

Dans son rapport, il presse le ministère des Finances de se doter d'un plan pour éliminer les subventions aux combustibles fossiles jugées inefficaces. Le ministère de l'Environnement et du Changement climatique en a un, mais il n'a pas encore été mis en oeuvre.

Le vérificateur général note tout de même certains progrès: six incitatifs fiscaux destinés aux secteurs pétrolier, gazier et minier ont été supprimés ou réduits depuis 2009, et deux autres sont en voie de l'être, mais il ajoute que d'autres incitatifs fiscaux n'ont fait l'objet d'aucune modification.

Il déplore également l'absence de renseignement sur l'ensemble des subventions pour les énergies fossiles.

«La question est de savoir si les subventions pour les énergies fossiles compromettent nos cibles de réduction des gaz à effet de serre», a indiqué la chef du Parti vert, Elizabeth May.

Ces subventions atteindraient un milliard de dollars annuellement, selon elle.

«Ce qui est sans précédent, c'est que le ministère des Finances émette une fin de non-recevoir au vérificateur général pour l'empêcher d'accéder à de l'information sur un engagement-clé du gouvernement», a-t-elle affirmé.

Elizabeth May doute que le gouvernement soit en mesure d'atteindre les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat.

Les groupes de défense de l'environnement ont aussi réagi.

Équiterre s'est dit choqué d'apprendre que le vérificateur général n'ait pas pu évaluer les progrès accomplis à cause du manque d'information.

Greenpeace voit l'influence des lobbys du pétrole et du gaz dans le refus du ministère de remettre les documents demandés au vérificateur.