Une Iranienne menacée d'expulsion a été arrêtée, mardi, parce que les agents fédéraux craignaient un risque de fuite de sa part.

Roghayeh Azizi Mirmahaleh, âgée de 60 ans, doit être déportée en Iran le 28 février prochain parce que le statut de réfugié lui a été refusé, en raison de ses liens avec une organisation qui était considérée comme terroriste par le Canada il y a de cela plusieurs années. Ce groupe ne figure plus sur la liste noire du Canada.

Mardi, au lendemain d'une conférence de presse organisée pour interpeller le gouvernement fédéral, Mme Azizi s'est rendue à une rencontre de routine avec des employés de l'Agence des services frontaliers, qui lui ont longuement parlé de son départ imminent dans son pays d'origine.

Ils lui ont notamment demandé si elle se préparait à partir, et au terme de la rencontre, ils l'ont arrêtée parce qu'ils jugeaient qu'elle pourrait ne pas se présenter aux établissements d'immigration en vue de sa déportation.

«L'agent a évalué à ses réponses que madame ne quitterait pas si elle devait quitter. Cependant, c'est sûr qu'on a fait beaucoup appel aux médias, on a fait un appel à la population. Madame a vraiment peur de retourner dans son pays», a relaté son avocate, Stéphanie Valois.

Mme Azizi craint d'être arrêtée et tuée dans son pays d'origine, parce qu'elle était impliquée dans un groupe critique du régime iranien.

Me Valois a toutefois affirmé que sa cliente n'avait jamais dit qu'elle ne partirait pas du Canada à la date prévue.

«Madame est âgée de 60 ans, elle ne parle pas beaucoup français ou anglais. Elle dépend de sa fille, qui n'est pas résidente permanente; elle va faire une demande de résidence permanente après ses études. Je vois mal comment elle pourrait rester illégalement au Canada. Ce n'était pas dans les plans», a-t-elle poursuivi.

Mme Azizi est actuellement détenue au Centre de prévention de l'immigration, à Laval. Son avocate dit qu'il y aura une révision de la détention dans 48 heures.

L'avocate de Mme Azizi conteste la demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR) délivrée par le gouvernement du Canada et elle réclame un sursis pour permettre à un juge d'entendre la cause.

Mme Azizi s'est fait refuser la demande d'ERAR, ce qui est inconcevable pour Stephan Reichhold, directeur général de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI).

«C'est tellement aberrant. C'est quelqu'un qui est connu et reconnu pour son opposition au régime en Iran. On ne comprend vraiment pas», a-t-il dit en entrevue téléphonique.

Du «cafouillage», selon Khadir

Le député de Québec solidaire Amir Khadir, qui a participé à la conférence de presse de lundi, est certain que cette histoire connaîtra un «dénouement politique» et a critiqué l'Agence des services frontaliers pour ce «cafouillage».

«Le premier ministre du Canada va partout dans le monde pour dire que le Canada est un pays d'accueil, de protection et d'asile pour les réfugiés. Ce serait un peu absurde qu'un examen attentif du dossier conduise à autre chose qu'une protection de Mme Azizi», a-t-il affirmé en entrevue téléphonique.

M. Khadir a accordé une entrevue après avoir lui-même appelé l'Agence des services frontaliers pour convier les agents à une conversation téléphonique avec la ministre québécoise de l'Immigration, Kathleen Weil, qui est préoccupé par ce dossier, selon le député.

M. Khadir a indiqué qu'ils tenteront de dire à l'agence de «laisser le temps au dénouement politique».

«Quand cette dame va être libérée et qu'on va lui accorder une protection, l'agence frontalière va juste avoir l'air de cafouiller», a-t-il laissé tomber.

L'attachée de presse du ministre fédéral de l'Immigration, Ahmed Hussen, n'a pas voulu commenter un cas particulier.

L'attaché de presse du ministre fédéral de la Sécurité publique, Ralph Goodale, n'a pas abordé directement cette affaire, mais il a tenu à rappeler que «la décision de renvoyer une personne du Canada n'est pas prise à la légère».

«Une personne visée par une mesure de renvoi du Canada a droit à une application régulière de la loi et peut donc en appeler devant différentes instances judiciaires. Une fois qu'une personne a épuisé tous ses recours légaux, elle est tenue de respecter la loi et de quitter le Canada ou d'être renvoyée», a précisé Scott Bardsley.

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