Le téléphone au volant devrait être interdit en tout temps, même avec un système mains libres. Le simple fait de parler au téléphone est risqué et composer un numéro, opération souvent nécessaire avec un système mains libres, augmente le risque d'accident.

Telle est la prise de position du prestigieux British Medical Journal, dans un éditorial publié mercredi qui est écrit par deux médecins montréalais, dont un chercheur en épidémiologie de l'Université McGill.

«La technologie permet aujourd'hui de restreindre la capacité du seul conducteur à faire ou prendre des appels téléphoniques, sans restreindre cette possibilité aux passagers, explique le pédiatre Barry Pless, de McGill. Comme on sait que les systèmes mains libres n'éliminent pas le risque accru d'accident associé au portable, il faut imposer cette technologie.»

Des applications existent déjà pour empêcher les téléphones de fonctionner s'ils sont dans une voiture, sur la base de leurs déplacements GPS. Ces applications pourraient être jumelées à des systèmes de reconnaissance des téléphones dans les voitures, pour permettre aux passagers de se servir de leur téléphone, mais pas aux conducteurs.

Reconnaissance vocale

Si un téléphone permet réellement de faire des appels sans se servir de ses mains et de ses yeux, par exemple avec un système de reconnaissance vocale comme le Siri d'Apple, le risque n'est pas plus élevé que si le conducteur parle avec un passager, selon le Dr Pless. «Mais très peu de gens ont ce genre de système. Ce que moi et mon frère avons vu comme études dans notre recherche avant d'écrire notre éditorial, nous permet de conclure que ni l'éducation des gens ni les lois encadrant actuellement le téléphone au volant ne règlent le problème.»

Faux sentiment de sécurité

Jean-Marie de Koninck, statisticien à l'Université Laval et directeur de la Table québécoise sur la sécurité routière, est du même avis. Mais il pense qu'il faudra attendre, avant d'imposer une telle technologie aux fabricants de voitures et de téléphones, que la population soit prête à accepter de ne plus pouvoir se servir du téléphone au volant. «Le problème avec les lois qui autorisent le système mains libres, c'est que les automobilistes ont un faux sentiment de sécurité, dit M. de Koninck, joint à une conférence à Paris. À mon avis, il y aura un changement de mentalité. Déjà, des entreprises interdisent à leurs chauffeurs d'utiliser leur cellulaire. Et on entend de plus en plus de gens demander: «Es-tu au volant?» Imposer cette solution technologique, c'est une question d'acceptabilité.»

M. de Koninck place aussi beaucoup d'espoir, pour améliorer le bilan routier, dans les voitures sans pilote, conduites par un ordinateur ayant accès à des capteurs. Pense-t-il que l'interdiction totale du portable au volant arrivera avant les voitures sans pilote? «Probablement en même temps», dit-il.