Le grand patron de Postes Canada a défendu pour la première fois publiquement son plan qui abolira éventuellement la livraison de courrier à domicile, mais n'a fourni aucune information sur de possibles accommodements pour les personnes âgées et celles à mobilité réduite.

Témoignant devant un comité parlementaire mercredi à Ottawa, Deepak Chopra s'est fait mitrailler de questions par les députés de l'opposition.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a posé de nombreuses questions au sujet des personnes âgées, demandant si leurs besoins avaient été considérés.

Le plan de la société d'État a été dévoilé il y a une semaine et a immédiatement soulevé l'inquiétude de la population.

Il prévoit l'augmentation du coût du timbre individuel à 1 $ (85 cents en carnet), alors qu'il est de 63 cents actuellement. La livraison du courrier à domicile sera graduellement remplacée par le dépôt des lettres dans des boîtes postales communes.

Au sujet des aînés et des personnes à mobilité réduite qui devront se déplacer pour récupérer leur courrier, M. Chopra a assuré que les changements seront mis en oeuvre de façon «réfléchie» et que le travail sera fait en consultation avec les municipalités. Plus tard en point de presse, il a vaguement ajouté que Postes Canada fera preuve d'innovation en trouvant des solutions.

«Des choix difficiles ont dû être faits», a-t-il dit à de nombreuses reprises.

Mais le plan ignore les besoins d'un grand nombre de Canadiens, a déclaré devant le comité parlementaire Bob Brown, du Conseil des Canadiens avec déficiences, lui-même en fauteuil roulant.

«Les boîtes postales communes sont inaccessibles. Elles seront des barrières. Elles rendront les gens plus dépendants envers les membres de leurs familles et leurs amis», a dit l'homme.

Son collègue Roy Hanes a souligné de son côté que les Canadiens ne peuvent pas tous troquer le courrier pour Internet, pour des raisons financières, ajoutant que les gens avec des handicaps sont parmi les plus pauvres de la société.

Aucune mesure concrète, aucune solution proposée, a résumé le député néo-démocrate Hoang Mai après avoir écouté les réponses de M. Chopra. «Ça n'aidera pas les gens qui ne sont pas capables de se rendre à une boîte au coin de la rue», a-t-il dit.

M. Chopra s'est aussi fait critiquer par le NPD pour avoir encaissé un bonus alors que l'entreprise postale est déficitaire, et aussi parce qu'il siège au conseil d'administration du Conference Board du Canada, l'organisme qui a publié un rapport cet automne au sujet de l'avenir du service postal. Et sur lequel Postes Canada dit s'être basé pour développer son plan.

En comité, le président-directeur général de Postes Canada a longuement fait état des changements dans les habitudes des Canadiens qui utilisent de plus en plus le courriel au détriment des lettres.

M. Chopra a signalé que le courrier change de forme et de taille. «N'est-ce donc pas le temps que la boîte aux lettres change aussi?», a-t-il demandé.

Et à ceux qui craignent justement que les boîtes postales communes envahissent l'espace urbain dans les villes densément peuplées comme Montréal, un autre dirigeant de Postes Canada a rétorqué qu'il était «trop tôt pour monter aux barricades».

L'entreprise a cinq ans pour réaliser son plan, a rappelé Jacques Côté, président du réseau de livraison physique, qui a indiqué qu'il sera notamment possible de développer de nouvelles boîtes pour la distribution du courrier.

Les boîtes postales communes seront d'abord installées dans les banlieues. En ville, des options seront évaluées, comme des partenariats avec de petits commerces qui pourraient recevoir le courrier, a ajouté M. Côté.

Le NPD assure qu'il fera tout pour que Postes Canada revienne sur sa décision de cesser la livraison à domicile.

Il aurait souhaité que d'autres options soient envisagées plutôt que celle choisie qui augmente le coût des timbres tout en coupant dans les services.

Le député libéral David McGuinty est du même avis. Le plan n'est pas créatif, même prévisible, dit-il. D'autres possibilités existent à part l'abolition complète de la livraison à la maison, comme offrir le service deux fois par semaine, offre-t-il en exemple.

Le grand patron de Postes Canada a refusé de dévoiler toutes les données et les commentaires des Canadiens consultés, comme l'a requis le NPD.

Le NPD et le Parti libéral dénoncent d'ailleurs le manque de consultation auprès des Canadiens.

Questionné sur quand le gouvernement fédéral avait été mis au courant de son plan, M. Chopra a évité de répondre à au moins huit reprises - aux députés comme aux journalistes - pour finalement dire que le ministère des Finances avait été avisé deux jours avant l'annonce publique.

Ce qui a fait dire au député Hoang Mai que le plan a été dicté par le gouvernement.

Plusieurs membres des partis d'opposition avaient évoqué cette possibilité puisque le gouvernement n'a pas posé de questions et a immédiatement endossé le plan.