La CSN se prononce contre la volonté du gouvernement Marois d'interdire le port de signes religieux ostentatoires à l'ensemble des travailleurs des secteurs public et parapublic.

« On n'a pas besoin d'aller aussi loin pour s'assurer de la séparation de l'Église et de l'État et s'assurer que l'État est laïc », a plaidé le président Jacques Létourneau jeudi, alors que le conseil confédéral de la CSN a pris position sur le projet de loi 60 sur la charte de la laïcité. « Pour le chauffeur d'autobus de la Société de transport de Montréal, en quoi porter un signe religieux ostentatoire menace la neutralité de l'État ou du service ? », a-t-il ajouté.

Par une écrasante majorité, les délégués du conseil confédéral ont appuyé une proposition soumise par le comité exécutif. Ainsi, pour la CSN, l'interdiction du port de signes religieux doit viser les juges, les procureurs de la Couronne, les policiers, les gardiens de prison, le président et le vice-président de l'Assemblée nationale - c'était la recommandation de la commission Bouchard-Taylor. « Par souci des enfants », une « clientèle captive », l'interdiction doit également s'appliquer dans les écoles primaires et secondaires, autant publiques que privées subventionnées, les centres de la petite enfance (CPE) et les garderies privées.

« La CSN se prononce contre une interdiction générale du port de signes religieux pour tous les membres du personnel d'un organisme public », ajoute-t-on.

Dans son document de réflexion sur le projet de loi 60, la CSN affirme que « le projet de loi frappe fort et sans discernement » au sujet de l'interdiction du port de signes religieux. « Nous ne pouvons suivre le gouvernement sur ce terrain », ajoute la centrale syndicale qui compte 300 000 membres, dont les deux tiers sont dans le secteur public. « Une interdiction aussi générale paraît nettement disproportionnée et pourrait s'avérer particulièrement préjudiciable pour les femmes », soutient-elle. « La Charte de la laïcité proposée ici compromet gravement le droit de gagner sa vie et même celui de choisi sa profession. Où pourra-t-on exercer la profession de médecin ou d'infirmière lorsqu'on porte le voile ? » Selon elle, « le droit au travail commande une approche restrictive », « plus ciblée », ce qui a été approuvée en conseil confédéral.

Pour la CSN, il ne faudrait pas faire de distinction entre un signe ostentatoire et un signe discret « pour éviter le traitement préférentiel de certaines religions et les tergiversations concernant les dimensions acceptables d'un signe ».

Un long débat a précédé le vote sur la proposition soumise par le conseil exécutif. Au micro, la présidente du Conseil central de Québec-Chaudière-Appalaches, Ann Gingras, a affirmé que « le projet du gouvernement tel que présenté est fort mal fait ». Le gouvernement mise sur des « clichés » et des « stéréotypes » pour « enflammer la population », a-t-elle ajouté.

Marc Laviolette, de la Fédération de l'industrie manufacturière, est quant à lui monté au front pour appuyer le gouvernement même si le projet de loi a des « insuffisances ». « On n'est pas 100% d'accord avec la charte, on est 400% d'accord avec la charte ! » a-t-il lancé. Son amendement en faveur d'une interdiction du port de signes religieux pour tous les membres du personnel d'un organisme public a toutefois été rejeté par une forte majorité.

Un amendement de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec pour que l'interdiction ne s'applique pas dans les écoles a connu le même sort.

En après-midi, les délégués débattaient d'une proposition du comité exécutif demandant la reconnaissance d'un « droit acquis » au port de signes religieux pour les personnes déjà à l'emploi au moment de l'adoption de la loi. Une telle mesure « tempérerait l'atteinte au droit au travail », estime l'exécutif. « Il serait injuste que des travailleurs soient congédiés en raison de changements apportés après leur embauche aux exigences d'emploi. » Pour Jacques Létourneau, l'objectif est également d'éviter « la multiplication des recours juridiques » dans les milieux de travail.

La CSN condamne les « incohérences » du projet gouvernemental : il ne retire pas le crucifix du Salon bleu, il permet aux députés de porter des signes religieux et il ne remet pas en cause le financement des écoles confessionnelles. Elle appuie toutefois l'idée de baliser les accommodements raisonnables, d'affirmer la neutralité religieuse de l'État et l'égalité homme-femme. Elle approuve l'obligation d'avoir le visage découvert dans la prestation et la réception des services publics.