Hier, à Jonquière, d'anciens habitants de Saint-Jean-Vianney ont visité deux écoles pour raconter la tragédie qui les a frappés il y a 40 ans jour pour jour. Un glissement de terrain, le pire de l'histoire moderne du Québec, a englouti un village entier et fait 31 morts en quelques secondes.

«Pour ceux qui ont vécu cette nuit-là, il est impossible d'oublier les cris dans la nuit», explique Rolande Lavoie, dont le père était à l'époque maire du village, et qui, depuis une vingtaine d'années, organise des activités de recueillement le 4 mai. «On a su qu'il se passait quelque chose parce que Berthold Tremblay nous a appelés pour parler à mon père. Il criait au téléphone. Nous, on était 1000 pieds plus loin, sur le bord de la route. Mon père était au travail chez Alcan, on n'a pas pu le rejoindre.»

Appels dans la nuit

Mme Lavoie, ses soeurs et sa mère ont trouvé refuge dans le village voisin alors que ses frères se joignaient aux recherches pour trouver des survivants dans les maisons qui avaient glissé au fond du ravin avec la glaise soudainement liquéfiée, peut-être par un tremblement de terre. «Ils m'ont raconté que les gens appelaient dans la nuit. Roger Landry appelait sa femme et sa fille, Anna et Jeannette. C'était déchirant. Jeannette, je la connaissais, elle avait 21 ans et je sortais parfois avec elle. Elle était infirmière à Roberval. Je pensais qu'elle était vivante, mais elle était revenue chez elle pour une journée de congé.»

Le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd s'il n'y avait pas eu ce soir-là le premier match de la série finale Canadien-Black Hawks. «Les gens étaient encore debout, dit Mme Lavoie. Quand le glissement de terrain est arrivé, on a tout d'abord manqué d'électricité. Quelques personnes sont sorties de chez elles à cause de ça.»

Après la tragédie, l'essentiel de la population du village - 2600 personnes - a déménagé à Arvida. Une quinzaine de familles, dont celle de Mme Lavoie, ont défriché une forêt à Shipshaw, à 4 km de Saint-Jean-Vianney. «Les autres trouvaient que c'était trop proche, dit Mme Lavoie. Un monsieur, François Tremblay, nous avait donné des terrains. On a tout défriché.»

Une controverse a entouré la responsabilité du père de Mme Lavoie. «Il y avait eu un petit glissement de terrain le 20 avril, dit-elle. Mon père avait demandé des inspecteurs du Ministère, mais ils n'étaient pas encore venus.» À l'occasion du glissement de terrain à Saint-Jude, en 2010, des ingénieurs de la Sécurité civile avaient expliqué à La Presse que, à l'époque, en 1971, seules les zones densément peuplées étaient cartographiées pour le risque de glissement de terrain.

Photo: Pierre McCann, archives La Presse