Le client du service de Suivi intensif en santé mentale (SIM) a débarqué au CLSC en brandissant 500 $ en argent liquide. Il était tout content. Le problème, c’est que pour obtenir cette somme, il avait signé une résiliation de bail. L’homme de 60 ans n’avait plus de logement.

« Il n’avait plus de clé, c’était trop tard. On n’a pas été capables d’intercepter la transaction, malheureusement », raconte Sabrina Parisien, spécialiste en activités cliniques au SIM du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal. Cette situation s’est produite en 2019, il y a quatre ans. Depuis, l’homme n’a jamais retrouvé de logement. Il vit de refuge en refuge.

Depuis quelques années, c’est le sixième immeuble qui « échappe » aux clients du SIM, puisqu’il est repris par des propriétaires qui le rénovent en évinçant les locataires, a dénombré Mme Parisien. « Chaque fois, on soupçonne des rénovictions », résume-t-elle. Accrochés à leur logement, d’autres clients « acceptent l’inacceptable » pour éviter d’être évincés. « Il y a des façons malveillantes de traiter les gens, où on profite de leur vulnérabilité », dit-elle.

  • Campement de sans-abri au coin des rues Sainte-Catherine et Bercy, aux frontières des arrondissements de Ville-Marie et de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

    PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

    Campement de sans-abri au coin des rues Sainte-Catherine et Bercy, aux frontières des arrondissements de Ville-Marie et de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

  • Campement de sans-abri au coin des rues Sainte-Catherine et Bercy, aux frontières des arrondissements de Ville-Marie et de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

    PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

    Campement de sans-abri au coin des rues Sainte-Catherine et Bercy, aux frontières des arrondissements de Ville-Marie et de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

  • Campement de sans-abri au coin des rues Sainte-Catherine et Bercy, aux frontières des arrondissements de Ville-Marie et de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

    PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

    Campement de sans-abri au coin des rues Sainte-Catherine et Bercy, aux frontières des arrondissements de Ville-Marie et de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

  • Campement de sans-abri au coin des rues Sainte-Catherine et Bercy, aux frontières des arrondissements de Ville-Marie et de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

    PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

    Campement de sans-abri au coin des rues Sainte-Catherine et Bercy, aux frontières des arrondissements de Ville-Marie et de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

  • Sans-abri quittant son campement après un démantèlement, au coin des rues Sainte-Catherine et Bercy.

    PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

    Sans-abri quittant son campement après un démantèlement, au coin des rues Sainte-Catherine et Bercy.

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Lorsqu’un client perd son logement, c’est un casse-tête infernal pour le réseau de la santé. « On se retrouve avec des cas de santé mentale sévères qui perdent leur logement et on est incapable de les relocaliser parce qu’ils ne peuvent pas se payer un logement avec leur chèque d’aide sociale, confirme une source haut placée du réseau de la santé, qui a réclamé l’anonymat pour ne pas nuire à ses relations avec les autorités municipales. Certains peuvent se retrouver en refuge, ou en situation très précaire dans des maisons de chambres. Ça peut mener à des décompensations en matière de santé mentale. »

Certains de ces clients évincés se retrouvent donc à la rue, constate Josée Lafrenière, organisatrice communautaire au CLSC Hochelaga-Maisonneuve.

Bientôt, il n’y aura plus de place pour notre monde, ceux qui n’ont pas de gros revenus, et qui vivent de la vulnérabilité. Le prix des logements est tellement élevé ! Dans les gens qui se retrouvent dans des campements, il y en a qui ont été victimes de rénoviction.

Josée Lafrenière, organisatrice communautaire au CLSC Hochelaga-Maisonneuve

Et les conséquences sur la clientèle qu’elles suivent sont majeures. « C’est catastrophique de perdre une personne qui est stable, en logement. Un coup qu’elle est à la rue, on ne la repère plus. Son état se détériore, et ça fait boule de neige. Elle se retrouve en prison, ou à l’urgence », dit Mme Parisien. Le logement, disent les deux femmes, « ne peut pas être un privilège. Et maintenant, avoir un logement, c’est devenu un privilège ».

La crise du logement frappe dur dans Hochelaga-Maisonneuve, déplore le maire de l’arrondissement, Pierre Lessard-Blais. « La crise du logement est au cœur du quartier depuis au moins une dizaine d’années. Si tu perds un logement à moins de 800 $, c’est impossible de retrouver ça », dit-il.

Le maire mentionne cependant que Mercier–Hochelega-Maisonneuve a pris plusieurs mesures pour freiner la spéculation immobilière. On a interdit les Airbnb, on a interdit les subdivisions de logements et on a protégé certaines maisons de chambres qui étaient à risque d’être rachetées par des spéculateurs, énumère-t-il. « Mais on a beau ne pas vouloir la gentrification du quartier, on n’a pas tous les pouvoirs nécessaires pour la freiner. »