La Ville de Montréal vient d’acheter deux propriétés pour y réaliser des projets de logement : elle prévoit la construction de 58 à 75 logements sociaux sur le Plateau Mont-Royal ainsi qu’un nouveau refuge pour sans-abri dans le quartier Rosemont, qui suscite déjà des questions et des inquiétudes dans le voisinage.

L’ancienne église Sainte-Bibiane accueillera des « services aux personnes en situation de vulnérabilité », indique un document annexé à la promesse d’achat, au montant de 2,5 millions, faite par la Ville à l’Archevêché de Montréal il y a deux mois.

« On entend par service communautaire un lieu où les personnes dans le besoin peuvent trouver du répit et divers services d’intervention sociale pour les aider dans leur cheminement de réinsertion », peut-on lire. « Exemples de services pouvant être offerts : hébergement, nourriture, douches ; intervention psychosociale ; accompagnement vers le logement ; référencement vers divers services (santé, revenu, emploi, etc.) ; cohabitation sociale avec le milieu environnant. »

Mais voilà, certains résidants du « milieu environnant », près de l’intersection du boulevard Saint-Michel et de la rue Dandurand, s’inquiètent du peu d’informations diffusées par l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie dans un avis qui leur a été transmis ces derniers jours.

« Le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, en collaboration avec la Ville de Montréal, l’arrondissement et le milieu communautaire, définira un projet et désignera un organisme mandataire pour le développer et en assurer la bonne gestion », indique l’avis au voisinage, qui précise que des rencontres d’information auront lieu dans les prochaines semaines.

Les besoins en hébergement pour les sans-abri sont criants, puisque les personnes sans logis sont de plus en plus nombreuses depuis quelques années.

Rien de confirmé

Pourquoi l’avis n’indique-t-il pas que l’église deviendra un refuge pour sans-abri ?

« On ne peut pas confirmer le service qui y sera pour l’instant », répond le porte-parole de la mairesse Valérie Plante, Simon Charron, ajoutant que les services indiqués dans la promesse d’achat sont seulement des exemples.

Aucun élu n’était disponible pour répondre à nos questions à ce sujet.

« ll est de notoriété publique que la Ville veut acquérir différents sites pour répondre à différents besoins. C’est une bonne transaction qui répond aux besoins des Montréalais », a simplement expliqué Benoît Dorais, maire de l’arrondissement du Sud-Ouest et responsable de la stratégie immobilière au comité exécutif, jeudi dernier, en réponse à la question d’un citoyen au conseil d’agglomération.

Des citoyennes, qui se sont exprimées sous le couvert de l’anonymat puisqu’il s’agit d’un sujet polarisant, ont-elles dit, craignent que le projet amène des problèmes de violence et de toxicomanie dans le secteur, après en avoir discuté avec les résidants d’un autre quartier où un refuge a été installé.

Mais surtout, elles s’inquiètent du fait que le projet a peut-être déjà été décidé, sans que la population ait eu son mot à dire. « On veut être consultés, ou bien si le projet est déjà convenu, on veut savoir les mesures qui seront prises pour qu’il soit intégré au milieu. Si l’intégration n’est pas faite adéquatement, c’est certain que la cohabitation sera plus difficile », dit l’une d’elles.

Sur une page Facebook regroupant des parents de Rosemont, la majorité des commentaires étaient cependant favorables à l’implantation d’un refuge pour sans-abri dans l’ancienne église.

Logements sociaux au cœur du Plateau

À l’angle des rues Marie-Anne et Saint-Dominique, la Ville a acheté une autre propriété pour 9,1 millions la semaine dernière, à des fins de logement social. Entre 58 et 75 appartements pourraient être construits après la démolition de l’ancien garage qui occupe le site, et après la décontamination du sol.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Propriété achetée par la Ville à l’angle des rues Marie-Anne et Saint-Dominique, sur le Plateau Mont-Royal

Cette acquisition a été réalisée grâce au droit de préemption, qui permet à la Ville de se substituer à l’acheteur d’une propriété pour laquelle elle a déclaré un intérêt, en payant le prix de l’offre d’achat.

L’évaluation municipale des trois lots achetés est de 3 millions. Malgré la différence avec le prix d’achat, la Ville est convaincue d’avoir payé le juste prix, qui reflète la valeur marchande en raison du potentiel que représente un terrain dans ce secteur central, souligne Simon Charron.

Le Service de l’habitation a décelé dernièrement un stratagème utilisé par des vendeurs et des acheteurs potentiels pour gonfler les prix de vente de propriétés soumises au droit de préemption, mais les vérifications n’ont pas révélé d’irrégularité dans ce cas-ci.

Le coût de la démolition de l’immeuble, qui devrait être faite d’ici la fin de l’année, est estimé à 500 000 $.

« Le Service de l’environnement juge que le potentiel de contamination des sols est élevé en raison de la présence d’un ancien garage de mécanique qui aurait opéré pendant des années des appareils de levage hydraulique à l’huile et des travaux de peinture et de débosselage. Un réservoir souterrain d’essence pourrait se trouver encore sur place et l’eau souterraine pourrait être contaminée aux hydrocarbures pétroliers. De plus, compte tenu de l’année de construction du bâtiment existant, il n’est pas exclu qu’il puisse comporter des matières préoccupantes telles que de l’amiante et de la peinture au plomb dont il faudra tenir compte lors d’une rénovation ou d’une déconstruction », indiquent les documents municipaux présentés aux élus lors d’une séance extraordinaire du comité exécutif.

Après le nettoyage du site, le projet de construction sera confié à un OBNL en habitation, conclut la Ville.

« Alors que la crise du logement affecte de plein fouet les ménages montréalais, nous sommes fiers d’accélérer les acquisitions qui contribuent à placer des unités à l’abri de la spéculation. Grâce à cette acquisition, des unités resteront abordables pour les prochaines décennies dans un secteur central de Montréal, près des services et des transports collectifs », a dit M. Charron.

Avec Philippe Teisceira-Lessard, La Presse