Les coupes appréhendées dans le métro et les bus du Grand Montréal n’auront pas lieu à court terme, confirme l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM). Dans son cadre budgétaire publié jeudi, l’organisme devra toutefois renoncer à une somme de 165 millions qui était prévue pour développer et maintenir les actifs.

« C’est un peu comme un pansement qu’on vient mettre pour l’année 2024 », résume le directeur général de l’Autorité, Benoit Gendron, en entrevue à La Presse. Selon lui, « la bonne nouvelle, c’est qu’on évite les coupes de services tant redoutées ». « C’était notre priorité à tous », insiste-t-il, en prévenant que l’industrie repose sur un équilibre pour le moins « précaire ».

L’ARTM devra réallouer l’an prochain quelque 165,5 millions en sommes non récurrentes qui étaient initialement prévues pour le développement des services et le maintien des actifs. Pour équilibrer son cadre budgétaire, elle demandera aussi aux sociétés de transport de réduire leurs dépenses de 15,6 millions en moyenne. Au total, la réduction des dépenses des sociétés devrait atteindre environ 80 millions en 2024.

Pendant ce temps, les contributions des municipalités de la région métropolitaine devront augmenter de 36,4 millions pour boucler l’exercice. L’Autorité, qui réduira aussi son budget de près de 20 millions en 2024 pour y arriver, ne cache pas sa vive déception d’être contrainte « d’hypothéquer l’avenir en réallouant des sommes non récurrentes ».

Ultimement, le tout permettra de combler le manque à gagner de 203,5 millions qui persistait dans l’écosystème de transport collectif du Grand Montréal.

Bref, si tout se passe bien, le service sera donc maintenu à court terme, puisque ces « optimisations » permettront de faire en sorte que la rémunération à l’exploitation des opérateurs – autrement dit, les revenus des sociétés de transport – augmentera en moyenne de 3,2 % l’an prochain.

En mêlée de presse, Valérie Plante, elle, s’est inquiétée que cela veuille dire que l’investissement en mobilité sera inexistant en 2024. « Il faut entretenir le matériel existant et idéalement, on développe de nouvelles offres de service, ce qui n’est pas le cas. Là on garde la shop telle qu’elle est et c’est sûr que c’est dommage », a-t-elle dit, en accusant à nouveau Québec de s’être « désengagé du financement du transport collectif ». « Ça nous fait craindre pour les prochaines années […] qui vont être extrêmement difficiles », a-t-elle ajouté.

Un défi de 600 millions

En intégrant les pertes liées à l’achalandage, qui se situe toujours à environ 80 % du niveau prépandémique, mais aussi la non-indexation des aides gouvernementales depuis 2019 et le coût lié au Réseau express métropolitain (REM), M. Gendron calcule qu’il manque 600 millions en financement du transport collectif.

C’est un défi qui est énorme pour lequel ça va prendre des contributions additionnelles de tout le monde, mais aussi de l’optimisation de dépenses. On parle d’une série de facteurs pour trouver un équilibre.

Benoit Gendron, directeur général de l’ARTM

Dans un communiqué, l’ARTM réitère qu’une table de travail devra être mise en place « rapidement » avec le ministère des Transports et la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) pour « identifier des sources de financement pérennes et prévisibles pour la période 2025-2029 ». « Personne ne veut revivre une situation comme celle à laquelle nous avons été confrontés cet automne », affirme M. Gendron.

Il fait ainsi référence aux dures négociations qui se sont tenues entre Québec et Montréal, souvent sur la place publique, et qui ont pris abruptement fin au début du mois de novembre.

En 2024, le gouvernement versera finalement 238 millions au transport collectif du Grand Montréal, dont 218 millions à l’ARTM seulement. Pourtant, les maires et mairesses avaient dit craindre des compressions importantes en deçà d’une aide de 300 millions, dont la fermeture du métro après 23 h, des coupes de trajets d’autobus ou des mises à pied de chauffeurs. Aucun de ces scénarios ne se produira finalement.

« La spirale de la mort »

En entrevue, M. Gendron précise encore plus clairement vouloir « éviter de tomber dans ce qu’on appelle entre nous la spirale de la mort en transport collectif, avec moins de revenus, des coupes de service et ainsi de suite ». « Si on va là, on s’en irait complètement vers l’inverse d’où il faut aller pour faire de la mobilité de plus en plus durable », prévient le DG.

A priori, la taxe sur l’immatriculation, qui a été étendue à tout le Grand Montréal le printemps dernier , devrait déjà permettre à l’ARTM de dégager près de 122 millions de revenus, l’an prochain. On ignore si d’autres taxes sont envisagées à l’heure actuelle.

Chose certaine : des négociations « bouclées de justesse, à la veille de l’adoption des budgets des municipalités et des sociétés de transport », ça ne peut plus se reproduire, déclare M. Gendron, qui affirme que « ces modalités de planification budgétaire sont insoutenables ». « On va avoir plus de temps devant nous pour 2025 et ainsi de suite. Maintenant, il faut s’asseoir tout de suite après les Fêtes et commencer à négocier », lance-t-il à ce sujet.

Tout cela survient après une semaine pour le moins chargée dans le milieu municipal. La semaine dernière, dans son budget 2024, la Ville de Montréal avait fait bondir sa contribution totale à l’ARTM de 48,4 millions en 2024, passant de 667,2 millions à 715,6 millions, une hausse de 7 %. C’est d’ailleurs la plus forte augmentation du budget : le transport collectif représente ainsi maintenant 10,2 % des dépenses de la municipalité, contre 9,9 % en 2023.

Peu avant, la STM avait annoncé qu’elle devrait supprimer plus de 120 postes et réduire ses dépenses de 50 millions pour équilibrer son prochain budget. C’est cet effort qui devrait lui permettre de ne pas réduire le service dans le métro et le réseau d’autobus pour le moment, avait soutenu la société.