Les consultations publiques sur le tronçon sud-ouest de la « ligne rose », qui devaient avoir lieu en novembre, ont été suspendues par Québec, a appris La Presse de plusieurs sources près du dossier. L’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), qui chapeaute le dossier, et la Ville de Montréal avaient donné leur aval au processus, mais le gouvernement Legault a mis son veto. La directive émane du bureau du premier ministre, selon nos informations.

Cette intervention s’inscrit dans un contexte tendu entre le gouvernement du Québec et certains partenaires municipaux et régionaux en matière de transport collectif. Au début du mois, François Legault a rejeté le plan du tramway du maire Bruno Marchand à Québec et a chargé la Caisse de dépôt et placement de déterminer le meilleur projet de réseau de transport structurant pour la capitale. C’est maintenant au tour de la ligne rose de subir un ralentissement.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

L’ARTM était censée divulguer cet automne plusieurs scénarios de tracés et de modes de transport pour le « projet du grand Sud-Ouest », qui doit relier Lachine au centre-ville de Montréal. Des consultations publiques ont eu lieu au printemps et d’autres devaient débuter le 20 novembre sur la base des différentes options proposées.

Le calendrier s’avère maintenant incertain. Aucune date de reprise des consultations n’a été fixée. Tant la Ville de Montréal que l’ARTM disent avoir eu l’assurance que les consultations iraient de l’avant à une date ultérieure non précisée.

« Les consultations publiques auront lieu », assure Simon Charbonneau, directeur des affaires publiques de l’ARTM. « Avec nos partenaires, nous analysons présentement les possibilités calendaires afin d’être en mesure de communiquer le moment où se tiendront les consultations publiques du projet du grand Sud-Ouest. »

Des tracés toujours attendus

Le projet structurant à l’étude correspond à la seconde phase de la ligne rose rêvée par l’administration Plante depuis 2017. La première phase, un métro qui devait connecter le centre-ville à Montréal-Nord, a été abandonnée en 2021 au profit du Réseau express métropolitain (REM) de l’Est, toujours sur les rails.

En 2019, l’administration Plante avait offert 800 millions d’argent fédéral au projet de tramway de Québec – aujourd’hui compromis – en échange d’un financement équivalent du gouvernement Legault pour construire un tronçon de « ligne rose » entre Lachine et le centre-ville.

L’ARTM a reçu 20 millions de Québec en 2021 pour mener des études et des consultations afin de présenter les meilleures options pour le grand Sud-Ouest, qui comprend les arrondissements de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, Lachine, LaSalle, Le Sud-Ouest, Verdun et Ville-Marie ainsi que les municipalités de Dorval, Montréal-Ouest et Westmount.

La Ville de Montréal et l’arrondissement de Lachine ont signifié dans le passé leur nette préférence pour un tramway qui longerait l’emprise ferroviaire de la rue Victoria.

En juin dernier, l’ARTM affirmait à La Presse n’écarter aucune option1. Elle devait en présenter « entre deux et dix », tant pour les modes que pour les tracés, au mois de septembre. Ces informations du dossier d’opportunité n’ont toujours pas été rendues publiques.

« Tous les projets de transport collectif doivent être accélérés au Québec, et nous sommes rassurés que les consultations publiques entourant la ligne rose puissent reprendre », écrit dans un courriel à La Presse Catherine Cadotte, attachée de presse du cabinet de la mairesse Valérie Plante.

Elle ajoute que « la ligne rose, comme le projet structurant de l’Est et la ligne bleue, sont les projets qui doivent continuer d’être développés de façon prioritaire ».

Silence à Québec

Le cabinet du premier ministre n’a pas répondu à nos questions pour connaître le motif de son intervention dans les études de la ligne rose et pour savoir si le dossier pourrait éventuellement tomber dans le giron de la nouvelle agence que Québec compte créer après les Fêtes pour gérer les grands chantiers de transport collectif.

« Il est prévu que des consultations publiques soient tenues et elles auront lieu prochainement », s’est contenté d’écrire par courriel Ewan Sauves, attaché de presse du premier ministre, en soulignant que le projet du grand Sud-Ouest figure au Plan québécois des infrastructures.

Tout indique que la nouvelle structure à qui sera confiée une partie des responsabilités du ministère des Transports sera intimement liée à CDPQ Infra, filiale de la Caisse de dépôt responsable de la construction du REM.

À Québec, en plus de reprendre le dossier du tramway, le maître d’œuvre doit aussi proposer un scénario de troisième lien. Depuis 2020, CDPQ Infra étudie aussi les options de réseau de transport structurant pour Longueuil – probablement un prolongement est-ouest de l’antenne Rive-Sud du REM. Le dossier progresse à pas de tortue.

Rappelons que la filiale de la Caisse s’était retirée du REM de l’Est en mai 2022 après l’abandon du tronçon dans le centre-ville, faute d’acceptabilité sociale.

En entrevue avec La Presse en début de semaine2, la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guibault, a soutenu que le gouvernement du Québec manquait d’expertise en matière de projets de transport collectif. Elle ouvrait ainsi la porte à une plus grande contribution de CDPQ Infra au détriment, notamment, de l’ARTM, qui chapeaute le dossier d’opportunité dans le grand Sud-Ouest.

1. Lisez « L’ARTM temporise et présentera des scénarios à l’automne » 2. Lisez notre entrevue avec la ministre Geneviève Guilbault