Nouvelle difficulté pour le prolongement de la ligne bleue : le seul consortium en lice pour creuser l’immense tunnel menace de ne pas soumissionner si les conditions du projet ne sont pas modifiées à son avantage, a appris La Presse.

Mobilité Bleu Horizon, un groupe mené par le géant de la construction Pomerleau, exige entre autres que la Société de transport de Montréal (STM) réduise les frais de retard et le montant des garanties financières prévues dans le mégacontrat.

Ces éléments (et deux autres demandes) constituent des « enjeux critiques », pour le consortium, indique Mobilité Bleu Horizon dans une communication destinée à la STM et dont une version anonymisée a été rendue publique dans les derniers jours sur la plateforme d’appels d’offres en ligne du gouvernement. « Cet enjeu peut affecter sa capacité à déposer une soumission finale. »

En réponse, la STM a accepté de modifier certaines dispositions du contrat, sans toutefois donner raison au consortium sur toute la ligne.

Mobilité Bleu Horizon est formé de Pomerleau, du constructeur EBC et de l’entreprise française SPIES Batignolles, selon le Registre des entreprises du Québec. Cette dernière possède une expertise en creusage de tunnels. La raison d’être du consortium : « Soumission et projet de construction du tunnel pour le prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal », toujours selon le registre.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Site prévu pour la nouvelle station Viau de la ligne bleue

Deux sources bien au fait du dossier ont confirmé à La Presse qu’il s’agissait du seul candidat toujours dans la course. Trois autres sources ont indiqué que le consortium était persuadé de n’avoir aucun concurrent encore en selle.

Pomerleau et EBC n’ont pas voulu commenter nos informations, se contentant de diriger La Presse vers la STM. Contactée tôt mardi matin, la STM n’avait pas encore réagi mercredi soir.

Après un report, la date de clôture de l’appel d’offres a été fixée au 20 décembre.

La voie du tramway ?

Le contrat en question, d’une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars, est le plus important du projet de prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal, sa « colonne vertébrale » selon la STM. Il consiste notamment à creuser le sol sur plus de six kilomètres à l’aide d’un tunnelier, une expertise peu commune en Amérique du Nord, en plus d’excaver trois des cinq nouvelles stations.

En septembre dernier, la STM refusait de révéler combien de soumissionnaires potentiels étaient toujours en lice, après une étape de qualification.

« Même si, ultimement, il n’y a qu’un prix déposé, le processus est conforme, donc on peut aller de l’avant techniquement avec l’adjudication du contrat », indiquait à l’époque Maha Clour, directrice du bureau de projet du prolongement de la ligne bleue. « On a écouté le marché. On s’est adaptés. Et on s’attend à ce que le marché s’adapte à nous aussi. On s’attend à ce que le ou les prix soumis reflètent le meilleur prix pour les travaux qui doivent être réalisés. »

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Duplex commercial qui ferait place à la station Pie-IX

L’absence de soumission serait autrement problématique pour la STM.

C’est ce qui est arrivé au début du mois de novembre dans le dossier du tramway de Québec, là aussi avec un consortium où Pomerleau et EBC étaient associés (avec la française Vinci, cette fois). Le groupe, baptisé Mobilité de la Capitale, n’aurait pas réussi à obtenir les garanties financières nécessaires pour se lancer dans le projet, selon les informations publiées par La Presse dans la foulée de l’annonce du maire Bruno Marchand.

Arrière-goût amer

Parmi les demandes de Mobilité Bleu Horizon : faire diminuer de façon importante les frais de retard et le montant de la lettre de garantie exigée par la STM, empêcher l’organisation publique d’avoir accès à sa comptabilité liée au projet et nommer un certificateur indépendant pour établir le degré d’avancement du chantier (et donc les factures payables).

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Édifice commercial qui serait remplacé par un bâtiment technique près de la station Saint-Michel

La STM a accepté de réduire les frais de retard et le montant de la lettre de garantie, a restreint son pouvoir de consulter la documentation du consortium, mais a refusé la nomination d’un certificateur indépendant.

« La STM n’inclura pas un tel mécanisme aux documents d’appel d’offres », répond l’organisation, toujours sur la plateforme d’appels d’offres du gouvernement. Ce processus de questions et réponses entre soumissionnaires potentiels et donneur d’ouvrage est normal pour un contrat de cette ampleur. Les réponses sont ensuite rendues publiques, afin de permettre à tous les soumissionnaires d’avoir accès à la même information. Habituellement, les échanges portent toutefois sur des points techniques très précis.

La Presse n’a pas pu établir si le consortium est satisfait de ces modifications.

Selon deux sources, des cadres impliqués dans le projet ont gardé un goût amer du projet de construction du garage souterrain Côte-Vertu, qui s’était mal terminé entre la STM et un consortium mené par EBC. Le transporteur avait carrément résilié le contrat, déclenchant un conflit judiciaire avec les entreprises.