Le 13 juin dernier, des pompiers du Service de sécurité incendie de l’agglomération de Longueuil ont affronté le pire cas de figure lié à l’arrivée du Réseau express métropolitain (REM) sur leur territoire : l’évacuation d’un train immobilisé sur le pont Samuel-De Champlain.

« Le pire scénario, c’est un train qui est bloqué sur le pont Champlain [et] faire une évacuation d’urgence sur le pont », témoigne Daniel Deslauriers, chef aux opérations au Service de sécurité incendie de l’agglomération de Longueuil (SSIAL), responsable de la formation relative au REM.

C’est le poste de contrôle centralisé (PCC) du REM à Brossard qui a appelé le 911 en soirée. « On a envoyé l’ensemble des effectifs qui étaient demandés à ce moment-là », raconte M. Deslauriers. « On a vraiment déclenché un vrai appel, “le PCC appelle le 911”. La seule chose qu’on mentionne [cette fois-là], c’est que c’est une simulation. »

La panne, on l’aura compris, était fictive.

Les trains du REM qui circulent actuellement entre la Rive-Sud et le centre-ville de Montréal en « marche à blanc » (sans passagers) n’ont pas subi de telle avarie. Les pompiers doivent toutefois être prêts à composer avec cette infrastructure nouvelle au Québec.

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Jean Melançon, directeur du Service de sécurité incendie de l’agglomération de Longueuil, devant la station Du Quartier, à Brossard.

« On l’a mise dans le schéma de couverture de risques [qui comprend] tous les risques sur le territoire », explique le directeur du SSIAL, Jean Melançon.

On doit se préparer, comme on le fait pour le métro, comme on le fait pour les édifices en hauteur.

Jean Melançon, directeur du Service de sécurité incendie de l’agglomération de Longueuil

Les services de sécurité incendie des villes traversées par le REM ont donc développé une formation de concert. « On travaille très étroitement avec Montréal. On n’a pas le choix : en plein milieu du pont Champlain, on se croise », précise M. Deslauriers, rencontré avec M. Melançon aux abords du nouveau réseau, à Brossard.

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Un train du REM traversant le pont Samuel-De Champlain en avril. L’évacuation d’urgence d’un train bloqué sur le pont, le « pire scénario », a été simulée par les services d’urgence le mois dernier.

Le Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) a aussi participé à la simulation du 13 juin, comme d’autres intervenants, dont la Sûreté du Québec. L’opération nécessitant la fermeture de deux voies dans les deux directions s’est tenue à 22 h, durant une heure, pour minimiser les impacts sur la circulation.

Une autre simulation réalisée sur un quai du REM « a évalué à quatre à six minutes » le temps nécessaire pour évacuer un train occupé aux deux tiers.

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Daniel Deslauriers, chef aux opérations et responsable de la formation relative au REM au Service de sécurité incendie de l’agglomération de Longueuil

« Donc sur le pont, [l’opération] se ferait en quelques minutes », après quoi les passagers « sont évacués, donc ils ne sont plus en danger », assure M. Deslauriers. Les passagers sortiraient par une porte sur une passerelle à la hauteur du train, où un autobus, par exemple, pourrait venir les chercher.

Les trains étant toujours supervisés par le poste de contrôle, les passagers entendraient des consignes – « un peu comme dans le métro », rappelle M. Melançon.

Une telle évacuation n’aurait cependant lieu qu’en tout dernier recours.

« Ça prendrait un dégagement de fumée à l’intérieur du train », indique M. Deslauriers. Autrement, « même si le train s’immobilise – s’il y a, par exemple, une panne de courant –, il est autonome en électricité et en ventilation. Donc les gens qui sont à l’intérieur ne sont pas en danger à court terme ».

Soixante pompiers de plus

Les pompiers de Longueuil ont participé à deux autres simulations avec des trains du REM. Ces mises en situation incluaient notamment « un dégagement de fumée » dans un appareil utilisé pour les formations, et « des gens qui demandent une assistance », comme le feraient des blessés ou des personnes à mobilité réduite.

L’un des scénarios se déroulait dans une station, l’autre dans une portion aérienne du réseau.

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Un train du REM file sur une section surélevée, aux abords de la station Brossard.

Si ces rails aux allures un peu futuristes tranchent dans le paysage, « pour [les pompiers], ce n’est vraiment pas très haut, ce n’est pas une problématique », note le chef aux opérations. « Notre échelle est capable d’aller facilement à 110 pieds » alors que les rails sont à « une trentaine de pieds », une hauteur comparable à celle d’un viaduc.

« On a déjà l’équipement, mais on rajoute du personnel dans les prochains mois, l’année prochaine, pour être capable de faire face, pas juste au REM, mais à tout le développement que vous voyez », explique M. Melançon.

Les constructions en hauteur, comme le quartier Solar près du DIX30, à Brossard, nécessitent des ressources. Et on s’attend à ce que le REM amplifie le mouvement.

C’est sûr que la densité de population va exploser avec le REM, c’est indéniable. Un développement de cette importance, ça va faire déplacer des gens, donc plus de gens, plus de risques, ça vient avec.

Daniel Deslauriers, chef aux opérations du Service de sécurité incendie de l’agglomération de Longueuil

Le schéma de couverture de risques récemment approuvé par Québec prévoit l’embauche de 60 pompiers supplémentaires au cours des cinq prochaines années dans l’agglomération de Longueuil, dont 8 en 2023-2024.

Les habitations récentes, remplies de matériaux synthétiques qui brûlent plus rapidement, ajoutent aux défis.

« Un incendie se développe huit fois plus rapidement que dans les années 1970, dégage deux fois plus de chaleur et trois fois plus de fumée », illustre le chef aux opérations.

L’embrasement généralisé d’une pièce, pour lequel on pouvait compter environ 29 minutes dans les années 1970, se produit aujourd’hui en un peu plus de 3 minutes, dit-il. Et ça peut aller encore plus vite en présence de batteries au lithium, comme on en trouve dans les vélos et trottinettes électriques.

« D’où l’importance d’avoir un bon nombre des pompiers en caserne : c’est primordial parce que le feu se développe tellement rapidement qu’on ne peut plus attendre. »