Devant la hausse récente de la violence dans le métro, la Société de transport de Montréal (STM) songe très sérieusement à munir ses constables de poivre de Cayenne en gel, a appris La Presse.

Ces agents affirment ne pas être adéquatement équipés pour faire face aux agressions de plus en plus fréquentes et subir des délais d’attente importants lorsqu’ils demandent des renforts d’urgence de la police.

Deux agressions graves ont d’ailleurs eu lieu dans les derniers mois, dénonce leur syndicat : un constable tombé au sol a été roué de coups à la station de métro Radisson, alors qu’un autre a été frappé avec un cadenas de vélo à la station de métro Snowdon.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Les constables de la STM affirment ne pas être adéquatement équipés pour faire face aux agressions de plus en plus fréquentes dans le métro de Montréal.

« Il y a une augmentation de la violence, comme on voit dans les rues. Il y a une augmentation des crimes », a indiqué Kevin Grenier, président de la Fraternité des constables et agents de la paix de la STM, affiliée à la CSN. « Depuis la pandémie, il y a eu une cassure. Il y a eu une explosion. »

« En 2022, 323 évènements avec emploi de la force ont eu lieu, ce qui correspond à une augmentation de 17,88 % par rapport à 2019 », indique d’ailleurs un rapport de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) effectué après une plainte du syndicat qui représente les agents et que La Presse a obtenu.

Un représentant de la STM a indiqué à l’inspecteur du travail qui a rédigé le rapport que le « poivre de Cayenne [en gel] est en cours d’implantation et sera prêt à être distribué aux constables spéciaux au début de l’automne 2023 », conditionnellement à une approbation du conseil d’administration.

La version gélifiée du poivre de Cayenne permet une utilisation dans un espace clos comme le métro.

Appelée à réagir, la STM a toutefois nuancé. « Le poivre de Cayenne sous forme de gel, par exemple, pourrait être utilisé en dernier recours. […] Une réflexion interne à cet égard est en cours », a indiqué le porte-parole Philippe Déry. « Les policiers qui patrouillent le métro et les agents de la paix ou constables de l’ensemble des réseaux de transport au pays […] en sont dotés. »

Équiper les constables de poivre de Cayenne en gel, « ce serait une bonne chose », a indiqué Kevin Grenier. Ses collègues et lui sont actuellement équipés de bâtons, de menottes et de vestes pare-balles.

« Jeu du téléphone »

Selon le rapport de la CNESST, obtenu par l’entremise de l’accès à l’information, le poivre de Cayenne n’est toutefois pas le seul enjeu en matière de sécurité des constables.

Le document précise que les appels pour des renforts policiers passent par au moins cinq personnes (agent, puis centrale de sécurité, puis centre de communication métro, puis 911, puis SPVM), créant des délais d’attente importants. Comble de la complexité : « à plusieurs reprises, les policiers qui arrivent sur des demandes de renfort mentionnent que, pour un eux, le code [utilisé] n’a pas la même signification que pour la STM », note la CNESST dans son rapport, qui juge la communication « déficiente ».

« Au moment où on se parle, il n’y a rien qui a changé. C’est encore la même chose, c’est encore le jeu du téléphone », a déploré le syndicaliste Kevin Grenier.

On perd des secondes, des minutes importantes. […] Des fois, l’assistance arrive quelques minutes plus tard, voire 7, 8, 10, 12, 15 minutes plus tard.

Kevin Grenier, président de la Fraternité des constables et agents de la paix de la STM

La STM n’a pas accordé d’entrevue à La Presse.

Dans un courriel, son service des communications a assuré que l’organisation travaille à améliorer la sécurité dans le métro.

« Nous avons d’ailleurs annoncé des mesures supplémentaires liées à la sécurité au printemps, avec l’ajout d’une vingtaine de postes de constables spéciaux supplémentaires et la création d’une nouvelle équipe d’ambassadeurs de sûreté », a indiqué le porte-parole Philippe Déry. « Nous poursuivons aussi notre travail de collaboration avec le SPVM pour assurer une couverture optimale des lieux critiques, augmenter la visibilité du personnel et permettre d’intervenir plus rapidement. »

Il a souligné que seulement 2 % des interventions des constables nécessitent l’emploi de la force. Chaque agression en est « une de trop et une analyse post-évènement est toujours effectuée », a-t-il ajouté.

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La version gélifiée du poivre de Cayenne permet une utilisation dans un espace clos comme le métro.

Le travail d’équipe « déficient »

La CNESST note aussi dans son rapport que certains comportements des constables eux-mêmes peuvent créer des risques pour leur sécurité.

Ainsi, en raison de conflits interpersonnels dans le milieu de travail, « certains constables spéciaux ne répondent pas systématiquement à leur sergent lorsqu’une situation à risque est identifiée », indique le rapport. « Le travail d’équipe déficient augmenter donc le risque d’agression. »

Par ailleurs, la formation des duos de patrouille est laissée au choix des constables eux-mêmes à chaque début de quart, ce qui « fait en sorte que de nouveaux constables spéciaux peuvent se jumeler ensemble et pourraient choisir un territoire plus problématique alors qu’ils ont moins d’expérience ».

Kevin Grenier a reconnu que « là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie », mais a ajouté que jamais ces éléments ne pourraient mettre en danger ses membres.