Les sans-abri qui avaient planté leurs tentes dans un parc d’Ahuntsic ont plié bagage jeudi matin, comme demandé par la Ville de Montréal, mais la plupart d’entre eux prévoient seulement déménager leur campement à un endroit moins visible.

« J’ai déjà repéré un autre emplacement », confie Pierre en finissant d’emballer ses quelques biens – deux sacs de vêtements, une tente, un sac de couchage, un matelas de sol.

Installé dans le parc Basile-Routhier depuis quelques semaines, avec six autres personnes dont les tentes étaient disséminées sur le site, Pierre avait même eu le temps de planter des tomates, qu’il tentera de venir chercher plus tard, dit-il.

Pour Scott DeRapp, lever le camp est plus compliqué : l’homme de 50 ans, qui a fait du parc son domicile depuis plus d’un an, a amassé beaucoup de choses dans ses deux tentes.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Scott DeRapp

« Les gens sont tellement fins, ils n’arrêtaient pas de m’apporter du stock, explique-t-il, occupé à faire le tri de ce qu’il pourra apporter dans son prochain campement. Ça me fait de la peine de devoir jeter des choses qui sont encore bonnes. »

En matinée jeudi, M. DeRapp n’avait pas encore décidé où il irait se poser. Il a un chariot de vélo et un panier à roulettes, mais c’est insuffisant pour transporter toutes ses affaires.

« Ça me prendrait un petit espace dans un garage, dit-il. Je pense que je vais être obligé de coucher sur le bord du chemin avec mon stock, s’ils ne veulent pas que je mette de tente. »

Il sait que le camping permanent n’est pas idéal, lui qui a failli mettre le feu à sa tente et s’est brûlé sévèrement à la main il y a quelques mois. Mais il refuse d’aller dans les refuges pour sans-abri.

Plaintes

Lundi, les campeurs du parc Basile-Routhier ont reçu un avis de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville leur demandant de quitter les lieux avant jeudi. Il semble que des plaintes du voisinage aient incité les autorités à procéder à l’éviction.

« Il y avait juste une personne qui faisait du trouble et tout le monde paie pour », déplore Pierre.

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Vers 11 h, en présence de plusieurs policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), des employés municipaux ont démantelé un des emplacements. La campeuse installée à cet endroit était partie le matin même en emportant quelques biens. Tente, matelas, sac de couchage, chaise et autres effets ont été embarqués dans une camionnette rouge de la Ville.

« On a demandé à l’arrondissement de trouver un endroit où entreposer les biens de cette personne, assure l’agent Jean-Pierre Brabant, porte-parole du SPVM. On se préoccupe du côté humain. »

D’autres campeurs avaient quitté les lieux mercredi.

En plus des employés municipaux et des policiers, dont certains agents de l’Équipe de concertation communautaire et de rapprochement (ECCR), des intervenants du CIUSSS étaient aussi sur place pour tenter d’épauler les campeurs.

L’un d’eux a suggéré à l’un des sans-abri, Patrick, qui a perdu son appartement en octobre dernier, de communiquer avec le 311 pour demander l’accès aux services d’accompagnement pour les ménages sans logis, ce qui lui permettrait d’être hébergé à l’hôtel en attendant de trouver un logement. On lui a cependant répondu que ce service n’était offert qu’aux personnes qui n’avaient plus de toit depuis moins de trois mois.

Vérification faite auprès de l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM), le service d’aide au relogement est effectivement prévu pour les personnes qui sont sans bail depuis moins de trois mois. « Dans les autres cas, les personnes sont plutôt redirigées vers des services d’aide pour les itinérants, explique Valérie Rhême, directrice des communications de l’OMHM. Mais si ce monsieur avait un bail en octobre dernier, il pourrait être admissible. Il faudrait qu’il nous appelle pour qu’on puisse évaluer sa situation. »

En entrevue jeudi, la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a d’ailleurs demandé aux organismes municipaux de faire preuve « de flexibilité et d’empathie » envers les personnes qui demandent de l’aide. « Même pour ceux qui ne rentrent pas dans les cases, ce n’est pas grave. Il faut quand même aider les gens à se retourner de bord et à prendre un peu de recul pour trouver une solution », a-t-elle insisté.

En date du mercredi 21 juin, l’OMHM avait accompagné 75 ménages dans la recherche d’un logement, et neuf ménages étaient hébergés à l’hôtel.

Mme Rhême rappelle que les personnes qui ont besoin d’assistance pour se loger peuvent composer le 514 868-4002.

En savoir plus
  • 22 000
    Nombre de ménages sur la liste d’attente de l’OMHM pour l’obtention d’un logement en HLM
    Source : Office municipal d’habitation de Montréal
    14,5 %
    Augmentation moyenne du loyer d’un logement de deux chambres ayant changé de locataire entre 2021 et 2022, dans le Grand Montréal
    Source : Observatoire Grand Montréal (Communauté métropolitaine de Montréal)