Une fine couche de brouillard, un ciel gris, percé par un soleil d’un orangé blafard. Dans l’air, une odeur de « vieille cendre », comme l’a décrit cette dame rencontrée au parc La Fontaine mardi soir. Même à Montréal, impossible d’ignorer les dizaines d’incendies de forêt qui ravagent la province.

La qualité de l’air s’est dégradée mardi. Au centre-ville de la métropole, son indice était de 93 en soirée. À partir de 50, elle est considérée comme mauvaise.

La fumée des incendies du Québec s’est même rendue jusqu’à la ville de New York mardi, selon le New York Times.

Si l’activité est ralentie dans les rues et les parcs de la métropole, des citadins ne s’empêchent pas de vivre. « Je ne suis pas boucane-anxieux », a résumé Jean-Pierre Laurin, croisé rue Sherbrooke Est, devant l’hôpital Notre-Dame.

CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

Niki Lasserre, Eliot Etienne et Gabriel Moïse

Même chose pour Niki Lasserre, Eliot Etienne et Gabriel Moïse, attablés au parc Jeanne-Mance, au pied du mont Royal. « C’est dommage d’avoir du brouillard, mais est-ce que c’est mauvais pour nous, on ne le sait pas ! », s’est exclamé Eliot, souriant, cigarette au bec.

Un son de cloche différent de celui de Danyka Bienvenue, qui rentrait du travail avec un masque, rue Sherbrooke.

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Danyka Bienvenue

« Je suis allée voir l’indice de la qualité de l’air, et c’est vraiment mauvais », a-t-elle expliqué. La jeune femme est asthmatique. « Je me suis dit : pourquoi prendre une chance ? » Puis, le regard tourné vers le ciel, elle a dit : « le ciel est vraiment gris ».

« Même les arbres n’ont pas l’air de bien aller »

De l’autre côté de la rue, le parc La Fontaine était peut-être moins achalandé qu’à l’habitude, mais cyclistes et coureurs le traversaient.

Sous les arbres, deux jeunes enfants lançaient à leur mère un ballon en forme de fusée. « On aurait dû fermer nos fenêtres, on est au troisième étage », a expliqué Marine Compas. L’air dans l’appartement est moins respirable que dans le parc, soutient-elle. « Mon mari a travaillé toute la journée à l’ordinateur, il a eu des meetings et là, il a un mal de tête. » Elle observait la grisaille environnante : « C’est sûr que c’est un peu oppressant, mais je n’ai pas d’inquiétude, ça reste léger. »

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Eva

Eva, âgée de quatre ans et demi, va à la rencontre de Roxy, maltipoo de deux ans. Qui éternue, affirme la maîtresse de la petite chienne. « Est-ce que c’est le pollen, les feux, je ne sais pas », observe cette dame. Une chose est sûre, selon elle : « Tout le monde est affecté. C’est un été de merde. Il fait chaud, froid, puis ça. Il y a une odeur de vieille cendre. Même les arbres n’ont pas l’air de bien aller ! »

« Ce n’est pas une raison pour ne pas jouer ! »

Santé Montréal a appelé la population à la vigilance mardi en raison du smog causé par les incendies de forêt. Les particules fines dans l’air peuvent nuire en particulier aux personnes asthmatiques, cardiaques ou ayant des problèmes respiratoires, comme l’emphysème ou une bronchite chronique.

Dans la foulée, des entraînements d’équipes sportives ont été suspendus. Soccer Québec a notamment suggéré l’annulation complète des activités dans les régions où la qualité de l’air était considérée comme « mauvaise ».

Un mot qui ne s’est pas rendu jusqu’à l’équipe de Paul Dervaux, croisé au parc La Fontaine. Dans la journée, il a fait du jogging en plus de jouer au soccer.

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Paul Dervaux

« Au soccer, personne ne m’en a parlé, assure-t-il. Mais ma blonde, oui ! » Il ne se sentait pas incommodé par la fumée. « Mais d’un point de vue écologiste et environnementaliste, oui », a-t-il souligné.

Un peu plus loin, les joueurs de deux équipes de balle-molle, les Swingers et les Batmobiles, avaient la mine basse. « On est tous en dépression », a lancé Philippe Welch à notre arrivée.

Ils se sont présentés pour leur match et ont appris, sur place, que les terrains du parc étaient fermés.

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Les Swingers n’ont pas pu jouer à la balle-molle mardi soir.

Pendant ce temps, tout autour, d’autres jouaient au tennis, au soccer, au volleyball, au spikeball, à la boxe, se promenaient à la course, en vélo…

« Moi, je fais de l’asthme, donc je sens que ça tire un peu, a indiqué Elliott Nunes, un membre des Swingers. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas jouer ! »

Au parc Jeanne-Mance, Breanna Clark, qui vit en alternance entre le Québec et Beyrouth, au Liban, ne s’inquiétait pas trop. Mais avec le vent de tempête qui faisait danser les arbres dans le parc déserté, elle n’a pu s’empêcher de constater : « On a l’impression que c’est l’apocalypse. »