L’opposition officielle à l’hôtel de ville, Ensemble Montréal, qui traîne une dette considérable depuis des années, semble avoir du mal à payer des fournisseurs et collaborateurs pour des services rendus avant et pendant la dernière campagne électorale municipale, en 2021.

L’ancien parti de l’ex-maire Denis Coderre aurait notamment une facture de 34 000 $ en souffrance depuis septembre 2021, pour des capsules vidéo tournées par OBox, au printemps et à l’été 2021.

L’ex-représentant officiel du parti, Jonathan Cohen, confie aussi avoir eu des « difficultés » concernant sa rémunération, pour son travail avant et après la période électorale. Il refuse cependant de dire quelle somme lui doit le parti.

Une autre employée, qui a requis l’anonymat, révèle également avoir eu du mal à obtenir le remboursement de certaines dépenses engagées dans le cadre de la campagne électorale. Le parti lui devait environ 1000 $. La moitié lui a été remboursée l’année suivante après de nombreuses demandes de sa part, dit-elle, mais elle a renoncé à réclamer le reste en raison des difficultés subies.

Pas des « crosseurs »

Ensemble Montréal soutient que toutes les dépenses électorales ont été remboursées aux employés et que son représentant officiel a été rémunéré. En ce qui concerne la facture d’OBox, on explique attendre une « preuve que la facture a été approuvée par le représentant officiel du parti ».

« On n’est pas là pour crosser le monde », lance Jean-François Kacou, directeur général du parti depuis février dernier.

Le parti de l’opposition officielle, dont le chef intérimaire est Aref Salem et qui compte 37 élus à l’hôtel de ville et dans les arrondissements, a terminé l’année 2022 avec un passif net de 429 600 $, selon son rapport financier.

Parmi ses dettes, une somme de 130 600 $ est due à 36 individus, dont plusieurs élus du parti ou ex-élus, qui ont fait des prêts allant de 2000 $ à 5000 $ chacun, indique le rapport financier. La majorité de ces emprunts remonte à 2017, mais certains datent d’aussi loin que 2014. Le parti paie des intérêts aux prêteurs (généralement 6 %), mais dans la plupart des cas, aucun capital n’est remboursé. Le parti a aussi 488 000 $ en emprunts bancaires.

Les états financiers d’Ensemble Montréal montrent aussi des comptes à payer de 62 500 $. Ce qui n’inclut pas la facture de 34 000 $ d’OBox.

Présentation des candidats

OBox a fait plusieurs contrats pour Ensemble Montréal, notamment les photos des candidats pour les affiches électorales de 2021, pour lesquelles l’entreprise a été payée.

Elle a aussi tourné des capsules vidéo où les candidats, dont Denis Coderre, se présentent ou souhaitent une bonne fête nationale aux électeurs. C’est ce contrat qui n’a pas été payé.

« Le matériel a été tourné avant la période électorale, en prévision de la campagne », explique Robert Boulos, associé chez OBox, qui a envoyé sa facture le 10 septembre 2021 à l’intention de l’agent officiel du parti, Jonathan Cohen. La campagne électorale a été déclenchée officiellement le 17 septembre.

L’entente a été conclue avec l’ancien directeur général du parti Sébastien Lachaine, indique M. Boulos, qui nous a fourni plusieurs courriels faisant état de la planification de ce tournage.

Des preuves

Or, M. Lachaine « ne reconnaît pas ces factures », affirme aujourd’hui Jean-François Kacou. Lui-même n’était pas au parti à ce moment-là.

M. Lachaine a refusé de répondre à nos questions pour ce reportage.

On a besoin de preuves d’approbation, sinon n’importe qui pourrait arriver avec une facture en disant : « Vous me devez tant. »

Jean-François Kacou, directeur général d’Ensemble Montréal

Selon Jonathan Cohen, qui était agent officiel du parti lors de la campagne de 2021, le problème avec le contrat pour les capsules vidéo, c’est qu’il a été réalisé avant le déclenchement officiel de la campagne. « Les services rendus pour l’élection, mais hors de la période électorale, ne sont pas remboursables » par le DGEQ, affirme-t-il en entrevue.

Or, au DGEQ, on précise que les dépenses électorales sont celles qui sont engagées pour des biens et services qui seront utilisés pendant la campagne électorale. « L’important n’est pas le moment où la commande a été passée ni le moment où ç’a été payé. Ce qu’on regarde, c’est l’utilisation », explique la porte-parole du DGEQ, Julie Saint-Arnaud.

Les dépenses électorales donnent droit à un remboursement qui peut atteindre 70 %, jusqu’à un certain maximum. Lors de la campagne électorale de 2021, Ensemble Montréal a dépensé 1,4 million, alors que le maximum permis était de 1,6 million.

Il n’est pas clair si les capsules vidéo tournées par OBox ont été utilisées après le déclenchement de la campagne.

L’ancien représentant officiel Jonathan Cohen confie que « ç’a été une campagne difficile », mais soutient que tous les fournisseurs ont été payés.

Mais pour les dépenses engagées avant et après la campagne, « il y a eu des difficultés de paiement, y compris pour moi-même », dit-il. « C’est possible qu’il y ait eu des délais ou des non-paiements, je sais pertinemment que ç’a été mon cas. »

Une autre contractuelle ayant travaillé lors de la campagne électorale dit avoir eu beaucoup de mal à se faire rembourser des factures totalisant environ 1000 $, pour des frais de déplacement et de communication, pour lesquels elle avait fourni des justificatifs. Devant son insistance, le parti a fini par lui rembourser 500 $.

« Je sais qu’il y avait des difficultés financières, mais j’avais fourni toutes mes factures », dit-elle, sous le couvert de l’anonymat parce qu’elle travaille toujours en politique.

Des surplus pour Projet Montréal

Pendant que le principal parti de l’opposition tente d’éponger ses dettes, le parti de la mairesse Valérie Plante, Projet Montréal, nage dans les surplus. L’actif net accumulé par le parti au pouvoir était estimé à 557 000 $ au 31 décembre 2022, selon son dernier rapport financier. Projet Montréal a recueilli environ 200 000 $ en dons et en frais d’adhésion l’an dernier, tandis qu’Ensemble Montréal a reçu 128 000 $ du public. Projet Montréal a dépensé sensiblement la même somme que ses opposants lors de la campagne électorale de 2021, soit 1,4 million.