(Washington) Dans la partie de poker menteur qui se joue entre la Maison-Blanche et la Chambre des représentants autour du plafond d’endettement des États-Unis, le républicain Kevin McCarthy a marqué ses premiers points mercredi, avec le vote de son projet prévoyant une baisse sans précédent des dépenses publiques en échange d’une hausse du plafond

Son plan, qui prévoit une baisse de 4500 milliards de dollars des dépenses fédérales sur les dix prochaines années en échange d’une hausse de 1500 milliards du plafond de la dette publique, actuellement à 31 000 milliards de dollars, a en effet été adopté par la majorité républicaine à la Chambre des représentants.

Pour M. McCarthy, ce n’était pas gagné. Les discussions se sont poursuivies entre mardi et mercredi afin de convaincre l’ensemble des républicains, tant sa marge de manœuvre est faible, du fait de la majorité réduite dont il dispose.

Il s’agissait également d’un test pour le « speaker » de la Chambre des représentants, afin de prouver sa capacité à rassembler quand nécessaire un parti tiraillé par des forces centrifuges.

En y parvenant, le chef de file républicain fait monter la pression sur Joe Biden, qui s’est lancé mardi dans la campagne en vue de sa réélection en 2024.

« Notre groupe a voté pour le seul plan à Washington qui s’attaque au plafond de la dette, met fin aux dépenses fédérales excessives et remet notre pays sur le chemin d’une croissance soutenable », s’est félicité M. McCarthy dans un communiqué.

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Le président de la Chambre des représentants des États-Unis, Kevin McCarthy

« Le président a été très clair, ce texte n’a aucune chance de devenir une loi », a immédiatement réagi la porte-parole de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre. « Le président Biden ne forcera jamais les classes moyennes et les travailleurs à porter le poids des réductions d’impôts en faveur des plus riches, comme le prévoit ce texte ».

Parfum de campagne présidentielle

Le projet de loi adopté prévoit également que le Congrès devra se prononcer à nouveau sur le plafond d’endettement du pays fin mars 2024, soit en pleine campagne présidentielle américaine, ce qui en ferait à n’en pas douter l’un des thèmes majeurs.

Celle-ci a en réalité déjà commencé mardi. Kevin McCarthy a réagi à l’annonce de la candidature de Joe Biden en estimant que le président semblait « concentré sur son propre futur politique alors qu’il devrait l’être sur le futur des États-Unis ».

Le vote obtenu mercredi lui a permis d’enfoncer le clou, en estimant qu’il « envoie un message clair au président Biden : continuer d’ignorer le problème n’est pas une option. Le président doit s’asseoir à la table et négocier ».

« Je serai heureux de rencontrer McCarthy, mais pas sur le relèvement ou non du plafond de la dette. C’est non négociable », a de son côté assuré le président américain, lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche, avant de connaître l’issue du vote.

Les démocrates estiment en effet que le plafond de la dette n’est pas un sujet négociable, rappelant qu’il ne concerne pas de nouvelles dépenses, mais celles déjà votées par le passé, d’administrations issues des deux partis.

Et pour les États-Unis, l’enjeu est de taille : jamais jusqu’ici le pays ne s’est retrouvé en défaut sur sa dette et cette dernière sert de valeur refuge pour le secteur financier mondial, du fait de la solidité de la garantie américaine.

Défaut possible début juin

Un défaut « provoquerait une catastrophe économique et financière », a de nouveau alerté mardi la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen.

Contrairement à la majorité des économies avancées, la dette américaine est plafonnée et son niveau doit faire l’objet d’un vote du Congrès afin de suivre sa hausse régulière. Une situation qui s’est déjà produite à 78 reprises depuis le début des années 60, le plus souvent sans difficulté.

Trouver rapidement un consensus est dès lors une nécessité pour les États-Unis, d’autant que le défaut pourrait se produire plus rapidement que prévu initialement.

Dans une note publiée lundi, Moody’s Analytics anticipe ainsi un risque de défaut « possiblement début juin », un risque qui commence à être pris en compte par les investisseurs, comme en témoignent les coûts d’assurance pour se couvrir d’un défaut de paiement des États-Unis, au plus haut depuis 2011.

Le plan de M. McCarthy est-il dès lors la solution ? Pas nécessairement car, selon Moody’s, ce dernier aurait un impact réel sur l’économie : une baisse de 0,6 point de pourcentage de la croissance potentielle américaine pour 2024 ainsi que la destruction de 780 000 emplois, de quoi faire trembler les républicains modérés.

« Le Congrès doit voter une hausse ou une suspension du plafond de la dette. Il doit le faire sans conditions. Et il ne doit pas attendre la dernière minute », a martelé Janet Yellen mardi.