Malgré des plaintes répétées des résidants depuis deux ans, la Ville de Laval refuse de rehausser la sécurité à une traverse piétonne empruntée tous les jours par des enfants pour atteindre leur arrêt d’autobus sur le boulevard Saint-Martin Ouest.

Chaque matin, Noureddine Wahdani craint pour la sécurité de son fils de 12 ans. Pour se rendre à l’arrêt d’autobus, ce dernier doit emprunter une traverse piétonne qui lui permet de franchir le boulevard Saint-Martin Ouest, près de la rue Dutrisac.

Les automobilistes sont nombreux à ne pas laisser passer l’enfant, qui doit attendre, pour ensuite avancer dans le boulevard en espérant avoir été vu.

Les gens roulent vite et n’arrêtent pas. Les enfants ont la priorité ! C’est stressant parce qu’on ne sait jamais si une collision va survenir.

Noureddine Wahdani, père de famille

L’intersection a été réaménagée en 2019 lors de la réfection d’une partie du boulevard Saint-Martin. L’artère a été élargie à cet endroit pour implanter des trottoirs et des bandes cyclables. Mais surtout, une troisième voie de circulation a été ajoutée afin de faciliter les virages des voitures.

Or depuis, les automobilistes n’ont plus à s’immobiliser lorsqu’un véhicule cherche à tourner dans la rue Dutrisac et peuvent poursuivre leur chemin. Cette nouvelle configuration à trois voies a également allongé la distance à traverser pour les piétons. Un passage a été peint au sol pour délimiter la traverse, mais c’est trop peu au goût de plusieurs résidants du secteur.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Lors d’un passage à cet endroit récemment, La Presse a pu voir plusieurs piétons de laisser passer les conducteurs de véhicules motorisés avant de traverser, car ceux-ci les ignoraient.

M. Wahdani note se faire régulièrement engueuler par des automobilistes alors qu’il traverse le passage réservé aux piétons. « Les gens ne sont pas contents, ils me disent de me pousser, alors qu’ils n’ont pas la priorité ! Il y a une énorme incompréhension sur ces aménagements, qui ne sont jamais respectés. »

Lors d’un passage à cet endroit récemment, La Presse a pu voir plusieurs piétons laisser passer les conducteurs de véhicules motorisés avant de traverser, car ceux-ci les ignoraient. « C’est tous les jours comme ça, a dit un homme qui a dit s’appeler Ricardo. J’attends toujours que les automobilistes passent parce qu’ils n’arrêtent jamais pour me laisser traverser. »

« C’est un non-sens ! »

Depuis des années, M. Wahdani et des voisins demandent à la Ville de Laval d’installer un arrêt obligatoire à cette intersection. Sans succès : ils se font répondre que l’aménagement actuel est adéquat.

« On dirait qu’ils attendent qu’un enfant se fasse happer sur le chemin de l’école avant de réaliser qu’il y a un problème. C’est un non-sens ! On ne doit pas accepter ça. »

L’automobiliste qui ne respecte pas la priorité des piétons met les autres en danger tout en étant lui-même protégé des conséquences d’une collision, alors que le piéton qui traverse n’a pas ce luxe, et devrait être d’autant plus protégé par les aménagements, dit le Lavallois. « Une collision pourrait facilement être mortelle pour un enfant. »

La Presse a contacté le cabinet de Séphane Boyer, maire de Laval, mais n’avait pas reçu de réponse au sujet des aménagements en question au moment de publier.

Pour Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec, ce n’est pas parce qu’une traverse piétonne est aménagée selon les normes du gouvernement qu’elle est sûre pour les citoyens qui l’empruntent quotidiennement.

C’est possible qu’une traverse piétonne ne réponde pas aux besoins parce qu’on le sait, au Québec, les automobilistes les respectent peu, malheureusement. Pourtant, dès qu’on dépose le pied dans la rue dans nos provinces voisines, en Ontario ou au Nouveau-Brunswick, les automobilistes arrêtent.

Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec

Mme Cabana-Degani note qu’il faudrait probablement un arrêt obligatoire ou un feu de circulation pour sécuriser l’endroit pour les piétons. « C’est un triste constat, mais les traverses piétonnes ne fonctionnent pas au Québec, même si on continue de les implanter partout. »

Le fait que peu d’automobilistes semblent savoir que la priorité revient aux piétons montre qu’une campagne de sensibilisation est nécessaire, dit-elle. « Aussi, pour un automobiliste, c’est une infraction qui ne compte pas de points d’inaptitude. Ça envoie le message que ce n’est pas important dans le fond, alors que ça l’est. »

En janvier, La Presse rapportait l’histoire de Mélanie Prescott, une mère dont les deux filles se sont fait happer en 2021 alors qu’elles empruntaient une traverse piétonne dans le village de Saint-Damien, dans Lanaudière.

Deux ans plus tard, l’aînée, Harmonie, aujourd’hui âgée de 13 ans, a encore des séquelles, après avoir été opérée aux jambes et avoir subi un traumatisme crânien. La jeune fille, qui réussissait auparavant très bien en classe, a dû refaire sa première secondaire et a été victime d’intimidation.

La municipalité de Saint-Damien a demandé à Québec de réduire la vitesse maximale dans cette zone, sans succès.