Olymel fermera l’un de ses quatre abattoirs de porcs de la province. Le plus important transformateur de porcs du Québec aurait choisi de sacrifier les installations de Vallée-Jonction, selon des informations obtenues par La Presse auprès de trois sources concernées par l’annonce.

Olymel a convoqué les médias à son siège social de Saint-Hyacinthe, ce vendredi matin, sans préciser lequel de ses abattoirs fermerait. Les quatre abattoirs d’Olymel sont situés à Yamachiche, Saint-Esprit, Ange-Gardien et Vallée-Jonction.

Cette usine d’abattage, de découpe et de désossage aurait été choisie parce qu’elle serait moins robotisée et moins moderne que les autres du groupe.

Les rumeurs d’une fermeture d’abattoir circulent à Vallée-Jonction et dans les villages autour, où se trouvent de nombreuses fermes d’élevage de porc, depuis le début mars.

Martin Maurice, président du Syndicat des travailleurs d’Olymel Vallée-Jonction – qui est affilié à la CSN et représente 800 travailleurs –, a cependant dit jeudi ne pas savoir quelle usine fermerait.

« On n’a aucune information », a de son côté indiqué Janick Vallières, représentant syndical responsable des usines d’Olymel de Saint-Esprit et de Yamachiche au sein de la section locale des Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce (TUAC) 1991.

C’est même La Presse qui l’a informé de la tenue de la conférence de presse d’Olymel ce vendredi matin. « Olymel est très peu bavard. Ils nous disent : “Quand ce sera annoncé, vous le saurez.” Donc on attend. »

Le porte-parole des Éleveurs de porcs est de son côté resté prudent. « Nous ne pouvons pas commenter à ce stade, nous allons attendre de prendre connaissance des détails de l’annonce », a indiqué Tristan Deslauriers.

Nous souhaitons être très clairs sur un élément cependant : aucun éleveur ou éleveuse ne sera laissé derrière. La priorité de l’organisation est de s’assurer qu’il y a un minimum d’impact sur leur quotidien et nous soutiendrons les plus touchés. Nous travaillerons avec les différents partenaires pour y arriver.

Tristan Deslauriers, porte-parole des Éleveurs de porcs du Québec

Le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, André Lamontagne, et le président de l’Union des producteurs agricoles, Martin Caron, n’ont pas souhaité se prononcer avant la conférence de presse d’Olymel.

Jeudi, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale n’avait reçu aucun avis de licenciement.

La nouvelle s’est rendue aux oreilles de Cécilien Berthiaume, éleveur de Saint-Elzéar, près de Vallée-Jonction. La ferme familiale produit 45 000 porcs par an. C’est un désastre, ce qui est en train de se passer, dit-il, au téléphone. La fermeture de l’abattoir se traduira par une facture additionnelle de 50 000 $ à 75 000 $ en frais de transport par année.

Grève et peu d’investissements

L’établissement de Vallée-Jonction avait beaucoup fait parler de lui après le déclenchement d’une grève en avril 2021. Le conflit de travail qui a duré quatre mois a eu d’importantes répercussions sur les éleveurs. À un certain moment, 130 000 porcs attendaient d’être abattus et risquaient l’euthanasie, faute de solution de rechange.

Olymel n’a pas fait d’investissements majeurs à Vallée-Jonction depuis de nombreuses années.

L’entreprise avait en revanche investi 25 millions à Saint-Esprit en 2016, puis encore 9 millions en 2021.

L’usine de Yamachiche a aussi fait l’objet d’investissements importants au cours des dernières années, « autour de 160 millions », souligne Janick Vallières. Malgré cela, les travailleurs sont « inquiets », a-t-il souligné.

« Un investissement, c’est sûr, ça amène une certaine “sécurité”, entre gros guillemets. Mais on ne sait jamais de quel bord le vent va tourner, évidemment. On a très hâte d’entendre la réponse, et peu importe quelle usine ça va être, c’est sûr que ça va être une triste nouvelle pour ces travailleurs-là. »

Crise dans l’industrie

Fermeture du marché chinois, pandémie de COVID-19, pénurie de main-d’œuvre : l’annonce survient alors que l’industrie porcine traverse une crise sans précédent. Depuis octobre 2021, les abattoirs du Québec ont transmis aux producteurs des « avis de réduction d’achats » qui totalisent plus de 1,7 million de porcs.

L’annonce qui sera faite par Olymel ce vendredi matin était attendue. Face à ses difficultés financières, Olymel n’avait pas fait mystère de ses intentions il y a quelques mois.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Yanick Gervais, PDG d’Olymel, Alexandre Lefebvre, chef de la direction du Groupe BMR, et Ghislain Gervais, président du conseil d’administration de Sollio Groupe coopératif, lors de l’assemblée générale annuelle en février 2023

« C’est sûr qu’il va y avoir une consolidation des abattages en moins de sites ou une refonte des quarts de travail », avait affirmé en février dernier le président-directeur général d’Olymel, Yanick Gervais, en marge de l’assemblée générale annuelle de Sollio Groupe coopératif. Olymel appartient à 84 % à la coopérative. « On n’a pas les mêmes besoins à 81 000 cochons abattus par semaine qu’à 130 000 », avait-il précisé à cette occasion. Olymel a l’intention de réduire ses abattages de 20 %.

La crise est grave, au point que le 27 mars, les Éleveurs de porcs ont voté pour la mise sur pied d’un programme de rachat volontaire destiné aux éleveurs qui souhaitent se retirer de la production pour au moins cinq ans. Doté d’un fonds de compensation de 80 millions, il viserait à réduire de 1 million le nombre de porcs d’engraissement élevés dans la province.

Depuis le mois d’août, l’ex-ministre libéral Raymond Bachand pilote aussi un processus de conciliation entre les Éleveurs de porcs et les abattoirs pour convenir de la prochaine formule de prix.

Plusieurs fermetures

Aux prises avec un important déficit de main-d’œuvre, Olymel n’a plus la capacité d’abattre autant de porcs que par le passé. Elle préfère en abattre moins et se concentrer sur la valorisation des pièces les plus rentables.

Le 1er février, Olymel avait annoncé la fermeture de ses usines de Blainville et de Laval, qui employaient alors 170 personnes. On y fait la production de jambons, pâtés et charcuteries commercialisés sous diverses marques, notamment Tour Eiffel et Nostrano. La date prévue de cessation des opérations est le 28 avril.

À la fin de 2022, c’est la fermeture des installations de Saint-Hyacinthe qui avait été annoncée. Peu avant, le transformateur avait également aboli 177 postes de cadre, à l’occasion de sa restructuration.

En outre, Olymel a changé la vocation de son usine de Princeville, qui ne fait plus d’abattage et qui est devenue une salle de découpe à valeur ajoutée.

Cette restructuration succède à une période de forte expansion. Olymel a en effet enchaîné les acquisitions depuis 2015. Elle a acquis A. Trahan, de Yamachiche, et La Fernandière, de Trois-Rivières, en 2016, Aliments Triomphe pour 65,2 millions et l’ontarienne Pinty’s pour 226 millions en 2018 et F. Ménard, d’Ange-Gardien, pour 605 millions en 2020, au sommet du cycle.

La viande porcine est l’un des plus importants produits d’exportation de la province, avec des recettes de 2,1 milliards en 2020. On dénombre près de 2000 éleveurs de porcs dans nos campagnes.

Olymel a longtemps été la vache à lait de sa société mère, représentant environ 50 % de ses revenus.

Ce n’est plus le cas. Dans le secteur du porc frais, Olymel affirme avoir perdu 390 millions au cours des deux dernières années. Jeudi, l’entreprise a annoncé des pertes globales avant impôt de 445,7 millions pour 2022, après les pertes de 71,8 millions en 2021.