La question posée dans mon titre est catastrophiste, et la réponse courte est : non. Le métro de Montréal tiendra bon, du moins à court terme.

Mais les pannes se multiplient, c’est indéniable. Et l’état de cette gigantesque infrastructure, dans ses entrailles, loin des yeux des usagers, se dégrade à vitesse grand V.

Beaucoup plus vite qu’on pourrait le soupçonner.

Fissures et déformations dans le béton, écartement des rails, parois qui se détachent des tunnels, infiltrations : ça craque de partout. Le système est vieux et tous les maux apparaissent en même temps.

Les chiffres et les photos que j’ai obtenus, contenus dans un rapport envoyé en avril à la ministre des Transports Geneviève Guilbault, font peur. Le métro reste sûr, insiste la Société de transport de Montréal (STM), mais tout cela pourrait mal virer sans un réinvestissement majeur dans le « maintien des actifs ».

Un réseau vieillissant
  • Des exemples de situations « critiques », parmi des dizaines

    IMAGE TIRÉE D’UN DOCUMENT DE LA STM

    Des exemples de situations « critiques », parmi des dizaines

  • Des exemples de situations « critiques », parmi des dizaines

    IMAGE TIRÉE D’UN DOCUMENT DE LA STM

    Des exemples de situations « critiques », parmi des dizaines

  • Des exemples de situations « critiques », parmi des dizaines

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    Des exemples de situations « critiques », parmi des dizaines

  • Des exemples de situations « critiques », parmi des dizaines

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Depuis cinq ans, le nombre de signalements pour des actifs en « état critique » a plus que doublé, apprend-on. Il y en a eu une centaine en 2022 requérant des réparations urgentes, dans un délai maximal de 12 à 24 mois.

Les cas « problématiques », qui doivent être réparés en deux à cinq ans, ont aussi doublé pendant cette période, à près de 300.

Les équipes de la STM s’occupent des situations les plus urgentes. Mais pendant ce temps, les demandes de réparation « non résolues » s’accumulent. Elles sont passées de 83, il y a cinq ans, à 2757 l’an dernier !

Cette dégradation se reflète dans les interruptions de service. Presque 160 ont été causées par un « bris » l’an dernier, sans compter toutes les pannes d’origine humaine (portes retenues, bagarres, malaises, etc.). C’est beaucoup et ça augmente.

J’ai parlé cette semaine à la directrice générale de la STM, Marie-Claude Léonard. Son organisation marche en ce moment sur une très mince ligne.

Comme un funambule qui essaie de garder son équilibre sur un fil de fer.

La STM doit s’assurer que le métro demeure sûr, et il l’est, m’a répété Mme Léonard. Mais elle veut aussi alerter Québec – le principal pourvoyeur de fonds pour l’entretien et l’exploitation du réseau – que la situation pourrait vite devenir intenable.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Marie-Claude Léonard, directrice générale de la STM

C’est faux de dire que le métro est en bonne santé. Le métro a presque 60 ans, donc c’est sûr qu’il faut investir. Nous, notre préoccupation, c’est de dire que si on continue à ce rythme d’investissement là, il y a quelque chose qui va finir par arriver…

Marie-Claude Léonard, directrice générale de la STM

Des « choses » ont déjà failli se produire, il n’y a pas si longtemps.

En avril 2023, la ligne verte a été fermée pendant plusieurs heures après que des fissures sont apparues dans la voûte du tunnel du métro entre les stations Berri-UQAM et Saint-Laurent. Cet arrêt avait créé toute une commotion, voire un chaos, pour 90 000 usagers.

Lisez « Métro de Montréal : des fissures dans la voûte forcent la fermeture de la ligne verte »

La STM a déployé une armée d’experts pour mener des tests en tout genre, avant de rouvrir la ligne le lendemain matin. Le monitorage serré des installations s’est avéré efficace.

Le pire a été évité. Cette fois. Mais les situations du genre – ou encore pires, comme des fermetures de longue durée – pourraient se reproduire. C’est même plausible.

« Le cri du cœur à travers ça, c’est qu’il faut avoir une enveloppe de maintien d’actifs qui est à la hauteur des besoins », lance la directrice générale.

Vous êtes peut-être lassé d’en entendre parler, mais ce que je vous raconte aujourd’hui ramène à une question centrale : celle du financement du transport collectif.

Sempiternelle question. Serpent à plusieurs têtes.

Les sociétés de transport sont toujours en discussion avec Québec pour convenir d’un financement récurrent – et suffisant – de l’exploitation des réseaux. Il manque des centaines de millions et ce premier volet n’est pas réglé.

Les sommes pour le maintien des actifs, par exemple la modernisation des vieux trains MR-73 du métro, proviennent d’autres sources gouvernementales. Elles sont inscrites dans le Plan québécois des infrastructures (PQI). Et le dernier en date, dévoilé en mars en même temps que le budget provincial, a déçu la STM. Un mot faible pour résumer l’angoisse actuelle.

En fait, les sommes inscrites au dernier PQI ne correspondent plus qu’à 41 % de ce qui était disponible en 2013, calcule la STM. Le déficit en maintien d’actifs s’élève à 6 milliards de dollars, et le compteur tourne.

Plus on attend, plus ça se dégrade et plus ça coûtera cher. La STM ignore toujours quelles sommes lui seront imparties à court, moyen et long terme, pour plusieurs de ses programmes de mises à niveau. Le flou est grand.

Et oui : la STM cherche encore des moyens de dégraisser sa structure de coûts élevée, largement critiquée par Québec. Des économies récurrentes de 85 millions ont été trouvées dans les budgets, et la cible de 100 millions demeure, confirme Marie-Claude Léonard.

C’est un exercice nécessaire. Cette dose d’autodiscipline budgétaire renforcera selon moi le plaidoyer de la STM auprès du gouvernement Legault.

Une rencontre est prévue ce vendredi entre la ministre Geneviève Guilbault et les villes du Grand Montréal pour parler du financement de l’exploitation des réseaux de transport en commun. Résultat espéré d’ici quelques semaines ou quelques mois.

Pour ce qui est du maintien des actifs de la STM, Québec assure qu’il répondra présent, comme il l’a fait par le passé. Restez à l’écoute.

Dans tous les cas, il faut souhaiter ici que nos décideurs apprennent, justement, des erreurs du passé.

Car lorsqu’on regarde l’état de plusieurs infrastructures publiques – les écoles, les hôpitaux, les routes, les ponts d’étagement –, le sous-financement n’a jamais entraîné autre chose que des factures exorbitantes pour réparer dans l’urgence les pots cassés.