Est-ce que quelqu’un peut taper sur l’épaule du ministre de l’Éducation et lui demander de lire cette chronique ? J’aimerais que Bernard Drainville comprenne à quel point les centres de services scolaires sont (parfois, souvent) des créatures complètement stupides.

Déborah De Braekeleer est enseignante de 3année à l’école primaire Saint-Thomas-d’Aquin, à Saint-Hyacinthe. Elle y enseigne depuis une décennie. De ce que j’ai pu colliger, c’est une enseignante hyperappréciée de ses élèves et de son école.

Mme De Braekeleer a décidé de tenter sa chance à l’émission de téléréalité Survivor Québec, à Noovo. Par défi personnel. Ils sont nombreux à tenter leur chance, peu nombreux à être choisis…

Elle a été choisie.

Elle a donc demandé un congé sans solde à son employeur, le centre de services scolaire de Saint-Hyacinthe.

Parallèlement, Mme De Braekeleer s’est assurée que ses élèves soient bien pris en main : l’enseignante a elle-même recruté sa remplaçante, une enseignante qualifiée à la retraite.

Réponse du CSS de Saint-Hyacinthe : désolé, nous refusons votre congé. Il ne s’est pas passé un jour entre la demande de congé de l’enseignante De Braekeleer et le refus de son employeur.

Motif du refus : nous refusons toutes les demandes de congé sans solde pour éviter de piger dans notre bassin de remplaçants, que nous préférons garder pour les congés de maladie.

Fort bien, a plaidé Mme De Braekeleer, mais j’ai déjà trouvé ma remplaçante, et elle ne fait pas partie du bassin de suppléants habituels…

Rien n’y fit. Congé refusé.

Déborah De Braekeleer a décidé de défier son employeur et de s’absenter quand même de son travail et de vivre avec les conséquences de sa décision. Elle s’est dit : j’aurai une note à mon dossier, j’aurai des jours de suspension, j’assume…

Sauf que le CSS de Saint-Hyacinthe a décidé d’entamer la procédure de congédiement de son enseignante.

Et ce congédiement a été officialisé fin mars, par un vote serré au conseil d’administration : sept voix contre cinq.

Pour la gradation des sanctions, comme on dit dans le jargon des relations patronales, on repassera : le CSS de Saint-Hyacinthe a sorti la bombe nucléaire tout de suite. Son dossier était sans tache, pourtant.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Bernard Drainville, ministre de l’Éducation du Québec

Question pour le patron du CSS, M. Jean-Pierre Bédard : en quoi c’est bon pour les enfants de la classe de 3année de l’école Saint-Thomas-d’Aquin de congédier Mme De Braekeleer ?

Je pose aussi la question au boss de M. Bédard, Bernard Drainville.

J’appuie sur Pause, ici.

Je sais ce que plusieurs lecteurs pensent de cette histoire, à ce stade de la chronique, notamment parce que le congé sans solde demandé par Déborah De Braekeleer était lié à sa participation à une émission de télévision qui n’est du reste pas ma tasse de thé.

On peut ne pas aimer ce motif, le trouver frivole. On peut.

Pour moi, le motif importe peu. Que ce soit pour aller marcher à Compostelle, faire du bénévolat dans un orphelinat du tiers-monde ou s’occuper d’un proche malade, il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles on peut devoir demander, un jour, un congé sans solde.

L’expression le dit : « sans solde », donc à coût nul pour l’employeur.

Je souligne que Mme De Braekeleer n’a pas laissé ses élèves en plan de façon sauvage. Elle s’est assurée de trouver une remplaçante qualifiée, une enseignante d’expérience à la retraite, à qui elle a laissé toute la matière à enseigner avec des informations sur sa classe.

C’est d’ailleurs cette femme que le centre de services scolaire de Saint-Hyacinthe a embauchée pour remplacer Mme De Braekeleer !

Je fais ces précisions, je fais ce plaidoyer en faveur de l’enseignante De Braekeleer. Ce faisant, je ne pense pas aux relations de travail du centre de services scolaire de Saint-Hyacinthe, je ne pense pas à l’autorité patronale… 

Je ne pense qu’aux élèves de la classe de 3année de l’école Saint-Thomas-d’Aquin, dont les parents montent au créneau⁠1 pour défendre l’enseignante De Braekeleer, ces élèves qui ont braillé en apprenant le congédiement de leur enseignante… 

Je ne vois pas en quoi sacrer cette enseignante dehors est bon pour les élèves. Je ne pense ici qu’aux élèves… Pas à la virilité patronale de la haute direction du CSS de Saint-Hyacinthe.

Le lecteur de bonne foi est libre, bien sûr, de voir les choses autrement.

J’arrive maintenant au volet vraiment stupide de cette saga.

Déborah De Braekeleer a été congédiée pour insubordination. Elle a perdu sa permanence, son ancienneté, elle ne sait pas ce qui va arriver avec sa caisse de retraite, etc.

Le mot « congédiement » dit tout : t’es dehors, r’viens pu !

Mais le centre de services scolaire de Saint-Hyacinthe a également fait savoir à l’enseignante congédiée, ces derniers jours, qu’elle était toutefois libre de postuler de nouveau au CSS… pour être suppléante !

Ce que Mme De Braekeleer a décidé de faire.

Et où le CSS de Saint-Hyacinthe a-t-il décidé d’affecter l’enseignante congédiée fin mars ?

Insérez ici un roulement de tambour et de la musique de suspense, préparez-vous à entrer dans un brouillard de confusion…

Eh oui, à l’école Saint-Thomas-d’Aquin !

Eh oui, en 3année !

Eh oui, dans son « ancienne » classe !

Bref, le CSS de Saint-Hyacinthe réembauche début avril une prof qu’il a congédiée fin mars. Je ne vais pas demander au DG Jean-Pierre Bédard d’expliquer ce paradoxe, il refuse les demandes d’entrevue.

Mais je pose la question au ministre : est-ce que cette histoire de réembauche est logique ?

Les échos que je reçois vont dans ce sens : Déborah De Braekeleer retourne enseigner par amour pour ses élèves, pour leur éviter d’avoir à composer avec une suppléante inconnue (la suppléante qu’elle avait recrutée est partie vendredi dernier).

Elle devrait être en classe ce lundi matin.

Je termine avec deux observations…

Un, une enseignante du Collège de Montréal, une école secondaire privée de Montréal, participe à Survivor Québec. Sa participation est célébrée dans l’école, qui lui a donné un congé de « rayonnement »… 

Deux, note de service pour les recrues de l’enseignement qui se cherchent une job : il y a des centres de services scolaires qui ont du jugement et d’autres qui en ont moins… 

À propos du CSS de Saint-Hyacinthe : vous voilà prévenues.

1. Écoutez Déborah De Braekeleer et des parents d’élèves sur les ondes du 98,5 FM