Les joueurs des Voltigeurs de Drummondville, de la Ligue de hockey junior Maritimes Québec, ont été photographiés avec des chandails sur lesquels il était écrit : « 2024 Gilles-Courteau Trophy Playoffs ». Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a vigoureusement dénoncé la chose. Le ministre Jean-François Roberge a immédiatement demandé une enquête.

Ça ne devrait pas être trop compliqué comme enquête. Pas besoin de demander à l’UPAC de s’en occuper. Suffit de savoir qui a payé le bill. « Follow the money », comme disait Eliot Ness. Un coup qu’on sait qui, on fait quoi avec ? On l’oblige à chanter Gens du pays avant le début du prochain match ?

Avouons, y a déjà eu pire affront à la langue officielle du Québec. Sauf que c’est plate. C’est très plate parce que les organisateurs de la Grey Cup doivent rire dans leur barbe. Irrité par leurs affiches officielles unilingues anglaises, en novembre dernier, le triomphant joueur des Alouettes Marc-Antoine Dequoy leur avait lancé, avec conviction, cette bombe : « Gardez-le, votre anglais ! »

Aujourd’hui, les organisateurs doivent se dire : « On peut bien le garder, notre anglais, vous l’avez déjà. » Pas besoin d’aller à Hamilton pour se scandaliser du non-respect du français, Drummondville, c’est moins loin. Un à zéro pour la CFL.

Cela dit, ça ne sert à rien de faire porter toute la responsabilité de ce « chandailgate » à la LHJMQ, le problème est bien plus profond que ça.

Pourquoi une gang majoritairement francophone préfère s’afficher en anglais seulement ? Pourquoi les gars sont tout sourire dans leur chandail Playoffs ? Parce que l’anglais, c’est cool. Ils n’ont rien contre le français, mais l’anglais, c’est plus hot. La pub du faucon pèlerin n’a rien changé à l’affaire.

Les gens, maintenant, habitent plus dans leur réseau que dans leur patrie. Et la langue du réseau, c’est la langue de Zuckerberg. Ils font des stories sur Instagram, des reels sur Facebook. Ils se servent de YouTube, Google, Airbnb, Amazon, Apple, Uber Eats, PayPal, Tinder. Les raisons sociales sont en anglais. Il est loin le temps où Staples faisait le choix de s’appeler, au Québec, Bureau en gros.

Personne ne va sur Trombinoscope. Tout le monde va sur Facebook.

Les joueurs des Voltigeurs de Drummondville vivent dans ce monde. Ils ne commandent pas leur bouffe avec Seuildeporte, ils la commandent avec DoorDash. Ils ne sont pas en séries éliminatoires, ils sont en playoffs. On aura beau écrire des centaines d’éditoriaux. Paul St-Pierre Plamondon aura beau faire enfiler, lui-même, à chaque joueur, un chandail « Séries éliminatoires du trophée Gilles-Courteau 2024 », dans leur tête et dans leur protège-bouche, les boys sont en playoffs. C’est pas par mauvaise volonté. C’est juste plus simple. Tout le monde le dit, dis-le donc.

On peut bien les blâmer, essayer de les culpabiliser, ça ne changera rien. Au contraire. Ce qu’il faut, c’est leur donner le goût de porter des chandails arborant des mots en français. Ce qu’il faut, c’est donner le goût à tous les francophones de se distinguer au moyen de leur langue.

Ce qui est ironique, c’est qu’au moment où plein de minorités brimées revendiquent le droit d’exister, en s’imposant, en s’affirmant, en vivant leur différence, la minorité francophone en Amérique semble choisir de s’assimiler, de se fondre dans la majorité.

Pourtant, c’est la différence qui fait la différence entre l’ordinaire et l’extraordinaire, entre le normal et le spécial. Des équipes de hockey se faisant photographier avec des chandails Playoffs, en ce moment, il y en a des milliers. Il y en a à Oshawa, à Mississauga, à London, à Kitchener, à Prince George, à Saskatoon, à Portland, à Boston, à Denver, à New York, à Dallas, à Vancouver… Dans toutes les villes du Canada anglais et des États-Unis. Le seul endroit où une équipe peut porter un chandail Séries, c’est ici.

Les gars, vous ne voulez pas sortir du lot ? Pourtant, le désir d’être premier, le désir d’être champion, c’est justement ça, le désir de sortir du lot. Si vous ne l’avez pas pour votre identité, pourquoi l’auriez-vous pour le hockey ?

Cette volonté d’être respecté au complet, pour ce que l’on est, a sûrement poussé Marc-Antoine Dequoy à se dépasser.

La fierté de sa langue, ça ne s’impose pas. Il faut que chaque personne ou groupe de personnes y trouve son compte. Joueurs de Drummondville, Saguenay, Québec, Shawinigan, vous pouvez y trouver le vôtre.

Quand on entre dans les séries, c’est pour se démarquer des autres, pas pour s’y perdre. Avec des chandails qui se démarquent, ça serait un coup de patin dans la bonne direction.

Si vous vous rendez jusqu’à la Coupe Memorial, vos adversaires vont plus craindre une équipe qui impose le respect de son identité qu’une équipe qui veut les imiter, qu’une équipe qui s’assujettit à eux.

Vos adversaires du Canada anglais affichent la langue des gens de la ville qu’ils représentent, pourquoi pas vous ?

Qui de mieux qu’un joueur de hockey pour comprendre qu’on n’atteint pas son but sans aide ? Sans l’aide de ceux qui crient pour nous…

Et qui diront : « On a gagné ! »