Petite devinette, même si vous connaissez probablement déjà la réponse.

Qui a dit ceci ?

« [Le chef du PQ] veut que la [question de la] prochaine élection, ce soit : est-ce qu’on veut ou non un référendum sur la souveraineté ? Moi, je ne pense pas que les Québécois sont là. »

Un indice : c’était hier.

Peut-être que Jean Charest et Philippe Couillard ont prononcé cette phrase, devant un proche ou dans un mauvais rêve. Mais non, ce n’est pas eux. Cette version vient de François Legault.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La CAQ de François Legault ne récolte que 22 % des intentions de vote, selon un nouveau sondage Léger.

Dans la citation complète, le premier ministre précisait que selon lui, la population souhaite plutôt qu’on priorise la santé, l’éducation, la protection du français, l’économie et le pouvoir d’achat.

M. Legault parle constamment de ces sujets et cela n’empêche pas sa dégringolade, comme le prouve le nouveau sondage Léger.

La Coalition avenir Québec (CAQ) ne récolte plus que 22 % des intentions de vote, loin derrière le Parti québécois (PQ), à 34 %. Suivent Québec solidaire (18 %), le Parti libéral (14 %) et le Parti conservateur (10 %).

Parler « d’intentions de vote » en mars 2024 peut paraître ésotérique. La prochaine campagne électorale se déroulera dans presque 1000 jours.

Un sondage est un polaroid du présent, et non une prédiction de l’avenir. La boule de cristal reste donc brumeuse. D’autant que le Parti libéral n’a pas de chef permanent.

Il reste que M. Legault n’a pas le choix de planifier maintenant la dernière moitié de son mandat. Et elle risque de passer vite.

Comme plusieurs libéraux avant lui, le chef caquiste remarque que l’appui à l’indépendance stagne. À peine un Québécois sur trois la souhaite.

Et contrairement à ses prédécesseurs fédéralistes, M. Legault fait face à un PQ qui prévoit promettre clairement une consultation sur l’avenir du Québec.

A priori, la mathématique paraît imparable. Mais ce ne sera pas si simple. Une lutte à cinq partis, c’est toujours compliqué…

Le problème de M. Legault n’est pas qu’il ferait un mauvais « capitaine Canada ».

Il y a une différence entre une campagne référendaire et une campagne électorale. Pour la première, il faut professer son adhésion au Canada, un rôle où M. Legault sonnerait faux. Mais pour une simple campagne électorale, le chef caquiste pourrait se contenter de répéter, comme il l’a fait mercredi, que les Québécois « ne sont pas là », puis laisser les libéraux asséner le reste des attaques.

Pour M. Legault, le danger est ailleurs. Il réside dans l’usure du pouvoir. Et avec la division du vote, le PQ pourrait facilement prendre le pouvoir en n’obtenant que 30 % des votes.

Par exemple, si les libéraux reconquièrent quelques circonscriptions caquistes, comme en Estrie et en Outaouais, cela profitera aux péquistes.

Les libéraux et les péquistes pourraient redevenir d’improbables alliés.

Les solidaires, eux, ne raffoleraient pas d’une campagne préréférendaire. Même si le parti de gauche se dit indépendantiste, 62 % de ses électeurs voteraient « Non ». Soit la même proportion que chez les sympathisants de la CAQ.

Le sondage Léger montre d’autres chiffres étonnants. Le PQ affiche ses meilleurs résultats dans la région de la Capitale-Nationale, où il était historiquement impopulaire. Les 18-34 ans sont également presque aussi indépendantistes (33 %) que les 35-54 ans (37 %) et les 55 ans et plus (36 %).

L’écart est plus grand entre les sexes qu’entre les générations. À peine 30 % des femmes veulent un nouveau pays, contre 43 % pour les hommes.

En fondant la CAQ, M. Legault promettait de revenir en politique pour environ 10 ans. Après sa victoire en 2018, il espérait faire deux mandats, puis céder sa place. Après sa réélection en 2022, il annonçait vouloir solliciter un troisième mandat, à condition que sa santé soit bonne et que « les Québécois veuillent de [lui] ». Puis l’automne dernier, il n’évoquait plus cette condition. « J’ai le goût ! », lançait-il.

À l’été 2026, M. Legault aura 69 ans. Cet âge n’est évidemment pas un obstacle, loin de là. Mais après presque 30 ans de vie politique, pourra-t-il vouloir vivre autre chose ? Il assure ne pas en avoir l’intention.

« Êtes-vous en réflexion sur votre avenir ? », lui ont demandé des journalistes mercredi.

Sa réponse fut claire : « Pas du tout ! »

M. Legault n’a pas de dauphine ou de dauphin naturel, malgré les ambitions mal dissimulées de Geneviève Guilbault.

D’un côté, on ne voit personne de mieux placé que lui pour diriger la CAQ. Mais de l’autre, sa popularité est entachée.

Même parmi les irréductibles qui appuient encore la CAQ, 21 % de gens croient que Paul St-Pierre Plamondon ferait un meilleur premier ministre.

Avec un tel recul dans les sondages, son rapport de force faiblit face au fédéral. Il devra se contenter des pouvoirs actuels pour plaire aux nationalistes. D’ailleurs, dans un discours lundi soir en marge du lancement d’un essai sur la « troisième voie », il a fait un lien entre l’Action démocratique du Québec qui a profité du dossier des accommodements raisonnables et la CAQ qui a adopté une loi sur la laïcité. Les deux partis ont réussi à « toucher le cœur des Québécois », a-t-il dit.

Mais plus que jamais, le cœur des électeurs semble à prendre.

Consultez le sondage Léger