En avril 2023, j’ai fait une demande de documents auprès d’un organisme assujetti à la loi fédérale sur l’accès à l’information. En principe, les documents auraient dû m’être livrés en trois mois. Je les attends toujours. Pas de quoi écrire à sa mère, encore moins une chronique, me direz-vous.

Mais voilà, depuis bientôt un an, on me sert toutes sortes d’excuses. Ça s’en vient, c’est presque prêt, vous aurez ça d’ici la fin de la semaine, oui, oui, bientôt… et ça n’arrive jamais. Début février, quand je suis revenue à la charge, on a joué la surprise : mais on vous a déjà tout envoyé, des centaines de pages imprimées !

« Hein ? Je n’ai rien reçu, ai-je répondu. Avez-vous une preuve de l’envoi ?

— Ah, euh, non… on est allés porter le paquet nous-mêmes à La Presse… »

C’est à ce moment-là, je crois, que mon bullshit-o-mètre s’est emballé pour de bon. Ah ouais, comme ça, les documents se sont « perdus dans la malle » ? Vraiment ? Remarquez, c’est peut-être bien vrai. Du reste, il n’y a probablement pas grand-chose d’intéressant dans ces « centaines de pages imprimées ».

Mais c’est plus fort que moi : plus j’ai l’impression de me faire niaiser, plus je me dis que peut-être, enfoui dans ces fichus documents, se trouve un scandale si scandaleusement scandaleux qu’il ferait tomber à coup sûr le gouvernement Trudeau…

Beaucoup de Britanniques ont sans doute eu le même réflexe devant les plates excuses de Kate Middleton, plongée dans l’embarras pour avoir diffusé, dimanche, une photo de famille retouchée. « Comme beaucoup de photographes amateurs, j’expérimente occasionnellement le montage », a écrit la princesse, lundi, sur X. Désolée pour la confusion, les amis !

C’est sans doute la vérité. Le plus probable, c’est que Kate Middleton a abusé de Photoshop pour diffuser un portrait de famille « parfait », dans lequel tout le monde sourit/a les yeux ouverts/regarde l’objectif…

N’empêche, dans le contexte, ces excuses sonnent faux. Cette photo officielle était la toute première de la princesse de Galles depuis son opération mystère à l’abdomen, en janvier. Elle avait pour but de rassurer le bon peuple : Voyez ? La princesse rayonne, entourée de ses enfants. On ne vous dit pas de quoi elle souffre, mais faites-nous confiance, tout va bien.

Il fallait dissiper les rumeurs et les théories du complot qui pullulent sur l’internet, nourries par le silence entêté du palais de Kensington. Alors, on a publié une photo bourrée d’anomalies : un bout de manche disparu, une fermeture éclair tronquée, des bras anormalement longs, des doigts tordus, une main floue, une autre sans anneau de mariage…

Vraiment, de quoi rassurer tous les complotistes de la planète !

Loin de rasséréner qui que ce soit, la photo retouchée de Kate Middleton a relancé les spéculations les plus folles sur son état de santé.

Décidément, la famille royale, qui en connaît pourtant un rayon sur le pouvoir des images, maîtrise à la perfection l’art de s’enfoncer. Plus que jamais, elle semble avoir quelque chose à cacher.

L’art de s’enfoncer n’est pas réservé à la monarchie, loin de là. Parmi les adeptes de cette discipline, on ne compte plus les personnalités qui s’entêtent à empirer leur cause, une excuse bidon à la fois.

À Montréal, un ex-maire texte au volant et rejette la faute sur un socle de cellulaire défectueux. En France, un ancien secrétaire d’État qui n’a pas déclaré ses impôts explique souffrir de « phobie administrative ». En Italie, une joueuse de tennis, positive à un test de dopage, raconte que sa maman cancéreuse a échappé son flacon de pilules dans les pâtes.

Sans oublier cet ex-président, aux États-Unis, qui empile les documents top-secret dans sa villa floridienne, affirmant les avoir déclassifiés par le pouvoir infini de sa pensée…

Par quel mécanisme l’esprit humain peut-il en arriver à croire qu’il vaut mieux raconter une histoire absolument invraisemblable plutôt que d’admettre une erreur ?

De Kate Middleton à Donald Trump, je l’avoue, je m’égare. La première n’a probablement pas menti, entre autres distinctions notables entre les deux personnalités. Reste que la princesse de Galles aurait tout intérêt à jouer la carte de la transparence.

Kate Middleton a droit à sa vie privée, bien sûr. Rien ne l’oblige à dévoiler ses informations médicales. Mais à défaut de révéler ce dont elle souffre, elle devrait publier la photo originale, sans retouche et sans tarder. C’est la seule façon de rétablir la confiance des Britanniques.

Et mes documents explosifs (ou pas), dans tout ça ? Je vous en reparlerai peut-être un jour. Au rythme où vont les choses, j’espère que vous n’êtes pas pressés.