Ç’aurait pourtant été si simple. Pour assurer une transparence minimale au sujet de Northvolt, le gouvernement caquiste n’avait pas besoin de faire grand-chose. Seulement de respecter la loi. Rien de plus.

En mars 2017, la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) a été réformée. Elle prévoyait la création d’un registre public en ligne. Il aurait permis de consulter les conditions exigées à Northvolt ainsi que les études déposées. Le tout en quelques clics.

La population locale est favorable au mégaprojet. Certains groupes écologistes disent ne pas y être opposés. Mais ils s’inquiètent de l’opacité. Impossible de consulter les documents soumis par Northvolt ou ses mesures de compensation prévues.

On a été bernés. Le registre public n’a jamais été créé. Et avec le recul, cela ressemble à une fausse promesse faite aux écologistes pour leur arracher des concessions.

Faut-il alléger l’évaluation des projets ? C’est justement ce qu’a fait la réforme de la LQE. À l’époque, les écologistes étaient méfiants. Le gouvernement Couillard a rallié plusieurs d’entre eux en promettant ce registre transparent pour les petits projets.

Or, les libéraux ont réservé une surprise. Ils ont précisé que le registre n’entrerait pas automatiquement en vigueur. Il faudrait attendre un décret. Et pour cela, précisait-on, il n’y avait pas d’échéancier…

Les libéraux y croyaient-ils ? Si oui, ça ne se voyait pas. Ils écoutaient le lobby patronal, qui prétendait que la transparence menacerait des secrets commerciaux.

Les caquistes n’étaient pas plus enthousiasmés par le registre. En début de mandat, ils prétextaient des défis informatiques. Ça viendra, assuraient-ils. Là encore, des écologistes de bonne foi les ont crus. Mais aujourd’hui, le dossier paraît mort.

Avec le recul, tout cela ressemble à de la pure mystification.

Ce problème ne vient pas de Northvolt. D’ailleurs, remettons les choses en perspective : selon le ministère de l’Environnement, le mégaprojet détruira 138 162 m⁠2 de milieux humides. C’est beaucoup, bien sûr. Mais cela n’équivaut qu’à 3,8 % de la superficie détruite en moyenne par année entre 2018 et 2023.

Cela relativise les cris du cœur de fonctionnaires qui dénoncent l’autorisation accordée à Northvolt. Elle n’a rien de si spécial. C’est plutôt la routine qui se poursuit.

Pourquoi tant de méfiance alors ? Notamment parce que le gouvernement l’alimente…

Pour la première fois cette semaine, le ministre de l’Environnement Benoit Charette a dit ce qu’on devinait déjà : les règles ont été changées à l’avantage de projets comme celui de Northvolt.

Il y a un an, Québec a modifié son règlement pour les usines de batteries. Le seuil du régime d’autorisation a été haussé de 50 000 à 60 000 tonnes. La première phase du mégaprojet de Northvolt s’est donc faufilée sous la barre.

La société étrangère voulait livrer ses premières cellules de batteries en 2026. Elle menaçait de s’implanter ailleurs si on l’assujettissait à la procédure d’évaluation complète, qui peut prendre environ 18 mois.

Le gouvernement est dans son droit. Il peut modifier les critères d’évaluation. Et peu importe l’avis de ses fonctionnaires biologistes, il peut autoriser un projet en fonction d’une analyse plus vaste des avantages et inconvénients.

Le prix à payer est politique. Mais pour convaincre les électeurs, Québec s’y prend mal. D’un côté, on allège les études exigées. De l’autre, on refuse la transparence. Un compromis aurait plutôt ressemblé à ceci : on va plus vite, mais rassurez-vous, on ne vous cachera rien.

Pour aggraver le problème, M. Charette offre des déclarations sibyllines. « Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de BAPE qu’il n’y a pas d’évaluation environnementale », a-t-il répété.

C’est vrai et faux. C’est surtout beaucoup plus compliqué.

En fait, le seuil de 60 000 tonnes n’est pas seulement pour le BAPE. C’est pour l’ensemble du processus d’évaluation.

Voici la procédure qui aurait été suivie si les règles n’avaient pas été changées. Québec aurait d’abord précisé ses conditions. Northvolt aurait produit des études d’impact détaillées pour y répondre. Un mandat aurait ensuite été donné au BAPE.

Le BAPE ne fait pas d’études. Il intervient après. Il organise une consultation au sujet de ces études, avec un mandat à la fois environnemental, économique et social. Tout y est public.

Le BAPE se fait en trois étapes : séance de questions, présentation de mémoires ou de témoignages puis rédaction d’un rapport.

Les commissaires du BAPE, aidés de leurs experts techniques, ne font pas que se prononcer pour ou contre un projet. Ils suggèrent aussi des améliorations. Québec a le droit de les refuser.

Les travaux du BAPE durent quatre mois. C’est très court. Ce sont les études en amont qui prennent plus de temps, selon la complexité du projet.

En modifiant les critères l’année dernière, Québec a soustrait Northvolt à ce régime. On exigeait un simple certificat d’autorisation ministériel. Et non une plus longue procédure complète d’évaluation des impacts, qui doit être soumise au Conseil des ministres.

Les études requises étaient donc moins détaillées. Et confidentielles aussi. On revient au problème de départ : la réforme de la LQE devait justement créer un registre web avec les informations de ces projets qui échappent à la procédure menant au BAPE.

Le projet de Northvolt est prometteur pour la transition énergétique. Mais dans les prochaines années, on risque de l’enseigner à l’université pour une autre raison : comme exemple de tout ce qu’il faut faire pour fragiliser la confiance du public qui était prêt à se laisser convaincre.